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À la Fête de l’Huma, des médias indépendants en pleine ébullition

Ça presse. Village des médias indépendants à la Fête de l’Huma, lancement d’une coopérative pour les financer et d’une Maison des médias libres : face à l’extrême droite et à la «bollorisation» de l’information, l’écosystème des «Indés» se coalise.
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«Trop bien que vous soyez là», «ça fait plaisir de voir les médias indépen­dants réu­nis» : ce week­end, La défer­lante, Bas­ta, Blast, Poli­tis, Street­press, Fakir, Reporterre, l’Age de Faire, Au poste, Medi­a­part, Social­ter, Le média, Le chif­fon, Reporters sans fron­tières, Acrimed, et bien-sûr Vert, étaient rassem­blés sous un immense chapiteau de 400 m², en plein cœur de la Fête de l’Huma, au Plessis-Pâté (Essonne). La 89ème édi­tion de la Fête a attiré plus de 450 000 participant·es en trois jours.

Dans le Vil­lage, au cen­tre de la ving­taine de stands, l’espace de con­férences a fait salle comble et accueil­li de rich­es dis­cus­sions sur les vio­lences sex­istes et sex­uelles, la lib­erté de la presse ou encore les mobil­i­sa­tions écol­o­gistes con­tre l’extrême droite.

Du 13 au 15 sep­tem­bre à la Fête de l’Huma, le Vil­lage des médias indépen­dants a rassem­blé une ving­taine de médias. © Mar­got Desmons / Vert

Lutte contre l’extrême droite et la «bollorisation» du monde

Cette pre­mière édi­tion du Vil­lage des médias indépen­dants à la Fête de l’Huma prend sa source dans les rassem­ble­ments con­tre l’extrême droite, qui se sont tenus les 27 juin et 3 juil­let derniers, place de la République, à Paris. Organ­isés en quelques jours seule­ment par les «Indés» et la société civile, cha­cun d’entre eux a réu­ni quelque 30 000 participant·es (notre reportage).

«À ce moment-là, la pri­or­ité n’était plus notre média mais l’événement lui-même, racon­te Math­ieu Molard, rédac­teur en chef de Street­press, l’un des ini­ti­a­teurs des rassem­ble­ments. L’union des organ­isa­teurs a été très forte et on a eu l’impression d’avoir con­tribué, par ces rassem­ble­ments et par nos enquêtes, à ce que l’extrême droite n’accède pas au pou­voir.» Avec ces liens raf­fer­mis face à l’urgence, le jour­nal L’Humanité a ensuite pro­posé aux «Indés» de les accueil­lir à la Fête de l’Huma.

Des personnalités et des artistes rassemblé·es Place de la République, à Paris, jeudi 27 juin au soir, à l’initiative des médias indépendants. © Yann Castanier/Vert

«Le Vil­lage des médias indépen­dants a été un gros suc­cès, on n’a pas désem­pli, se réjouit Agnès Rousseaux, direc­trice de Poli­tis. Pour moi, c’est le signe d’une forte demande du pub­lic de lieux où la presse con­verge et d’une prise de con­science de la part des médias qu’il y a besoin de se ren­forcer et de se soutenir. Le Vil­lage nous a don­né une vis­i­bil­ité que nous n’au­ri­ons jamais eue tout seuls. S’u­nir per­met de décu­pler notre impact et notre audi­ence.»

Coop-médias : financer les «Indés», le nerf de la guerre

Face à la mon­tée de l’extrême droite, les acteurs de l’économie sociale et sol­idaire (ESS) se sont aus­si mobil­isés pour accélér­er leur pro­jet Coop-médias, une coopéra­tive des­tinée à financer les médias indépen­dants. Son lance­ment est prévu le 9 octo­bre, à l’académie du Cli­mat, à Paris.

«Entre ESS et médias indépen­dants, nous avons les mêmes enjeux, racon­te Lucie Ani­zon, secré­taire générale d’Enercoop et l’une des coor­di­na­tri­ces de Coop-médias. Nous sommes face à des mastodontes et les alter­na­tives galèrent». L’idée est de réu­nir des fonds pour par­ticiper au finance­ment des médias engagés qui por­tent «des valeurs human­istes et pro­gres­sistes pour une société plus écologique, sol­idaire et démoc­ra­tique».

Dès le 9 octo­bre, les citoyen·nes, médias et entre­pris­es pour­ront pren­dre des parts dans Coop-médias et par­ticiper à la gou­ver­nance de la coopéra­tive selon le principe 1 per­son­ne = 1 voix. La lev­ée de fonds per­me­t­tra ensuite d’ouvrir des appels à pro­jet dès 2025.

«J’ai décou­vert un écosys­tème des médias indépen­dants très désuni, con­fie Lucie Ani­zon. Dans le milieu des coopéra­tives, on sait s’organiser et on sait que la sol­i­dar­ité est la clé de la résilience.»

Le stand de Vert au Village des médias indépendants de la fête de l’Huma © Juliette Quef/Vert

Une ini­tia­tive plutôt bien accueil­lie par les pro­fes­sion­nels de l’information. «On manque de struc­tures qui vien­nent financer nos médias, remar­que Math­ieu Molard. Les ban­ques ne com­pren­nent pas nos mod­èles économiques. Elles pensent par exem­ple que le don n’est pas fiable. On a du mal à trou­ver de l’argent, même pub­lic, pour nous dévelop­per, et cela oblige à se tourn­er vers des mécènes privés.»

Une Maison des médias libres pour les accueillir tous

Après une dizaine d’années d’efforts et un pro­jet avorté, le Con­seil de Paris a voté, à l’unanimité, la vente d’un bâti­ment situé 70 boule­vard Bar­bès, dans le 18ème arrondisse­ment de Paris, au mil­lion­naire de gauche Olivi­er Legrain, mécène de la presse indépen­dance et de plusieurs asso­ci­a­tions d’aide aux réfugiés, et à la fon­cière Bellevilles, pour y créer une Mai­son des médias libres.

D’une sur­face de 4000 m², celle-ci devrait accueil­lir, dès fin 2026, les locaux de dizaines de médias indépen­dants et de leur écosys­tème, des stu­dios vidéos, ain­si qu’un café-librairie et des espaces de cowork­ing. Le but : con­tribuer à la défense de la lib­erté de la presse et au plu­ral­isme dans les médias. «Nous voulons créer un lieu emblé­ma­tique pour la lib­erté de la presse à Paris, détaille Agnès Rousseaux. Un espace d’ébul­li­tion, de foi­son­nement pour men­er la bataille cul­turelle et expéri­menter de nou­velles façons de pro­duire et de dif­fuser l’in­for­ma­tion.»