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Quatre solutions «low-tech» en provenance d’Irak pour résister à la canicule

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Alors que revient la canicule en France, et si l’on s’inspirait de pays plus rodés que nous ? En Irak, où le mer­cure frise par­fois les 50 degrés, pas ques­tion de compter sur la clim, ou la piscine. Alors que les coupures d’eau et d’électricité sont fréquentes, les Irakiens se débrouil­lent en alliant débrouil­lardise et tech­niques tra­di­tion­nelles. Tour d’horizon des solu­tions «low-tech» adop­tées par les Irakiens pour sur­vivre à l’été.

Créer de l’ombre

Alors que le ther­momètre s’affole partout sur le globe, en Irak on com­mence à s’habituer aux vagues de chaleur qui dépassent régulière­ment les 45 degrés. «Comme tous les ans, il fait très chaud», résume Aziz Nuri, un car­ton posé en équili­bre sur le crâne pour se pro­téger du soleil.

Cet Irakien, qui vit dans l’un des quartiers les plus pau­vres d’Erbil, la cap­i­tale du Kur­dis­tan d’Irak, a l’habitude de tra­vers­er les longs mois d’été sans piscine ni cli­ma­ti­sa­tion. Son con­fort ther­mique repose sur des réflex­es sim­ples : rester à l’ombre autant que pos­si­ble, et se pro­téger du soleil en se cou­vrant la tête et le corps en per­ma­nence.

Un pas­sant se pro­tège du soleil dans le bazar d’Er­bil. © Suha Kamel/Vert

Des gestes qui s’appliquent aus­si aux bâti­ments. En plus des bannes tra­di­tion­nelle­ment util­isées pour par­er le soleil en ter­rasse, les Irakiens font usage de toutes les méth­odes disponibles pour jeter de l’ombre sur les murs les plus exposés et les empêch­er d’absorber les rayons du soleil. On voit ain­si fleurir une myr­i­ade de rideaux, tis­sus et de bâch­es ten­dues en extérieur au-dessus des toits, bal­cons et potager. Une méth­ode sim­ple et rapi­de, déclin­able à l’infini.

Des draps ten­dus en extérieur pro­tè­gent un jardin à Erbil. © Lyse Mauvais/Vert

Réfléchir les rayons du soleil

Quand l’ombre fait défaut ou qu’une sim­ple bâche ne suf­fit pas, on peut par­er les rayons du soleil grâce à un isolant réfléchissant. C’est une solu­tion très prisée dans le nord de l’Irak, car les maisons mod­ernes en béton sont sou­vent très mal isolées et leurs murs ont ten­dance à con­serv­er la chaleur. Sur la plu­part des immeubles non-mitoyens, les con­struc­teurs instal­lent donc un isolant extérieur conçu pour pro­téger le mur des infil­tra­tions tout en réfléchissant la lumière. Une méth­ode peu esthé­tique, mais assez sim­ple et adap­tée aux grandes sur­faces en extérieur, que l’on peut répli­quer chez soi à l’aide de cou­ver­tures de survie (notre arti­cle).

Des ban­des réfléchissantes pro­tè­gent l’arrière d’un immeu­ble à Erbil. © Lyse Mauvais/Vert

Utiliser un climatiseur à eau

On le sait, la cli­ma­ti­sa­tion clas­sique est un désas­tre pour l’environnement : très éner­gi­vores, les clims émet­tent une giga­tonne (soit un mil­liard de tonnes) de CO2 par an env­i­ron, selon l’Agence inter­na­tionale de l’énergie. Leur fonc­tion­nement repose sur un sys­tème de flu­ides frig­origènes qui peu­vent fuiter tout au long du cycle de vie d’un cli­ma­tiseur et con­tribuent directe­ment au réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Et en plus de nous cuire à petit feu en réchauf­fant l’atmosphère, la clim’ attise directe­ment la chaleur en ville, puisque son fonc­tion­nement libère de l’air chaud vers l’extérieur, aggra­vant l’effet «ilot de chaleur».

Une buan­derie rafraîchie par un bio-cli­ma­tiseur à Erbil. © Lyse Mauvais/Vert

En Irak, la plu­part des maisons sont cli­ma­tisées avec un sys­tème alter­natif qui n’utilise pas de gaz frig­origènes. Sou­vent mobiles et mon­tés sur roulettes, ces «cli­ma­tiseurs à eau» (aus­si appelés bio-cli­ma­tiseurs) sont com­posés d’un gros ven­ti­la­teur qui fait pass­er l’air ambiant à tra­vers un fil­tre humide con­sti­tué de paille naturelle ou de cel­lu­lose. L’air refroid­it au con­tact de l’eau avant d’être propul­sé dans la pièce.

Les bio-cli­ma­tiseurs ont l’avantage de ne pas émet­tre de chaleur en fonc­tion­nant, et ils con­som­ment sou­vent moins de 100 watts, con­tre 500 à 4 000 watts pour un cli­ma­tiseur clas­sique. C’est ce qui les rend si pop­u­laires en Irak, pays soumis à une forte pénurie d’électricité. Atten­tion cepen­dant, leur effi­cac­ité dépend du taux d’humidité de l’air ambiant. Plus l’air est sec, plus il se rafraichi­ra en pas­sant dans l’appareil, qui n’est donc pas adap­té aux cli­mats humides (en bord de mer notam­ment).

Attraper le vent

Inscrits depuis 2017 au pat­ri­moine mon­di­al de l’humanité de l’Unesco, les attrape-vent pers­es (aus­si appelés badguirs) ont longtemps fait office de cli­ma­tiseurs naturels dans les villes de la région.

Ils sont con­sti­tués d’une tourelle avec de mul­ti­ples ouver­tures et plusieurs chem­inées dans lesquelles s’engouffre de l’air. L’air entrant refroid­it en descen­dant dans une pre­mière chem­inée jusqu’à attein­dre les pièces situées sous la tourelle. Une deux­ième chem­inée per­met d’évacuer l’air plus chaud déjà présent dans la pièce, et le mou­ve­ment descen­dant de l’air frais et ascen­dant de l’air chaud forme un courant d’air naturel qui cir­cule dans le bâti­ment.

Le sys­tème des badguirs expliqué. © Badguir.fr

Si les tourelles attrape-vent ont depuis longtemps été rem­placées par des ven­ti­la­teurs et des cli­ma­tiseurs dans la plu­part des maisons de la région, quelques principes de ven­ti­la­tion naturelle sub­sis­tent. Des fenêtres étroites sont amé­nagées en haut des murs des maisons de façon à per­me­t­tre à l’air chaud de s’échapper, et sou­vent, les cli­ma­tiseurs à eau sont placés dans l’axe d’une porte ou d’une fenêtre ouverte, de façon à créer un courant d’air plus puis­sant. Dernière solu­tion pour prof­iter au max­i­mum de la brise qui se lève en fin de journée : dormir sur le toit, exposé au vent.