Décryptage

Tester les aléas du climat partout en France avec un simulateur géant, ça vous branche ?

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Clim city. Un dou­ble numérique de la France est en cours de développe­ment. Doté d’une grande pré­ci­sion, il sera mis à dis­po­si­tion des poli­tiques et des par­ti­c­uliers pour simuler tout type d’aléas afin de guider la tran­si­tion écologique.

Simuler des incendies en Gironde, imiter l’érosion sur les côtes nor­man­des ou encore fein­dre des crues dans la Marne, voici un aperçu de l’infinité de scé­nar­ios que pour­ra génér­er ce «jumeau numérique». Dévelop­pé par Insti­tut nation­al de l’in­for­ma­tion géo­graphique et forestière (IGN), en parte­nar­i­at avec le Cere­ma et l’Inria, ce pro­jet d’ampleur titanesque est inédit à l’échelle du ter­ri­toire nation­al.

«L’idée der­rière ce pro­jet, c’est d’avoir un out­il mul­ti-aspects qui nous per­me­t­tent de con­sid­ér­er tous les paramètres en même temps», résume, pour Vert, Dim­itri Sarafi­nof, ingénieur en sci­ences géo­graphiques et coor­di­na­teur du pro­jet à l’IGN.

Le stade Vélo­drome de Mar­seille matéri­al­isé avec le scan LiDAR. © IGN

Comment ça marche ?

Pour pou­voir fidèle­ment répli­quer le ter­ri­toire français, le jumeau sera ali­men­té par les don­nées spa­tiales du pro­gramme LiDAR HD (Light Detec­tion And Rang­ing), dévelop­pé par l’IGN.

À l’aide de lasers, ce pro­gramme de car­togra­phie en 3D ultra pré­cis est en train de scan­ner la France avec une pré­ci­sion jamais atteinte. En émet­tant des impul­sions lumineuses et en mesurant le temps qu’elles met­tent à revenir après avoir rebon­di sur des objets, le LiDAR peut fournir des don­nées pré­cis­es sur la topogra­phie, la végé­ta­tion et les infra­struc­tures.

Chaque utilisateur·ice de ce jumeau numérique pour­ra choisir de se déplac­er dans la copie virtuelle de deux façons dif­férentes : soit de manière immer­sive, soit à vol d’oiseau. La pre­mière option per­me­t­tra de se balad­er dans les rues d’une ville, au milieu des immeubles et du bruit des voitures, à l’image d’un jeu vidéo. «Les per­son­nes pour­ront se plonger en temps réel dans leur région, pré­cise Dim­itri Sarafi­nof. Si vous voulez voir l’impact visuel qu’aura la con­struc­tion d’un nou­veau parc éolien, vous pour­rez. Ce sera un vrai out­il de nav­i­ga­tion».

L’option sur­vol, elle, présen­tera sous forme de car­togra­phie les élé­ments du ter­ri­toire, vus d’en haut. Les bâti­ments, les ponts, les autoroutes, les reliefs, les champs et les forêts seront réper­toriés en couleurs dif­férentes pour visu­alis­er la zone dans son ensem­ble.

Ces sim­u­la­tions en 3D seront des­tinées aux dif­férents acteurs du ter­ri­toire — publics ou privés -, pour éla­bor­er et tester de mul­ti­ples straté­gies de réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre et d’adaptation aux risques cli­ma­tiques.

«Le jumeau donne l’opportunité de réalis­er des sim­u­la­tions, validées sci­en­tifique­ment, qui servi­ront d’outil d’information, de médi­a­tion et d’aide à la déci­sion dans les com­munes con­cernées», décrit le coor­di­na­teur du pro­jet. Tout le monde pour­ra s’emparer de l’objet : des asso­ci­a­tions, des citoyens, des entre­pris­es, des jour­nal­istes. Tous pour­ront imag­in­er le futur de leur ter­ri­toire à court et moyen ter­mes».

Lac à Cauterets (65), où les points de relevés LiDAR sont col­oriés selon leur classe. ©IGN

Un nouveau terrain de jeu

Ce clone numérique a aus­si voca­tion à devenir un for­mi­da­ble ter­rain d’expérimentation. Plus besoin de laiss­er son robi­net ouvert pour savoir ce que cela fait d’inonder son quarti­er, il suf­fi­ra de le tester sur la réplique. Les sci­en­tifiques pour­ront ain­si pouss­er cer­tains paramètres au max­i­mum pour iden­ti­fi­er et éviter les avenirs les moins désir­ables.

La majorité des don­nées inté­grées dans l’outil seront issues de source en accès libre (open­da­ta) puis lis­sées et homogénéisées. L’instrument pour­ra aus­si être ali­men­té par des acteurs privés. Une entre­prise pour­ra met­tre ses pro­pres infor­ma­tions au ser­vice des autres dans le jumeau numérique.

«Nous invi­tons les indus­triels à fournir leurs don­nées pour encour­ager les autres à le faire, explique l’ingénieur. Comme la plu­part des prob­lèmes envi­ron­nemen­taux sont causés par de mul­ti­ples paramètres, ils ont tout intérêt à le faire». Ain­si, deux entre­pris­es voisines soumis­es à des risques de sécher­esse pour­raient partager leurs infor­ma­tions : l’une, ses relevés plu­viométriques et l’autre, son étude des sols du secteur.

Selon le coor­di­na­teur du pro­jet, le pre­mier jeu de don­nées sera prêt à être mis à l’épreuve courant 2025.