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Que peut-on espérer du projet de traité sur la pollution plastique ?

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Cette semaine, à Paris, se tient la deux­ième ses­sion de négo­ci­a­tions pour éla­bor­er un traité inter­na­tion­al des­tiné à met­tre fin à la pol­lu­tion plas­tique. Les États-Unis et la Chine risquent de peser pour obtenir le texte le moins con­traig­nant pos­si­ble.

C’est un véri­ta­ble cauchemar envi­ron­nemen­tal. Aujourd’hui, près de 350 mil­lions de tonnes de déchets plas­tiques sont générées chaque année à l’échelle du globe. Pire, selon les esti­ma­tions de l’Organisation pour la coopéra­tion et le développe­ment économique (OCDE), la quan­tité de déchets en plas­tique pro­duite devrait tripler d’ici 2060 pour attein­dre le mil­liard de tonnes par an. Seuls 20% d’entre eux devraient être recy­clés. De quoi faire réa­gir les Nations Unies qui ont créé en mars 2022 un pre­mier Comité inter­gou­verne­men­tal de négo­ci­a­tion dédié à l’élimination de cette pol­lu­tion.

Pour la pre­mière fois dans l’histoire, la pol­lu­tion plas­tique fait donc l’objet d’un traité inter­na­tion­al. Les États sont invités par l’ONU à pren­dre en compte l’ensemble du cycle de vie des matières plas­tiques, de l’extraction des com­bustibles fos­siles à la ges­tion des déchets. Après une pre­mière ses­sion de négo­ci­a­tion en Uruguay en décem­bre 2022, les 175 par­ties prenantes (Etats et ONG) ont pu exprimer leurs vues sur le traité dans un plan de tra­vail. C’est sur la base de ce doc­u­ment que les délé­ga­tions étrangères, réu­nies cette fois au siège de l’Unesco à Paris du 29 mai au 2 juin, doivent rédi­ger un pro­jet d’accord juridique­ment con­traig­nant, c’est-à-dire qui s’impose aux pays sig­nataires. «Les plas­tiques à usage unique, qui représen­tent près de 40 % de la pro­duc­tion plas­tique, pour­raient notam­ment être inter­dits d’ici 2040», explique à Vert Lucien Chaba­son, expert des ques­tions envi­ron­nemen­tales à l’Institut du développe­ment durable et des rela­tions inter­na­tionales (Iddri).

Des mil­liers de polymères et addi­tifs dan­gereux pour la san­té en rai­son de leurs effets can­cérigènes pour­raient faire l’objet de futures inter­dic­tions. Les microplas­tiques, présents dans les cos­mé­tiques et les fer­til­isants, sont par ailleurs dans le viseur des négo­ci­a­teurs. Out­re la pro­duc­tion à la source, des mesures devraient être pris­es pour instau­r­er une meilleure ges­tion des déchets, via notam­ment l’amélioration du recy­clage ou la con­cep­tion de matéri­aux biodégrad­ables.

Prob­lème : les États-Unis et la Chine, par­mi les plus gros pro­duc­teurs mon­di­aux de plas­tique, risquent de frein­er des qua­tre fers. «Les États-Unis vont pouss­er à l’adoption d’un traité sur le mod­èle de l’Accord de Paris sur le cli­mat, c’est-à-dire qui laisse aux États la lib­erté de déter­min­er eux-mêmes des objec­tifs chiffrés et des échéances dans le temps, avec la seule con­trainte d’élaborer des plans nationaux en ligne avec les principes généraux du traité», pointe Lucien Chaba­son. Ce sys­tème, qui laisse la part belle aux États, est loin d’être effi­cace. Selon un rap­port de l’ONU d’octobre 2022, les engage­ments cli­ma­tiques des États sont aujourd’hui «très loin» de répon­dre à l’objectif ini­tial de + 1,5 °C et nous met­traient plutôt sur la voie d’un réchauf­fe­ment d’environ 2,5 degrés Cel­sius d’ici la fin du siè­cle.

La Chine ten­tera de lim­iter les objec­tifs du futur traité. «Le pays est réti­cent à évo­quer autre chose que la ges­tion des déchets, par exem­ple une réduc­tion de la pro­duc­tion en amont», souligne Lucien Chaba­son. Cepen­dant, «le pays fait très atten­tion à ne pas se couper du groupe des 77 [la coali­tion des pays en développe­ment, NDLR]. Si elle sent une volon­té de leur part d’adopter un traité plus con­traig­nant, elle se ral­liera poten­tielle­ment à eux». La deux­ième puis­sance économique mon­di­ale a tout à gag­n­er à rester proche des pays en développe­ment. Dans le cadre de la dernière con­férence mon­di­ale sur le cli­mat (COP27) et des négo­ci­a­tions autour du finance­ment des «pertes et dom­mages» causées par le change­ment cli­ma­tique, la Chine, esti­mant n’avoir pas la même respon­s­abil­ité his­torique que les pays du Nord, avait refusé de met­tre la main au porte­feuille.

Autre lueur d’espoir : une asso­ci­a­tion d’une cinquan­taine de pays (la «Coali­tion de haute ambi­tion pour met­tre fin à la pol­lu­tion plas­tique»), emmenée par le Rwan­da et la Norvège, plaide pour un accord ambitieux sur le sujet. En font par­tie notam­ment la France, l’Allemagne, le Japon ou encore l’Union Européenne en tant qu’entité. Pour autant, le vieux Con­ti­nent est frac­turé en interne. «L’Italie, grosse pro­duc­trice de plas­tique, désire notam­ment un accord a min­i­ma», prévient Lucien Chaba­son.

Après un pre­mier brouil­lon qui devrait voir le jour d’ici à ven­dre­di, la prochaine ses­sion de négo­ci­a­tion est prévue l’hiver prochain à Nairo­bi, au Kenya. Les par­ties prenantes ont jusqu’à 2025 pour s’accorder sur un texte défini­tif.