Portrait

«Simple et directe», «vraie leader» : qui est Marion Graeffly, cofondatrice de l’opérateur mobile Télécoop ?

Coop ou pas cap. L’entrepreneuse Marion Graeffly a cofondé l’opérateur mobile d'intérêt général Télécoop en avril 2020. Depuis, la dirigeante et mère d’un petit garçon de deux ans poursuit son ambition de travailler et de vivre en accord avec ses valeurs. À l’occasion du festival des coopératives Onde de Coop, qui se tient ce mardi à Paris, Vert brosse son portrait.
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«Je suis l’inverse d’une startupeuse.» À 37 ans, Marion Graeffly dirige Télécoop, une entreprise des télécoms unique en son genre, qu’elle a cofondée en 2020. Forfaits mobiles plus sobres, service client basé en France, décisions prises avec les client·es et les fournisseurs : Télécoop est un ovni dans la «jungle» du numérique.

«Dans une startup, tu lèves beaucoup d’argent, tu crames tout vite, tu épuises les gens» : cette passionnée d’économie qui a roulé sa bosse pendant sept ans dans l’agroalimentaire, avant de bifurquer, a créé un contre-modèle.

Marion Graeffly, directrice générale de Télécoop, le 9 septembre à Paris. © Juliette Quef/Vert

En 2012, Marion Graeffly sort de l’école de commerce TBS Toulouse, avec une spécialisation en marketing international. Durant ses études, elle était «hyper critique envers tout ce qu[elle] voyai[t]». Sa mère, fonctionnaire dans l’enseignement supérieur, l’avait pourtant avertie, catastrophée après une virée à la journée portes ouvertes des parents : «Je n’ai reconnu personne dans cette école. Les femmes ont des bagues en or à tous les doigts, rapporte aujourd’hui Marion, amusée de la réaction de sa mère. J’ai mis du temps à le comprendre, mais c’est ma mère qui m’a aidée à me rebeller.»

Maladie auto-immune et virage à 180°C

Sa première expérience professionnelle, dans le marketing chez M&MS, est «assez confortable» : bon salaire, boîte familiale, missions intéressantes. Il faut quelques années à cette Strasbourgeoise pour opérer le grand virage. Parmi les accélérateurs, une maladie auto-immune qu’elle déclenche à 29 ans. «J’avais pris 20 kilos. Je ne savais pas ce que je voulais faire, mais il fallait que je parte», se remémore-t-elle.

En juin 2017, elle découvre un programme d’accompagnement d’entrepreneur·ses sociaux et pose sa démission. Avec, tout de même, quelques économies de son ancien travail pour se projeter – rémunérée 3 000 euros nets par mois, elle payait un loyer de 300 euros à Strasbourg. Elle réduit ses besoins : moins de viande, plus du tout d’avion. «Quand tu fais le grand saut, ça peut très mal se passer. Je me suis dit que, pour que ce soit durable, il me fallait un coussin financier», détaille-t-elle encore.

Marion Graeffly déménage à Paris et intègre la promotion d’entrepreneur·ses sociaux «Associés On Purpose». C’est là qu’elle rencontre son futur associé, Pierre Paquot, un ancien de la coopérative d’énergies renouvelables Enercoop. «J’ai tout de suite accroché avec sa manière simple et directe de faire les choses, sa facilité à communiquer, son ouverture, rapporte-t-il. Je suis très cérébral, Marion passe à l’action. Nous étions complémentaires.»

La coopérative, «une école de la démocratie»

Ensemble, Marion Graeffly et Pierre Paquot fondent Télécoop en 2020, un opérateur mobile alternatif qui mise sur l’éducation à la sobriété dans un secteur de la démesure. Alors que les autres opérateurs télécoms promettent forfaits illimités et gigaoctets à gogo, Télécoop récompense la consommation responsable et incite chacun·e à passer moins de temps devant son écran. Son service client est basé en France. Elle découvre un milieu aussi gourmand en ressources que masculin : «J’ai souvent été confrontée à des mecs qui me regardaient de haut, se posaient la question de savoir ce que je faisais là et voulaient m’apprendre la vie», remarque Marion Graeffly, dans un grand éclat de rire.

L’entreprise innove aussi dans son modèle de prise de décision. En tant que coopérative, son conseil d’administration représente toutes les catégories de sociétaires (salarié·es, client·es, partenaires) et chacun·e vote selon le principe une personne égal une voix. Le but ? Vérifier que les décisions prises en assemblée générale chaque année sont bien respectées.

Pour Marion, le système coopératif est une école de la démocratie : «Souvent, les gens ne comprennent pas comment on réussit à prendre des décisions à six !» Un moyen pour elle de remettre l’économie au service du politique, et donc d’un projet de société. À l’opposé des récits qu’elle abhorre et qui «starifient les entrepreneurs ou les milliardaires qui se sont faits tout seuls, alors que la majorité a hérité».

Cinq ans plus tard, la coopérative a bien grandi ; elle compte 12 000 sociétaires et l’entreprise a atteint l’équilibre financier. En cette rentrée, Télécoop vient de lancer un forfait mobile sans engagement à 20 euros maximum par mois – moins on utilise ses données mobiles, plus son prix baisse. Marion aussi a tracé sa route. «Elle est devenue une vraie leader, s’exclame son associé. Maintenant, elle montre le chemin à d’autres et, y compris pour moi, elle joue le rôle de boussole.» «Aujourd’hui, mon plus grand bonheur, c’est l’équipe, confie la dirigeante. Je suis entourée de gens très compétents, qui sont engagés, mais qui savent prendre du recul.»

«Réapprendre le temps long»

Entre temps, elle est aussi devenue maman d’un petit garçon, Robin, qui a aujourd’hui deux ans. Pour fuir Paris et son rythme effréné, peu propice, selon elle, à élever un enfant, elle est retournée vivre à Strasbourg. Elle revient à la capitale deux fois par mois pour passer du temps en équipe. Une façon aussi de «réapprendre le temps long», pour quelqu’un qui se décrit comme «impatiente» et «exigeante». Dans cette quête, son potager est un allié précieux, tout comme la rando et la photo : «Ça m’aide de voir que les betteraves mettent quatre mois à pousser et que j’ai dû m’y reprendre à quatre fois pour faire pousser des salades.»

«Quand elle a eu son enfant, j’ai vu une évolution nette dans son incarnation, se souvient Pierre Paquot. Elle a renvoyé un message inspirant sur sa façon de gérer son équilibre entre sa maternité et son rôle de cheffe d’entreprise. Ç’a guidé d’autres parents et peut-être de futurs parents dans l’équipe.» Un message qu’elle a aussi diffusé devant un parterre d’entrepreneur·ses réuni·es lors d’un anniversaire du Réseau Entreprendre Paris en 2023, dont Télécoop – comme Vert – fait partie. Car rien n’est moins simple que de ralentir quand on est à la tête d’un business en développement.

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