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«Un précédent juridique majeur» : TotalEnergies condamné pour greenwashing après ses publicités sur la «neutralité carbone»

Baril était temps. Cette condamnation pour greenwashing est une première mondiale pour une compagnie pétrolière. Elle concerne une campagne de communication de 2021, alors que TotalEnergies voulait changer d’image et ne plus être associé uniquement aux énergies fossiles. Le groupe a déjà annoncé ne pas faire appel du jugement. Vert fait le point.
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C’est inédit. La major française TotalEnergies a été condamnée ce jeudi par le tribunal judiciaire de Paris pour «pratiques commerciales trompeuses» concernant des publicités vantant ses engagements de neutralité carbone d’ici à 2050.

Il s’agit de la première condamnation au monde pour greenwashing (écoblanchiment, en français) d’une compagnie pétrolière à cause de la façon dont elle présente ses engagements climatiques, a déclaré l’ONG ClientEarth, qui suit de près la jurisprudence contre l’industrie pétrolière et gazière.

Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies. © Jérémy Barande/Ecole polytechnique

Le tribunal avait été saisi en 2022 au civil par les ONG Greenpeace France, Les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous. Au terme de trois ans de procédure, la justice a estimé que TotalEnergies avait présenté ses activités de manière à «altérer le comportement d’achat du consommateur» et à «l’induire en erreur» en lui faisant croire qu’elle pouvait atteindre la neutralité carbone en 2050 tout en augmentant la production de pétrole et de gaz. C’est «un précédent juridique majeur contre la désinformation climatique des majors pétrolières», se sont félicitées les ONG requérantes.

Les faits remontent à 2021. À l’époque, Total venait de se rebaptiser TotalEnergies pour souligner son ambition d’être «la compagnie de toutes les énergies», du pétrole à l’électricité éolienne et solaire. Lors d’une campagne de communication déployée à partir de mai 2021 (sur son site internet, dans la presse, sur les réseaux sociaux et à la télévision), le groupe avait affiché son objectif de «neutralité carbone d’ici 2050» et présentait le gaz comme «l’énergie fossile la moins émettrice de gaz à effet de serre», malgré sa contribution au réchauffement climatique.

Pour TotalEnergies, il s’agit d’une «instrumentalisation du droit»

Ces messages trompeurs rendent, «pour un consommateur moyen, impossible de comprendre que TotalEnergies est en train d’étendre sa production d’énergies fossiles», avait martelé Clémentine Baldon, l’avocate des plaignants, à l’audience en juin. Interrogé par Vert, le chercheur et consultant en communication responsable Mathieu Jahnich abonde : «L’effet de ce type de campagne est double. Il retarde d’une part la prise de conscience et le changement d’habitude des citoyens. Mais il entraîne également une distorsion de concurrence avec les autres acteurs du secteur qui eux, communiquent de manière juste et proportionnée sur leurs activités.»

En face, le groupe défendait sa bonne foi et la réalité de ses investissements «bas carbone» – dans le solaire, par exemple. Il avançait que ses messages n’étaient pas des publicités destinées aux consommateur·ices mais qu’ils relevaient d’une «communication institutionnelle» et générale, encadrée par le Code monétaire et financier. Cette affaire est «une instrumentalisation du droit de la consommation pour critiquer la stratégie de la société», affirmait le groupe.

Finalement, le tribunal a bien ordonné au groupe TotalEnergies ⁠de retirer plusieurs messages concernant la neutralité carbone et la transition énergétique. Par exemple : «Notre ambition est d’être un acteur majeur de la transition énergétique tout en continuant à répondre aux besoins en énergie des populations» ou «Nous avons pour ambition de contribuer à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ensemble avec la société». Ces allégations doivent être retirées dans un délai d’un mois, sous peine d’une amende de 10 000 euros par jour de retard. TotalEnergies devra également publier la décision de justice sur la page d’accueil de son site, de façon visible, pendant 180 jours. Une contrainte, «qui pourra abîmer durablement son image de marque», note Mathieu Jahnich.

Vendredi 24 octobre au lendemain de cette décision, TotalEnergies a annoncé qu’il ne ferait pas appel du jugement. Pour justifier sa décision, le groupe souligne, dans une «mise au point», que le jugement ne concerne que trois paragraphes se référant à son scénario pour atteindre la neutralité carbone et indique qu’ils «seront remplacés par une description factuelle de ce que TotalEnergies a réalisé à date, dans la mise en œuvre de sa stratégie multi-énergies, afin de dissiper tout doute auprès de ses clients».

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