Le train est-il toujours plus cher ?
Commençons tout de suite par la bonne nouvelle : «non, le train n’est pas forcément le moyen de transport le plus cher», selon Patricia Pérennes, économiste spécialiste du transport ferroviaire. Car, comme souvent, «cela dépend». Par exemple, «nos TER et Intercités sont relativement peu chers, y compris par rapport aux équivalents européens», détaille-t-elle.
Les TER (trains express régionaux) sont exploités par la SNCF, mais sous la tutelle des régions, qui les subventionnent amplement. «En moyenne, le prix du billet couvre seulement un tiers des coûts du voyage, le reste est pris en charge par les régions», explique Patricia Pérennes. Certaines sont plus généreuses que d’autres, à l’instar de l’Occitanie où le taux de subventionnement monte à près de 80% du prix du billet.
Les Intercités (grandes lignes hors TGV), soit sept lignes de jour et huit lignes de nuit, sont subventionnées par l’État. Ici, «le prix du billet couvre 75 % des coûts, tandis 25 % est couvert par l’impôt», détaille-t-elle encore.
Là où le bât blesse, c’est lorsqu’il s’agit de prendre le TGV, ces trains à grande vitesse ont représenté 63 % du transport ferroviaire de voyageurs en 2022. Or, certaines extravagances tarifaires laissent aux usagers un goût amer.
Qu’est-ce qu’il y a dans le prix d’un billet de TGV ?
Avant de taper à bras raccourcis sur la SNCF, «il faut d’abord avoir en tête que l’activité TGV ne bénéficie d’aucune subvention», plaide l’entreprise, contactée par Vert. Dit autrement, le prix des billets finance 100 % du coût du voyage. Or, le tarif des taxes et des péages pèse lourd. Le péage ferroviaire, destiné à financer l’entretien du réseau (par SNCF réseau), est l’un des plus chers d’Europe. Il représente environ 40% du prix d’un billet. Par ailleurs, depuis la loi Climat et résilience d’août 2021, la TVA sur le prix des billets a été réduite de 10% à 5,5%.
En dehors de ces coûts incompressibles, la SNCF fixe ses prix de façon dynamique, utilisant le yield management (ou «tarification en temps réel»). «Une technique qui existe depuis très longtemps dans d’autres secteurs comme l’aérien ou l’hôtellerie, mais qui reste très mal perçue quand c’est la SNCF qui l’utilise», constate Patricia Pérennes. En résumé, les prix grimpent quand les réservations augmentent et vice-versa. C’est pour cette raison qu’une fois tout le monde à bord, personne ou presque n’aura payé son billet le même prix !
Avec ce système, les impulsifs qui veulent partir à l’heure de pointe ont de quoi pousser des cris d’orfraie. Mais cette méthode permet aussi de proposer des billets très accessibles à qui réserve tôt et part en décalé, défend la SNCF : «l’économie est de plus de 35% en réservant avec deux mois d’anticipation» et «en décalant son voyage du vendredi après-midi au jeudi après-midi, le client peut économiser entre 20 et 30%, selon le train, explique l’entreprise. Au final, un billet Grande vitesse loisir (TGV INOUI et OUIGO) sur deux est vendu à moins de 45 euros».
Du côté des associations de consommateurs, la grogne se porte surtout sur le manque de transparence dans la fixation des prix. Dans une étude parue en octobre, l’UFC-Que choisir relève par exemple que les prix minimums varient d’une application à l’autre, sans aucune explication. Par exemple, un Paris-Bordeaux affiché à 55 euros minimum sur SNCF Connect démarre à 66 euros sur Tictactrip et un Montpellier-Madrid peut s’obtenir à 76,99 euros minimum sur Trainline, contre 142,50 euros sur Rome2Rio. Même si la SNCF dément imposer des prix différents en fonction des plateformes de vente, rien de tel pour aggraver chez les usagers le sentiment de se faire pigeonner.
Train versus avion : c’est le climat qui perd
Quand il s’agit de gagner l’autre bout de la France ou de visiter une capitale voisine, il n’est pas rare que l’avion gagne la bataille du porte-monnaie. Une récente enquête de Greenpeace affirme qu’en France, un billet de train coûte en moyenne 2,6 fois plus cher qu’un billet d’avion.
«Je ne sais pas s’il faut en déduire que le train est trop cher. Ce qui est sûr, c’est que l’avion ne l’est clairement pas assez», pointe Alexis Chailloux, responsable aérien et ferroviaire au Réseau action climat. Pour rappel, l’avion génère des dizaines de fois plus de gaz à effet de serre que le train pour une même distance (voir le simulateur de l’Ademe).
Un écart de prix dû à une différence de traitement : les compagnies aériennes ne paient pas de taxe sur le kérosène, ni de TVA sur les vols internationaux, et la TVA est réduite à 10% sur les vols intérieurs. Des cadeaux fiscaux qui représentent un manque à gagner d’environ 4,7 milliards d’euros par an pour la France, selon l’association Transport & environnement. En comparaison, le projet du gouvernement Barnier de doubler la taxe de solidarité (dite taxe Chirac) sur les billets d’avion devrait rapporter seulement un milliard d’euros de recettes en 2025, sans plomber fondamentalement le prix des billets (Vert).
À la fin, c’est la voiture qui gagne
Pendant que le train grappille lentement des miettes de marché supplémentaires, la voiture continue de régner en maîtresse sur tous nos déplacements. Elle truste 64% de nos trajets, une part «relativement stable depuis 2008», note l’Autorité de régulation des transports.
Pourtant, c’est rarement le mode transport le moins cher, sauf à se serrer à l’arrière. «Les voyageurs font comme si la voiture ne coûtait que le prix de l’essence, éventuellement celui des péages. Mais ils oublient de compter l’amortissement de l’achat, l’entretien et l’assurance, cela change évidemment la donne», commente Aurélien Bigo, chercheur sur la transition écologique des transports et auteur de Voitures, fake or not (Tana éditions, 2023).
Alors que le réseau ferré perd des kilomètres (il comptait 27 000 kilomètres de lignes fin 2021, en baisse de 630 kilomètres sur cinq ans), les associations de consommateurs comme l’UFC-Que choisir critiquent la qualité de service et la ponctualité des trains.
Pendant ce temps-là, la voiture continue d’aller partout et tout le temps. Chaque recoin de l’Hexagone est façonné par et pour la voiture, à grand renfort de deniers publics. Or, «si on veut vraiment nous faire préférer le train, il faut aussi cesser d’inciter à l’aérien et au routier», insiste Aurélien Bigo. Il appelle, par exemple, à reconsidérer les grands projets autoroutiers et/ou aéroportuaires. Le voyage vers la décarbonation de nos transports ne fait que commencer.
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