Chères toutes et chers tous,
Bientôt le COP de fin ! Alors que les négociateur•rice•s tentent encore de s'accorder sur les derniers points de tensions, nous vous proposons aujourd'hui notre dernière édition spéciale COP26. Dès lundi, Vert retrouvera son format habituel.
Ces deux semaines, nous nous serons démené·e·s pour vous offrir une couverture variée, exhaustive, et exigeante de cet événement. Nous vous remercions encore chaudement pour le soutien que vous nous avez accordé en contribuant à notre cagnotte Okpal.
Mais il n'est pas (encore) question de se reposer. Ce week-end, Vert posera ses bagages au Festival du livre et de la presse d'écologie (Félipé), qui se déroulera au Ground control, dans le 12ème arrondissement de Paris. Venez nous y rencontrer et d'ici là :
Bonne lecture !
Pour la COP26, c'est bientôt l'heure de la photo finale, et tout le monde s'est déjà servi un verre de vodka ou de mezcal.

Greenwashing et violations des droits humains : la compensation carbone est la star de la COP26
Émissions pas nettes. Au cœur de toutes les discussions et des négociations à la COP26, la compensation carbone permet le greenwashing et entraîne des violations des droits humains.
A la COP26, comme ce fut souvent le cas depuis plusieurs mois, Etats et grandes entreprises ont promis de viser la neutralité carbone : à plus ou moins longue échéance, les gaz à effet de serre encore émis devront être intégralement compensés. Installation d’énergies renouvelables, conservation de forêts, plantation d’arbres... Pour compenser leurs rejets et obtenir des « crédits carbone » sur les marchés, il leur faut financer des projets qui doivent contribuer à réduire les émissions de CO2 ailleurs sur la planète.
Bon nombre de ces projets se trouvent dans les pays du Sud, où des terres sont volées aux peuples autochtones pour y bâtir des barrages hydroélectriques, planter des monocultures d’arbres destinés à stocker du CO2, voire pour y « sanctuariser » des forêts, pariant qu'elles étaient vouées à la destruction. « Le gouvernement se concentre là où il y a le plus de forêts et achète des terres à des gens qui n’en sont même pas propriétaires », raconte à Vert Nemo Andi Guiquita, leader des Waoranis, peuple autochtone installé dans la partie amazonienne de l’Equateur.
Un récent rapport de l’ONU a déterminé que les forêts gérées par les communautés autochtones étaient les mieux préservées au monde et stockaient plus de carbone qu’aucune autre. A Glasgow, de nombreux représentant·e·s de ces peuples sont venu·e·s réclamer la reconnaissance de leur rôle de gardien·ne·s de la forêt et demander un soutien financier.

Le marché mondial de la compensation carbone volontaire des entreprises pourrait atteindre 50 milliards en 2030, à en croire la « task force » sur le sujet montée par l’ex-gouverneur de la banque d’Angleterre, Mark Carney. De quoi aiguiser des appétits carnassiers et accroître les besoins en terres pour séquestrer du CO2. Or, il y a un problème d'ordre de grandeur : au Congo, a alerté l'ONG CCFD-Terre solidaire, TotalEnergies veut planter une monoculture d'acacias sur 40 000 hectares. Un immense projet qui doit permettre de stocker 10 millions de tonnes de CO2 sur 20 ans. Une paille au regard des plus de 300 millions de tonnes émises chaque année par la multinationale.
Parmi les membres de cette task force : les pétroliers TotalEnergies, Chevron et Shell, les banques JP Morgan, Citi, HSBC ou BNP Paribas ainsi que plusieurs sponsors de la COP26, dont Microsoft, SSE et Unilever. La compensation carbone permet à certains de continuer la plupart de leurs activités néfastes pour le climat en s’achetant simplement des droits à polluer pour reverdir leur blason.
Les ONG réclament que la protection des droits humains, en particulier ceux des peuples autochtones, soit inscrite à l’article 6 de l'Accord de Paris. Âprement négocié à Glasgow, celui-ci doit permettre de fixer un cadre aux marchés du carbone.
Retrouvez cet article en version enrichie sur vert.eco.

