«Il y a un continuum de violences dans le monde, il faut un continuum de luttes, engage Dahlia Stern, porte parole d’Action Justice Climat. On a besoin d’être partout». En cette fin de samedi 28 septembre, le Consulat Voltaire, tiers-lieu au cœur du 11ème arrondissement de Paris, est paré pour le premier «meeting de l’écologie populaire».
Dans un contexte politique jugé «alarmant» où le climat perd du terrain et l’extrême droite monte, elles et ils sont sept, en provenance d’horizons variés, à se passer le micro pour réaffirmer le besoin d’une écologie humaine et proposer des pistes d’action.
«L’écologie, ce n’est pas protéger les ours polaires»
«Le système actuel ne produit pas seulement des gaz à effet de serre, c’est un système raciste, sexiste, colonialiste et qui fait monter l’extrême droite», tance Dahlia Stern, porte parole d’Action Justice Climat (ex-Alternatiba Paris). À sa manière, chacun·e vient dénoncer une écologie jugée trop centrée sur le climat et les écogestes, et qui s’abstient de penser l’ensemble des dominations.
«Consommer des bananes parce qu’elles seraient peu émettrices de gaz à effet de serre, n’est pas un écogeste ; c’est nous priver de nos terres, de nos corps, de nos droits. L’écologie, ce n’est pas protéger les ours polaires», raconte la Martiniquaise Cannelle Fourdrinier, de l’association Les Impactrices qui porte la voix d’une écologie écoféministe et décoloniale. Kevin Vacher, sociologue et activiste pour un logement digne, plaide pour «construire une écologie populaire, non pas à partir des associations écologistes mais à partir de l’expérience des mouvements populaires».
«Désormais, la lutte pour les droits sociaux et les luttes écologistes, ça va de pair», soutient Murielle Guilbert, codéléguée générale du syndicat Solidaires. Elle pense aussi qu’«une bataille de vitesse avec l’extrême droite est à l’œuvre dans le monde du travail». A ce titre, l’Alliance Ecologique et Sociale (AES) réunit depuis 2020 les Amis de la Terre, Attac, la CGT, la Confédération paysanne, FSU, Greenpeace France, Oxfam France et Solidaires.
«Notre méthode, c’est construire des alliances»
Plus tôt dans l’après-midi, six ateliers ont permis de mettre en lumière l’écologie «des premiers concernés». Comme il l’a raconté aux dizaines de personnes venues l’écouter, Adrien Cornet, pompier-raffineur chez TotalEnergies, a mené la lutte contre l’annonce de la fermeture de la raffinerie de Grandpuits en 2020 et sa conversion en agro-raffinerie, avec la suppression de 700 emplois. Pour s’y opposer, la Confédération générale du travail (CGT) avait fait appel aux associations écologistes et engagé une grève de 45 jours. Cette «première alliance du mouvement ouvrier et écolo» n’avait pourtant pas permis de faire plier TotalEnergies.
Pour Adrien Cornet, le manque d’ingénieurs indépendants à même de concevoir des projets alternatifs, et le manque d’anticipation pour trouver des activités qui créent autant d’emplois sur le territoire, ont péché. Au moins, se réjouit-il, «on a fait trembler Total».
Face aux industries qui contournent les normes sociales et environnementales, et délocalisent les emplois, Adrien Cornet appelle à une «reprise en main nécessaire de l’outil de travail avec nationalisation sous contrôle des travailleurs». Et rappelle que «les travailleurs sont les premières victimes de la pollution au benzène et aux polluants éternels de la pétrochimie».
L’exemple de Christian Porta a, lui aussi, été éclairant. Ce délégué syndical (CGT) chez Invivo, une centrale d’achat et de distribution d’engrais, a été licencié deux fois par son employeur alors qu’il dénonçait les conditions de travail au sein de l’usine, accusé de «harcèlement» envers sa direction. C’est l’union des forces des associations écologistes comme Greenpeace, et des mouvements sociaux qui ont permis sa réintégration. Ce samedi, il témoigne que «les travailleurs sont les premiers concernés par la pollution, certains en meurent. J’habite à 500 mètres de l’usine, je ne veux pas qu’il y ait des rejets dans l’eau». Pour lui, «l’outil industriel pourrait être mis au service de la population qui pourrait en maîtriser la qualité. Il faut en finir avec les géants de l’agrobusiness qui détruisent la planète et nous exploitent».
De nouvelles solidarités
Mais comment ne pas sacrifier les travailleur·ses sur l’autel de la transition écologique ? Le paysan-député écologiste Benoît Biteau l’assure, «si on généralise l’agroécologie, 30 000 emplois disparaissent dans les pesticides, les engrais, mais 200 000 seront créés. Il faut un accompagnement aux nouvelles compétences». Même son de cloche du côté du Réseau action climat. Sa responsable de plaidoyer sur l’industrie, Aurélie Brunstein, invite à «créer des espaces de dialogue avec les syndicats, les associations écolo, les opérateurs territoriaux et de compétences. Le grand enjeu, c’est d’anticiper».
En clôture du meeting qui a achevé cette première journée d’échanges, le porte-parole des Amis de la Terre, Gabriel Mazzolini, martèle que «Tout est lié». Pour lui, «nous avons un devoir de changer d’échelle et d’élaborer de nouvelles solidarités. Nous voulons un activisme écologiste qui a commencé à se déconstruire et qui change la vie des gens».
Alors que les grandes marches pour le climat de 2018–2019 semblent loin, la multiplication des luttes locales contre des projets dits «inutiles», les recours en justice et l’alliance avec les travailleur·ses et riverain·es sonnent comme autant de champs de bataille pour les mouvements sociaux et écologistes.
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