Alors qu’une nouvelle canicule va s’abattre sur l’Europe, les ventes de climatiseurs vont bon train ces jours-ci. Or, comme Vert l’avait expliqué, leur usage ne fait que renforcer le problème en aggravant la crise climatique. Quelles sont les solutions à notre portée pour rafraîchir nos logements et nos villes sans jouer les pompiers-pyromanes ?
Le pare-soleil climatiseur
Plus il fait chaud, plus on climatise, plus on émet de gaz à effet de serre et plus il fait chaud. Pour endiguer ce cercle infernal, le Low Tech Lab, organisation qui entend promouvoir des solutions pour « vivre mieux avec moins », propose un tutoriel afin de créer un pare-soleil climatiseur à l’aide d’une couverture de survie. La chaleur, sous sa forme de rayonnement infrarouge, se transmet comme la lumière – en ligne droite, à 300 000 km/s, et elle peut être absorbée ou réfléchie, comme avec un miroir, explique le site collaboratif de type wiki. « L’idée est ici de réfléchir la chaleur incidente vers l’extérieur, afin de limiter la montée en température du logement, comme le font les pare-soleil qu’on met sous les pare-brises de voiture ». Tout est expliqué ici.
Un capteur à air pour l’été comme l’hiver
Plus technique à fabriquer, on trouve aussi sur le site du Low Tech Lab un capteur à air réalisé à partir de tuiles en ardoise. Son fonctionnement repose sur la transformation du rayonnement solaire en chaleur : « en hiver, le capteur aspire l’air de l’habitat par le bas, le chauffe grâce au soleil rasant, puis le restitue à l’habitat par la sortie haute, à une température pouvant atteindre 70°C localement (instantanément dilué dans l’atmosphère ambiante). En été, une trappe permet de rejeter l’air chaud du capteur à l’extérieur en aspirant par la même occasion l’air de l’habitat, créant ainsi une ventilation naturelle », explique le tutoriel. Cette technologie a été testée avec succès dans cette Tiny house low-tech :
Le bio-climatiseur
Alliée à un courant d’air, l’humidité peut avoir l’effet d’un brumisateur naturel. C’est ce principe qu’utilise le « rafraîchisseur d’air évaporatif », sobre machine dont le fonctionnement repose sur l’énergie dégagée par l’évaporation. Composé d’un filtre humide en matière organique (cellulose ou autres matières végétales), celui que l’on qualifie plus souvent de « bio-climatiseur » souffle de l’air frais autour de l’endroit où il est situé sans émettre de gaz à effet de serre, contrairement aux climatiseurs classiques. Le taux de rafraîchissement dépend alors du niveau d’humidité du filtre et de l’air de la pièce : plus ce dernier est sec, plus le dispositif est efficace. Compact et autonome, l’appareil est idéal si les lieux ne peuvent bénéficier d’autres systèmes de climatisation peu gourmands en ressources (tels les puits canadiens, la climatisation solaire ou la pompe à chaleur réversible). Plus de détails sur cette solution.
L’eco-cooler
Imaginé en 2016 au Bangladesh, ce système sans électricité fabriqué à partir de bouteilles en plastique a été initialement pensé pour rafraîchir l’intérieur des huttes en tôle qui servent d’habitat à la majorité des citoyen·nes du pays. Selon la direction et la pression du vent, l’air s’engouffre dans la bouteille coupée avant de ressortir, rafraîchi, par la surface plus réduite du goulot.
La conception et la diffusion de cette solution low-tech a été imaginée par l’agence publicitaire Grey et la Grameen intel social business – une plateforme d’économie sociale initiée par Muhammad Yunus, prix Nobel d’économie. D’après ses promoteurs, l’eco-cooler pourrait faire baisser la température intérieure de cinq degrés. Mais sur Internet, les avis sont partagés quant à sa réelle efficacité. Youtube regorge toutefois de nombreux tutoriels pour le tester par vous-même.
Une chose est sûre, ce principe est utilisé depuis toujours dans les pays arabes : claustras en terre cuite (humidifiées pour rafraîchir l’air qui les traverse), moucharabiehs cloisonnés par un treillis de bois qui aspire l’air ou tours à vents en Égypte pour orienter les courants d’air vers l’intérieur…
Le courant d’air « à la niçoise »
À Nice, la majorité des maisons sont équipée de volets dont les abattants arrêtent le soleil tout en laissant passer l’air, « créant ainsi une circulation d’air avec d’autres pièces ou avec la cage d’escalier », raconte Nice-matin qui tente de percer le secret de la clim’ naturelle de la ville. Soupirail au-dessus des portes d’entrée, persiennes, fenêtres étroites, grandes hauteurs sous plafonds ; toutes ces astuces permettent au mercure de descendre de 3° à 4° – voire davantage – dans les logements. À l’extérieur, les rues de la vieille ville, souvent étroites et tortueuses, limitent la durée d’ensoleillement direct des chaussées comme des façades.
« L’une des clés du dispositif : des ouvertures avec des grilles de fer forgé situées au-dessus des linteaux des portes d’entrée des palais, mais aussi les maisons ordinaires, indique encore le quotidien local. Comme les bâtisses disposent également de couloirs et d’escaliers donnant sur des cours intérieures ou « salestres » ouvertes sur le ciel, cela permet de créer, surtout le soir, un appel d’air entre la rue, relativement fraîche, et les toitures, surchauffées jusqu’aux derniers rayons ».
La termitière
Pour concevoir le centre d’affaires Eastgate Center d’Harare, capitale du Zimbabwe, l’architecte Mike Pearce s’est inspiré des termitières. Des édifices qui peuvent atteindre plusieurs mètres de haut et dont la température se maintient à 30°C même lorsqu’il fait 40°C en-dehors. Le bâtiment est constellé de trous qui permettent de stocker l’air frais à l’intérieur et d’évacuer la chaleur. Constitué de petites cloisons ouvertes à l’extérieur, l’immeuble fonctionne de manière autonome à 90 % et consomme 35 % d’énergie en moins par rapport aux autres immeubles du pays. La température n’y dépasse pas les 27°C, même par fortes chaleurs.
La construction en terre
De fait, la question de la conception des bâtiments et des villes se pose rapidement pour nous adapter aux chaleurs à répétition. Pour Navi Radjou, spécialiste de l’innovation frugale, « la solution la plus sérieuse et réalisable serait de réapprendre à construire avec de la Terre – crue ou recyclée – en Occident, comme on le fait depuis longtemps dans les pays du Sud », explique-t-il à Vert. « La terre est un matériau low-tech et éminemment frugal (à se procurer) avec de nombreuses vertus sur le plan écologique et en termes de régulation thermique, donc de confort pour les habitants ». Dans l’hexagone, l’universitaire salue deux initiatives exemplaires en matière de construction en terre : Cycle terre à Sevran (Seine-Saint-Denis) ou Craterre en Isère. Il cite aussi le label Bâtiment frugal créé par la mairie de Bordeaux afin de promouvoir la terre comme matériau de construction efficace dans la lutte contre les canicules.
Article initialement publié en juillet 2022.
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