Dites whiskikey ! La fin de la COP26 approche et les esprits s’échauffent à l’idée de ne pas parvenir à un accord sur les derniers points de tension. Mercredi soir, tard, la délégation mexicaine a promis une bouteille de téquila aux britanniques, hôtes du sommet, si les négociations aboutissent vendredi, comme prévu. Les Russes ont renchéri en promettant des shots de vodka. Un très bon signe pour Kristi Klaas, membre de la délégation estonienne : « C’est un indicateur de leur volonté de conclure un accord. » (Washington Post)
Bye bye Britain. L’Égypte accueillera officiellement la COP27 dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh. Pour des questions d’équité, la présidence de chaque COP est soumise à une rotation annuelle selon les cinq groupes régionaux de l’ONU (Europe de l’Ouest élargie, Europe de l’Est, Asie-Pacifique, Amérique latine-Caraïbes, Afrique). L’Égypte était la seule candidate pour la COP27, qui doit se tenir en Afrique. Son président, Abdel Fattah al-Sissi, avait manifesté son intérêt pour devenir hôte de l’événement, dès le mois de septembre. Dans la foulée de cette annonce, il a été confirmé à Glasgow que la COP28 aurait lieu aux Émirats arabes unis en 2023.
Pas COPains. Cinq pays de l’Union européenne (UE) se sont opposés à l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte européenne, lors d’une déclaration commune jeudi, à Glasgow. L’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, le Luxembourg et le Portugal ont jugé « incompatible » le classement du nucléaire dans la liste verte de l’UE, qui donne accès à des avantages compétitifs pour les énergies durables (France Info). Ils évoquent notamment la question du stockage à très long terme des déchets radioactifs. Une opposition frontale à la France, qui compte sur son recours massif au nucléaire pour décarboner et verdir son économie.

« La seule chose qu’a apporté l’Australie aux négociations, c’est du bon café. »
Richie Merzian
Cet ancien négociateur australien, directeur du programme énergie et climat au centre de recherche Australian Institute, a tancé la position de son pays à la COP26. Selon lui, l’Australie devrait être considérée comme un « pays problématique » dans les négociations climat, à l’instar de l’Arabie saoudite et de la Russie.
L’Australie est régulièrement épinglée pour ses prises de position sur le climat et pour son addiction au charbon. Cette année, c’est d’ailleurs le pays qui détient le record - cinq nominations - dans la catégorie « fossile du jour », un prix décerné quotidiennement par le Climate Action Network aux pays qui montrent le moins d’ambition climatique.

Douze gouvernements lancent une alliance pour en finir avec la production de pétrole et de gaz
Bande de BOGA. Jeudi, pour la première fois, douze pays et régions - dont la France - se sont engagés à programmer la fin de leur production de pétrole et de gaz.
Après l’annonce, la semaine dernière, d’une immense coalition de 190 Etats pour sortir du charbon à l’horizon 2030-2040 (Vert), une nouvelle alliance, intitulée « Beyond Oil & Gas » (BOGA), s’attelle aux autres énergies fossiles. Conduits par le Danemark et le Costa Rica, douze pays et régions – dont la France, la Suède, le Québec, le Groënland et le Pays de Galle – se sont promis de renforcer leurs engagements pour limiter le réchauffement climatique « si possible » à 1,5°C. Or, pour atteindre cet objectif, des chercheurs ont récemment estimé que 90% du gaz et 60% du pétrole devaient rester dans le sol (Vert).
L’alliance a acté la fin immédiate de la délivrance de nouvelles concessions et licences pour l’exploration et l’exploitation de pétrole et de gaz. Elle vise aussi à programmer l’arrêt progressif de la production pour les licences en cours sur leur territoire. Le Danemark a d’ores et déjà annoncé qu’il cesserait sa production en 2025. « La science a été claire : l'ère des fossiles doit prendre fin », a déclaré le ministre danois du climat, Dan Jørgensen.
En France, la loi Hulot de 2017 interdit déjà l’exploitation d’hydrocarbures au-delà de 2040. Alors que l’Etat français fait partie des signataires de la BOGA, celui-ci refuse toujours de rejoindre la liste des 24 pays et institutions qui se sont engagé·e·s, la semaine dernière, à couper leurs financements aux projets d’énergies fossiles à l’étranger d’ici fin 2022. « Cette contradiction illustre une fois de plus le double discours du président Emmanuel Macron, plus prompt à donner des leçons qu’à prendre des mesures concrètes », a dénoncé Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat d’Oxfam France.
Le 2 novembre, la France s’était aussi vue décerner le prix du « Fossile du jour » par les ONG du Réseau action climat pour son double jeu à la COP. En parallèle des déclarations de bonnes intentions à Glasgow, l’Etat faisait pression, à Bruxelles, pour que gaz et nucléaire soient considérés comme des énergies vertes dans le cadre de la taxonomie européenne (Vert).

+ Justine Prados et Juliette Quef ont contribué à ce numéro