La quotidienne

Cha-cha-charte

Chères toutes et chers tous,

🔥 C'est le grand jour ! Ce matin, dès potron minet, la Charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique a été dévoilée par ses auteur·rices et signataires, dans une tribune parue sur le site de France info et dans une dépêche AFP (la totale).

Un immense travail collectif dont Vert a la chance d'avoir été à l'initiative - celles et ceux qui sont venu·es souffler notre deuxième bougie en mars dernier s'en rappellent - et que nous vous racontons dans ce numéro spécial sur les médias et l'écologie. Vert s'engage sur les treize points de la charte : nous nous appliquons la même exigence que celle que nous espérons pour toute la profession.


Faisons tourner la réflexion sur l’écologie dans les médias pour envoyer valser les fausses idées sur le climat.


Climat : Après cet été brûlant, les grands médias sont-ils à un « tournant » ?

Les JT vont gîter. En cette rentrée, plusieurs grands groupes de presse s'engagent pour transformer leur traitement des sujets liés à l'écologie après l'été le plus chaud jamais mesuré en Europe. Les signaux, à ce stade, traduisent une progression lente, mais certaine, plutôt qu’un point de bascule médiatique. Enquête.

Alors que la canicule et les incendies ont fait rage cet été, « les médias se sont davantage interrogés sur le lien entre ces événements et le changement climatique, ce qui n’était pas le cas en décembre 2021 lors de la vague de douceur. Le terme "réchauffement climatique" est prononcé et des scientifiques sont interviewés », constate Sophie Roland, journaliste et formatrice indépendante.

Certains traitements médiatiques ne passent plus. Le Populaire du Centre, quotidien limousin, a dû faire son mea culpa après avoir affiché en gros titre « La canicule heureuse ». L'interpellation croissante des journalistes sur les réseaux sociaux les force à interroger leurs pratiques. « C’est encourageant : depuis que je bosse, il n’y a jamais eu autant de réflexions », commente Thomas Baïetto, journaliste à franceinfo.fr.

La Une du Populaire du centre, le 23 août dernier.

Au-delà d’un manque de pédagogie sur les phénomènes et leurs conséquences, c’est l’absence de cohérence au sein des journaux qui pose problème à de nombreux observateurs. Enchaînement des sujets oblige, on retrouve parfois pêle-mêle dans le même journal des reportages dont les dynamiques s’opposent - déplorant les incendies avant de proposer les meilleures destinations en avion. Le lien entre événements extrêmes et causes du réchauffement est peu fait et les réponses aux différentes crises sont mal explorées.

Heureusement, dans les médias, le climat et la biodiversité montent en puissance depuis plusieurs mois. Les scientifiques du Giec, notamment, ont investi l’espace public, y compris les réseaux sociaux, alors que sortaient les trois opus de leur sixième rapport entre août 2021 et avril 2022. Depuis un an, en sus des scientifiques, plusieurs collectifs tels que Plus de climat dans les médias et Quota climat, Pour un réveil écologique ou encore Protect our winters se sont emparés de l’invisibilisation des rapports du Giec pour réclamer un meilleur traitement médiatique de l’écologie (Vert). Radio France, TF1, France Média Monde ou le groupe Le Parisien-Les Echos, ont fait le choix de former largement leurs journalistes. Lisez la suite de notre enquête sur vert.eco

· Mardi, Nestlé a accepté de verser 40 000 euros d’amende et une indemnité de 475 000 euros à la fédération de pêche des Ardennes pour s’éviter un procès. La multinationale agroalimentaire suisse avait reconnu sa responsabilité dans la pollution de la rivière l’Aisne qui a coûté la vie à des milliers de poissons en 2020. Le déversement de boues d’épuration avait réduit la teneur en oxygène de l’eau. - France Bleu

· Mardi encore, les eurodéputé·es ont voté un texte visant à obliger les entreprises européennes à vérifier que les produits qu’elles commercialisent ne sont pas issus de déforestation importée. Le Parlement européen veut que les nouvelles règles s’appliquent aux banques et entend ajouter plusieurs produits comme le maïs ou le caoutchouc à la liste initiale présentée par la Commission. Le texte doit encore faire l'objet d'un accord avec le Conseil européen et la Commission. - Les Echos

