Entretien

Piche, candidate de Drag Race All Stars : «Les luttes queer et écologistes sont indissociables»

Yeux de Piche. Drag queen et rappeuse, Piche figure au casting de Drag Race All Stars, dont le premier épisode sera diffusé ce jeudi sur France 2. Drag responsable, convergence des luttes… Dans cet entretien à Vert, elle revient sur son engagement politique, porté sur les combats queer et écologistes.
  • Par et

«Cette année, il y a du niveau», nous a confié Piche en amont de la diffusion. Ce jeudi marque le début de la quatrième saison de Drag Race France, cette version française (née en 2022) d’un célèbre concours télévisuel de drag queens venu des États-Unis. Dans cette saison «All Stars», on retrouve les «reines» emblématiques des éditions précédentes, et notamment Piche (Mike Gauthier dans le civil), drag queen androgyne barbue qui s’était illustrée par ses talents de danse et de chant lors de la deuxième saison.

Éliminée avant la finale, la performeuse revient cette année plus déterminée… mais aussi beaucoup plus célèbre. Depuis sa première apparition, elle s’est imposée comme une figure du rap, un genre qu’elle explore pleinement depuis deux ans, et dont elle est l’une des rares représentantes queer (membre de la communauté LGBTQIA+). Son premier EP, Festin, sorti en mai 2024, a rencontré un franc succès, notamment grâce au titre Confess, devenu viral avec plus de 1,7 million d’écoutes.

Vert l’a rencontrée au festival Solidays, à Paris, où elle s’est produite le 27 juin dernier. Dans cet entretien, elle nous livre sa vision de l’art, des combats queer et écolos, et de la nécessaire convergence des luttes.

Piche, à l’occasion du festival Solidays, à Paris, le 27 juin. © Lisa Drian/Vert

Comment décrire votre rap ? Votre drag ?

Par essence, mon rap est engagé. Les thèmes que j’aborde sont liés à la personne que je suis. On me demande parfois si je fais du «rap queer»… mais ça ne veut rien dire. Je suis une personne queer qui fait du rap. Comme tout rappeur, je parle de ce que je vis, de ce qui me touche. Je parle de nos luttes, des discriminations que nous, personnes queer, subissons… Je ne vais pas raconter à quel point c’est dur de quitter ma meuf ! [rires] Mon engagement passe par mes textes, et c’est quelque chose que je revendique pleinement.

© Piche

Vous êtes une artiste drag, un art par essence subversif. Est-ce que la transgression est un moteur pour vous ?

Oui, je crois qu’il y a une partie de moi qui aime la transgression. J’aime bien bousculer les gens, les codes… Si on ne le fait pas, on s’ennuie très vite.

«Je suis un allié de la lutte écolo.»

Je pense à Madonna, par exemple, qui a choisi de faire des clips avec des croix en feu… Ça faisait polémique, mais ça a contribué à sa légende, à faire évoluer les mentalités, à changer les représentations – politiques, queer, etc. Je m’inscris dans cette lignée. Et si ça dérange certaines personnes au passage… eh bien, ça m’amuse.

Est-ce que vous vous considérez comme écolo ?

«Écolo», je ne sais pas… J’ai un peu le syndrome de l’imposteur. Il y a des gens qui se battent tellement plus que moi, qui font tellement plus que moi pour l’écologie, que je ne sais pas si je mérite cette étiquette. Mais ce qui est certain, c’est que je suis un allié de cette lutte, et que je fais de mon mieux pour adopter un mode de vie respectueux du vivant. J’ai été végétarien pendant quatre ou cinq ans. Je trie mes déchets, je sensibilise quand je peux, je réduis au maximum ma consommation de viande…

Vous collaborez avec le designer Geoffrey Mingot, qui conçoit des tenues à partir de matériaux recyclés. Pourquoi ce choix ?

