Décryptage

Contre les vagues de chaleur à répétition, sept techniques de climatisation « low-tech »

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Alors qu’une nou­velle canicule va s’abattre sur l’Europe, les ventes de cli­ma­tiseurs vont bon train ces jours-ci. Or, comme Vert l’avait expliqué, leur usage ne fait que ren­forcer le prob­lème en aggra­vant la crise cli­ma­tique. Quelles sont les solu­tions à notre portée pour rafraîchir nos loge­ments et nos villes sans jouer les pom­piers-pyro­manes ?

Le pare-soleil climatiseur

Plus il fait chaud, plus on cli­ma­tise, plus on émet de gaz à effet de serre et plus il fait chaud. Pour endiguer ce cer­cle infer­nal, le Low Tech Lab, organ­i­sa­tion qui entend pro­mou­voir des solu­tions pour « vivre mieux avec moins », pro­pose un tuto­riel afin de créer un pare-soleil cli­ma­tiseur à l’aide d’une cou­ver­ture de survie. La chaleur, sous sa forme de ray­on­nement infrarouge, se trans­met comme la lumière — en ligne droite, à 300 000 km/s, et elle peut être absorbée ou réfléchie, comme avec un miroir, explique le site col­lab­o­ratif de type wiki. « L’idée est ici de réfléchir la chaleur inci­dente vers l’ex­térieur, afin de lim­iter la mon­tée en tem­péra­ture du loge­ment, comme le font les pare-soleil qu’on met sous les pare-bris­es de voiture ». Tout est expliqué ici.

Le pare-soleil cli­ma­tiseur © Low tech lab

Un capteur à air pour l’été comme l’hiver

Plus tech­nique à fab­ri­quer, on trou­ve aus­si sur le site du Low Tech Lab un cap­teur à air réal­isé à par­tir de tuiles en ardoise. Son fonc­tion­nement repose sur la trans­for­ma­tion du ray­on­nement solaire en chaleur : « en hiv­er, le cap­teur aspire l’air de l’habi­tat par le bas, le chauffe grâce au soleil ras­ant, puis le restitue à l’habi­tat par la sor­tie haute, à une tem­péra­ture pou­vant attein­dre 70°C locale­ment (instan­ta­né­ment dilué dans l’atmosphère ambiante). En été, une trappe per­met de rejeter l’air chaud du cap­teur à l’ex­térieur en aspi­rant par la même occa­sion l’air de l’habi­tat, créant ain­si une ven­ti­la­tion naturelle », explique le tuto­riel. Cette tech­nolo­gie a été testée avec suc­cès dans cette Tiny house low-tech :

Le bio-climatiseur

Alliée à un courant d’air, l’humidité peut avoir l’effet d’un bru­misa­teur naturel. C’est ce principe qu’utilise le « rafraîchisseur d’air éva­po­ratif », sobre machine dont le fonc­tion­nement repose sur l’énergie dégagée par l’évaporation. Com­posé d’un fil­tre humide en matière organique (cel­lu­lose ou autres matières végé­tales), celui que l’on qual­i­fie plus sou­vent de « bio-cli­ma­tiseur » souf­fle de l’air frais autour de l’endroit où il est situé sans émet­tre de gaz à effet de serre, con­traire­ment aux cli­ma­tiseurs clas­siques. Le taux de rafraîchisse­ment dépend alors du niveau d’humidité du fil­tre et de l’air de la pièce : plus ce dernier est sec, plus le dis­posi­tif est effi­cace. Com­pact et autonome, l’appareil est idéal si les lieux ne peu­vent béné­fici­er d’autres sys­tèmes de cli­ma­ti­sa­tion peu gour­mands en ressources (tels les puits cana­di­ens, la cli­ma­ti­sa­tion solaire ou la pompe à chaleur réversible). Plus de détails sur cette solu­tion.

L’eco-cooler

Imag­iné en 2016 au Bangladesh, ce sys­tème sans élec­tric­ité fab­riqué à par­tir de bouteilles en plas­tique a été ini­tiale­ment pen­sé pour rafraîchir l’intérieur des huttes en tôle qui ser­vent d’habitat à la majorité des citoyen·nes du pays. Selon la direc­tion et la pres­sion du vent, l’air s’engouffre dans la bouteille coupée avant de ressor­tir, rafraîchi, par la sur­face plus réduite du goulot.

