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Taxonomie européenne : le « vert » à moitié vide

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Pour ori­en­ter les investisse­ments, l’U­nion européenne tente de définir ce qui est « durable » et ce qui ne l’est pas, mais d’in­tens­es trac­ta­tions ont affaib­li ses ambi­tions sur le sujet.

La tax­onomie verte européenne est un chantier tech­nique et titanesque engagé depuis 2018 par l’U­nion européenne, à grands ren­forts d’ex­perts et de sci­en­tifiques, mais aus­si de poli­tiques et de lob­bies en tout genre. L’ob­jec­tif est de class­er l’ensem­ble des activ­ités économiques européennes au regard de six objec­tifs envi­ron­nemen­taux pri­or­i­taires : atténuer le change­ment cli­ma­tique ou s’y adapter, faire un usage durable des ressources d’eau, par­ticiper à l’épanouissement de la bio­di­ver­sité, respecter les règles de l’économie cir­cu­laire et prévenir et con­trôler les risques de pol­lu­tion.

A terme, cette tax­onomie devrait donc bouter le green­wash­ing hors d’Eu­rope puisque ne pour­ront être qual­i­fiées de « durables » que les activ­ités qui con­courent à un ou plusieurs de ces objec­tifs, sans nuire aux autres pour autant. La tax­onomie prévoit aus­si, pour chaque objec­tif, de qual­i­fi­er des activ­ités de « tran­si­tion » ou qui « per­me­t­tent la tran­si­tion », c’est-à-dire qu’elles représen­tent une étape inter­mé­di­aire ou un sup­port à d’autres inno­va­tions.

Une des étapes cru­ciales de l’écriture de cette clas­si­fi­ca­tion a été la paru­tion, le 21 avril dernier, d’un pre­mier acte délégué (équiv­a­lent d’un décret d’ap­pli­ca­tion) édic­tant les critères cli­ma­tiques d’intégration à la tax­onomie verte. Dès le lende­main de sa paru­tion, cinq ONG — dont le WWF et BirdLife — ont sus­pendu leur par­tic­i­pa­tion au groupe d’ex­perts chargé de con­seiller la Com­mis­sion européenne.

Elles et ils ont dénon­cé des « inter­férences poli­tiques nuisant à la crédi­bil­ité de l’ex­er­ci­ce » et le fait que « les lob­bies de l’in­dus­trie reti­en­nent la tax­onomie en otage ». Le classe­ment de la bioén­ergie (énergie tirée de la com­bus­tion ou la dégra­da­tion de la bio­masse — le bois, par exem­ple) et de l’ex­ploita­tion forestière par­mi les activ­ités « vertes », alors que leur impact sur la bio­di­ver­sité ou le cli­mat est dis­cutable, fait par­tie des points chauds de la con­tro­verse.

Mais les polémiques les plus fortes con­cer­nent l’inclusion ou non du gaz naturel et de l’énergie atom­ique dans cette tax­onomie. La France a vive­ment défendu l’in­té­gra­tion du nucléaire tan­dis que l’Alle­magne a poussé celle du gaz, van­té comme l’énergie de la tran­si­tion entre le char­bon et les renou­ve­lables. Devant l’am­pleur des ten­sions, la Com­mis­sion a choisi reporter sa déci­sion à « plus tard en 2021 ».