· Mardi toujours, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a alerté sur la « portée destructrice inouïe » du changement climatique, après la publication d’un nouveau rapport rassemblant les conclusions d’une dizaine de travaux récents. L’ONU n’exclut plus le franchissement des « points de bascule dans le système climatique » entrainant un emballement irréversible et appelle à une « action urgente » des gouvernements pour écouter la science. - Le Monde

59 %

Ça va chiffrer. 59% des Français·es souhaitent des informations « constructives » leur proposant des solutions pour lutter contre le changement climatique, selon une étude de Viavoice commandée à l’occasion des Assises de journalisme 2021. D’autres données, issues de Reuters Institute et inédites en France, analysées par l’organisme Parlons climat, précisent que les Français·es sont 43% à s’intéresser aux documentaires, 38% aux scientifiques et aux expert·es et 16% seulement aux grands médias pour s’informer sur les actualités liées au changement climatique. Enfin, 42% des répondant·es de cette même étude pensent que l’information devrait se concentrer davantage sur ce que les gouvernements et les entreprises doivent faire.

La Charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique, un texte indispensable pour les médias, la démocratie et le climat

Charte sur table. Déjà signé par plus de 500 journalistes et 50 rédactions avant son lancement, ce mercredi, ce texte en 13 points veut contribuer à améliorer le traitement médiatique du climat et du vivant.

Les lecteur·rices de Vert s’en souviennent ; lors de notre deuxième anniversaire, nous vous avions proposé d’élaborer ensemble un « manifeste pour une nouvelle écologie médiatique ». En dix propositions, celui-ci se proposait de réconcilier les citoyen·nes avec leurs journalistes autour d'une meilleure information sur l'écologie.

La soirée d’anniversaire de Vert au cours de laquelle nos lectrices et lecteurs ont pu voter chacun des dix propositions du « manifeste » d’alors. © Nicolas Serve / Vert

Ce premier texte en main, Vert est allé frapper à la porte de nombreuses rédactions et de journalistes engagé·es de longue date pour une meilleure information sur l’écologie, dont Reporterre, Socialter, Climax ou Blast. La trentaine de membres de ce collectif à naître s’est rapidement accordée sur le fait d'écrire un texte à destination de la profession, plus durable qu'un manifeste, qui pourrait s'afficher dans les salles de rédaction et les écoles de journalisme.

En 13 points, la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique se veut une boussole pour améliorer collectivement le traitement de ces sujets. On y rappelle que le vivant, le climat et la justice sociale sont intimement liés ; le besoin d’offrir toujours plus de pédagogie ; la nécessité de choisir les mots et les images les plus justes pour décrire les phénomènes en cours ; celle de former l’ensemble des journalistes, de tous médias et de toutes spécialités pour leur donner des bases.

Cliquez sur l'image pour l'afficher en grand et accéder au site de la Charte.

Avant même son lancement, le texte a été signé par plus de 500 journalistes, quelque 50 rédactions, dont RFI, France 24, 20 Minutes, Mediapart ou Alternatives économiques, mais aussi des écoles de journalisme reconnues, dont l’ESJ Lille ou l’Ijba de Bordeaux, des collectifs, des syndicats, des boîtes de productions, etc. Un site accompagne la sortie de la charte, qui en raconte la genèse, et permet de la lire et de la signer - individuellement ou collectivement.

Comme le disait Jean Rostand : « l’obligation de subir nous donne le droit de savoir ». Tout le monde subira la crise climatique et chacun a le droit d'en connaître les causes, les conséquences et les solutions.

Derrière l’inaction climatique, l’immense responsabilité des médias mainstream

« Comprendre les manquements de la profession pour pouvoir ensuite proposer des pistes pour améliorer les choses ». C’est l’objectif de Paloma Moritz, journaliste de Blast qui décrypte la place de l’écologie dans les médias qui ont le plus d’audience dans cette nouvelle vidéo. Manque d’explications ou de solutions, invités peu qualifiés, voire contestables… le thème de l’écologie doit plus que jamais être repensé dans les rédactions pour irriguer tous les sujets.

© Blast

+ Juliette Quef, Loup Espargilière, Justine Prados et Gabrielle Trottmann ont contribué à ce numéro.