TotalEnergies, Shell, BP… Faut-il faire payer ces groupes pour leur impact délétère sur le climat ? Partout dans le monde, l’écrasante majorité des citoyen·nes estime que les entreprises qui exploitent les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon), devraient être taxées pour financer la réparation des dommages liés au réchauffement climatique dont elles sont largement responsables. C’est ce que révèle une vaste enquête internationale publiée ce jeudi 19 juin par les associations Greenpeace et Oxfam.
Le sondage a été réalisé par l’Institut Dynata dans 13 États – en France, en Allemagne, en Inde, aux États-Unis, en Afrique du Sud ou encore au Brésil –, et repose sur l’analyse des témoignages de plus de 1 200 personnes par pays. À la question «Les entreprises pétrolières, gazières et de charbon devraient-elles être taxées pour les dommages environnementaux – incendies, inondations, sécheresses, impacts sur la santé – qu’elles causent ?», 81% des interrogé·es répondent favorablement.

La France arrive en cinquième position des pays dans lesquels le soutien à l’instauration d’une telle taxe est le plus marqué : 83% des sondé·es français·es l’approuvent – derrière les Brésilien·nes (91%), les Espagnol·es (89%) ou les Italien·nes (87%), par exemple. Mais devant les Américain·es (75%) ou les Allemand·es (68%) – qui arrivent en dernier.
Ce soutien est indépendant de l’âge des personnes sondées et du niveau de revenu ; mais surtout, des appartenances politiques. S’il est plus prononcé à gauche – avec 91% de soutien pour les électeur·ices du Nouveau Front populaire –, il reste largement majoritaire chez celles et ceux situé·es plus à droite de l’échiquier politique : 83% des partisan·es d’Ensemble pour la République (le parti d’Emmanuel Macron) soutiennent la mesure, contre 81% des électeur·ices Les Républicains (LR) et 75% des sympathisant·es du Rassemblement national (RN). «Une preuve qu’au-delà des clivages, l’exigence de justice fiscale et climatique devient une demande incontournable», soulignent les ONG.
Idem dans le reste du monde : même les soutiens de Jair Bolsonaro au Brésil (89%), de Donald Trump aux États-Unis (63%) et du parti d’extrême droite AfD en Allemagne (50%) soutiennent l’idée de taxer les géants de l’industrie fossile. «Donald Trump ne cesse de marteler “Drill baby drill” [fore bébé fore, NDLR]. Il devrait plutôt dire “paye, bébé, paye”», ironise Ashfak Khalfan, responsable des questions de justice climatique chez Oxfam.
400 milliards de dollars de recettes potentielles
Parmi les autres enseignements de ce sondage en France : une écrasante majorité (84%) des personnes interrogées soutient l’idée d’augmenter la taxation des «super-riches» pour soutenir les populations affectées par des catastrophes climatiques. Et 73% des sondé·es déclarent être plus enclines à voter pour un·e candidat·e qui priorise la taxation des grandes entreprises polluantes et des «ultra-riches». «Comme quoi, on peut gagner une élection même avec une telle mesure dans son programme !», s’amuse Ashfak Khalfan.
La mise en place d’une taxe sur les profits de 590 compagnies pétrolières, gazières et de charbon, pourrait «rapporter 400 milliards de dollars […] dès la première année, pointe le rapport. Cela correspond aux coûts annuels des pertes et dommages causés par le changement climatique dans les pays du Sud, évalué à entre 290 et 1 045 milliards de dollars par an d’ici 2030».
D’après une étude secondaire menée par Oxfam, les émissions annuelles de 340 entreprises d’énergie fossile représentent plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre causées par les activités humaines. Et «leurs émissions sur une seule année devraient causer quelque 2,7 millions de décès liés à la chaleur au cours des 100 prochaines années», alerte l’association. En parallèle, leurs bénéfices ont augmenté de 68% en 15 ans.
Envoyer «un message clair»
«En appliquant une taxe sur les bénéfices de ces entreprises polluantes, les énergies renouvelables deviendraient plus rentables que les combustibles fossiles, détaillent les ONG. Cela encouragerait les entreprises à investir dedans et permettrait d’éviter davantage de décès liés au changement climatique causé par les combustibles fossiles.»
En ce moment même, à Bonn (Allemagne), les États préparent la conférence mondiale (COP30) sur le climat – qui se tiendra en novembre prochain à Belém, au Brésil – et discutent des moyens à mettre en œuvre pour financer la transition climatique des pays les plus vulnérables. Cette étude doit envoyer «un message clair» aux gouvernements, déclare Selma Huart, chargée de plaidoyer chez Oxfam France. Et d’ajouter : «Les citoyen·nes refusent de voir les populations des pays les plus vulnérables payer deux fois : d’abord par les catastrophes climatiques qu’elles subissent de plein fouet, ensuite par l’absence de financements pour s’adapter ou se relever. Il est grand temps d’agir pour imposer une taxation internationale des géants du fossile !»