L’abeille et la bett(erave). Lundi, le ministre de l’agriculture Marc Fesneau a confirmé que les néonicotinoïdes, ces pesticides « tueurs d’abeilles », ne seraient pas réautorisés dans les champs de betterave à sucre cette année.
C’est la fin d’une longue saga. Les betteraviers ne bénéficieront pas d’une troisième dérogation leur permettant d’enrober leurs semences de néonicotinoïdes cet hiver. Interdits depuis 2018 en France, comme en Europe, ces insecticides à la dangerosité avérée pour les insectes pollinisateurs et les vertébrés (dont les humains) ont été appliqués préventivement dans les champs de betterave en 2021 et 2022 pour protéger les récoltes du virus de la jaunisse.
Cette maladie, transmise par le puceron vert, a ravagé les semences et dégradé les rendements en 2020 (entre -23% et -30% au niveau national). Cette récolte catastrophique (aussi liée à la sécheresse estivale) avait entraîné la mise en place d’un régime dérogatoire pendant trois ans pour les betteraves, les producteur·rices pointant l’importance des néonicotinoïdes pour préserver leurs champs et l’absence d’alternatives opérationnelles. En 2021, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a pourtant identifié 22 traitements de substitution aux néonicotinoïdes (notre article).
Ces dernières semaines, le gouvernement avait préparé le terrain en vue d’une nouvelle dérogation pour la saison 2023 des betteraves en ouvrant une consultation publique sur la question début janvier. Le conseil de surveillance des néonicotinoïdes, où siègent représentant·es du secteur, mais aussi des associations écologistes, devait ensuite se réunir pour rendre un avis favorable avant que la dérogation ne puisse être signée par le gouvernement. Mais la semaine dernière, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a ébranlé ce plan en statuant que « les États membres ne peuvent déroger aux interdictions » des pesticides néonicotinoïdes. Saisie par des ONG et un apiculteur belge, la CJUE a jugées abusives et illégales plusieurs dérogations accordées par la Belgique en 2018 (notre article). Un jugement qui s’applique aux autres pays membres de l’UE.
« C’est une grande victoire pour la biodiversité, que nous encouragions et attendions depuis des années », s’est réjoui Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). « À un mois et demi des semis de betteraves, c’est une immense déception […] qui plonge les betteraviers dans un grand désarroi. Nous sommes abasourdis par autant d’inconséquence », a réagi Franck Sander, président de la Confédération générale des planteurs de betterave (CGB), le syndicat du secteur.
Le gouvernement prévoit d’instaurer un dispositif d’indemnisation des producteur·rices de betteraves, si la jaunisse venait à générer des pertes de rendement cette saison – une proposition saluée par la LPO comme la CGB.