Des femmes instal­lent l’e­co-cool­er. © DR

La con­cep­tion et la dif­fu­sion de cette solu­tion low-tech a été imag­inée par l’agence pub­lic­i­taire Grey et la Grameen intel social busi­ness — une plate­forme d’économie sociale ini­tiée par Muham­mad Yunus, prix Nobel d’économie. D’après ses pro­mo­teurs, l’eco-cooler pour­rait faire baiss­er la tem­péra­ture intérieure de cinq degrés. Mais sur Inter­net, les avis sont partagés quant à sa réelle effi­cac­ité. Youtube regorge toute­fois de nom­breux tuto­riels pour le tester par vous-même.

Une chose est sûre, ce principe est util­isé depuis tou­jours dans les pays arabes : claus­tras en terre cuite (humid­i­fiées pour rafraîchir l’air qui les tra­verse), mouchara­biehs cloi­son­nés par un treil­lis de bois qui aspire l’air ou tours à vents en Égypte pour ori­en­ter les courants d’air vers l’intérieur…

Le courant d’air « à la niçoise »

À Nice, la majorité des maisons sont équipée de volets dont les abat­tants arrê­tent le soleil tout en lais­sant pass­er l’air, « créant ain­si une cir­cu­la­tion d’air avec d’autres pièces ou avec la cage d’escalier », racon­te Nice-matin qui tente de percer le secret de la clim’ naturelle de la ville. Soupi­rail au-dessus des portes d’en­trée, per­si­ennes, fenêtres étroites, grandes hau­teurs sous pla­fonds ; toutes ces astuces per­me­t­tent au mer­cure de descen­dre de 3° à 4° — voire davan­tage — dans les loge­ments. À l’extérieur, les rues de la vieille ville, sou­vent étroites et tortueuses, lim­i­tent la durée d’ensoleillement direct des chaussées comme des façades.

Une ruelle de la vieille ville de Nice © Dan Kit­wood / Get­ty Images via AFP

« L’une des clés du dis­posi­tif : des ouver­tures avec des grilles de fer forgé situées au-dessus des lin­teaux des portes d’en­trée des palais, mais aus­si les maisons ordi­naires, indique encore le quo­ti­di­en local. Comme les bâtiss­es dis­posent égale­ment de couloirs et d’escaliers don­nant sur des cours intérieures ou “salestres” ouvertes sur le ciel, cela per­met de créer, surtout le soir, un appel d’air entre la rue, rel­a­tive­ment fraîche, et les toi­tures, sur­chauf­fées jusqu’aux derniers rayons ».

La termitière

Pour con­cevoir le cen­tre d’affaires East­gate Cen­ter d’Harare, cap­i­tale du Zim­bab­we, l’architecte Mike Pearce s’est inspiré des ter­mi­tières. Des édi­fices qui peu­vent attein­dre plusieurs mètres de haut et dont la tem­péra­ture se main­tient à 30°C même lorsqu’il fait 40°C en-dehors. Le bâti­ment est con­stel­lé de trous qui per­me­t­tent de stock­er l’air frais à l’intérieur et d’évacuer la chaleur. Con­sti­tué de petites cloi­sons ouvertes à l’extérieur, l’immeuble fonc­tionne de manière autonome à 90 % et con­somme 35 % d’énergie en moins par rap­port aux autres immeubles du pays. La tem­péra­ture n’y dépasse pas les 27°C, même par fortes chaleurs.

L’his­toire (en anglais) de l’East­gate cen­ter © Nation­al geo­graph­ic

La construction en terre

De fait, la ques­tion de la con­cep­tion des bâti­ments et des villes se pose rapi­de­ment pour nous adapter aux chaleurs à répéti­tion. Pour Navi Rad­jou, spé­cial­iste de l’innovation fru­gale, « la solu­tion la plus sérieuse et réal­is­able serait de réap­pren­dre à con­stru­ire avec de la Terre — crue ou recy­clée — en Occi­dent, comme on le fait depuis longtemps dans les pays du Sud », explique-t-il à Vert. « La terre est un matéri­au low-tech et éminem­ment fru­gal (à se pro­cur­er) avec de nom­breuses ver­tus sur le plan écologique et en ter­mes de régu­la­tion ther­mique, donc de con­fort pour les habi­tants ». Dans l’hexagone, l’universitaire salue deux ini­tia­tives exem­plaires en matière de con­struc­tion en terre : Cycle terre à Sevran (Seine-Saint-Denis) ou Craterre en Isère. Il cite aus­si le label Bâti­ment fru­gal créé par la mairie de Bor­deaux afin de pro­mou­voir la terre comme matéri­au de con­struc­tion effi­cace dans la lutte con­tre les canicules.