À la base, je l’ai rencontré un peu par hasard, je ne connaissais pas trop sa démarche. Mais j’ai tout de suite été séduit par l’upcycling : l’idée de redonner vie à des vêtements déjà existants. Aujourd’hui, je ne porte quasiment que de la seconde main. Et j’essaie au maximum d’éviter d’acheter du neuf.

«Le drag est un art qui pousse à la surconsommation […] C’est justement pour ça qu’il est essentiel de se responsabiliser.»

La manière dont on consomme les vêtements actuellement, ce n’est pas viable. À long terme, c’est du gaspillage pur et simple. Ça finit brûlé à l’autre bout du monde – quand ce n’est pas juste abandonné. Une mode engagée est forcément écologique. Et si elle est écolo, elle devient durable.

Faire du drag en étant écolo, c’est possible ?

Le drag est un art qui pousse à la surconsommation : on attend de nous qu’on ait toujours de nouvelles tenues, perruques, maquillages… Mais c’est justement pour ça qu’il est essentiel de se responsabiliser. On peut repenser notre manière de faire du drag, comme la mode se réinvente chaque jour avec des créateur·ices plus responsables. Je ne pense pas que ce soit plus difficile. C’est juste une question de volonté.

Les luttes queer et écologistes sont-elles liées ?

Elles sont indissociables. Je pense notamment aux personnes des milieux populaires, pour qui c’est souvent très difficile de s’affirmer en tant que personnes queer… Ce sont aussi elles qui subissent le plus violemment les conséquences du réchauffement climatique.

Et plus généralement, dès qu’on est concerné par une forme de discrimination, on a le devoir de se sentir concerné par celles que vivent les autres. Sinon, on finit comme ces homosexuels de droite qui ne défendent que ce qui les concerne. À ceux-là, j’ai envie de dire : une fois qu’on aura mangé les droits des autres, c’est à votre porte qu’on viendra frapper !

© Vert

Pourquoi c’est important, la convergence des luttes ?

Je comprends qu’on se sente plus concerné par certaines luttes que par d’autres – c’est normal, ça dépend de notre vécu. Et c’est difficile d’être sur tous les fronts. Mais si on ne se bat que pour ses propres combats, on perd en efficacité. Se battre pour les autres, c’est toujours se battre aussi pour soi. Et inversement.

Contre qui doit-on «se battre» ?

Franchement, il suffit d’avoir un minimum de culture politique pour voir qui vote quoi à l’Assemblée… L’extrême droite s’oppose systématiquement aux lois écolos, avec toujours les mêmes arguments bidons. Et elle essaie de faire croire aux gens – qui, malheureusement, manquent parfois d’information – que c’est dans leur intérêt…

Qu’est-ce que vous aimeriez dire à un climatosceptique ?

J’aimerais bien avoir un argument-massue, mais à un moment donné… Il y a le Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, NDLR], des dizaines d’années de recherches, des milliers de scientifiques qui alertent… Si tu n’arrives pas à croire tout ça, ma douce, il va falloir faire une petite introspection !

Et puis… pensez à vos enfants, à ceux qui viendront après vous. Moi, j’ai décidé que je n’en voulais pas, d’enfants. Et pourtant, je m’engage pour que les vôtres puissent vivre dans un monde meilleur.

Dans le chaos actuel, plus de 12 000 personnes ont fait le choix de soutenir Vert avec un don mensuel, pour construire la relève médiatique à nos côtés. Grâce à ce soutien massif, nous allons pouvoir continuer notre travail dans l’indépendance absolue.

Alors que l’objectif de contenir le réchauffement à moins de 1,5°C est un échec, les scientifiques le martèlent : chaque dixième de degré supplémentaire compte. Dans le contexte médiatique que nous connaissons, chaque nouveau membre du Club compte. Chaque soutien en plus, c’est plus de force, de bonnes informations, de bonnes nouvelles et un pas de plus vers une société plus écologique et solidaire.

C’est pourquoi nous voulons désormais atteindre les 12 500 membres du Club. Ces membres supplémentaires nous permettront de nous consolider, alors que la période est plus incertaine que jamais, d’informer encore plus de monde, avec du contenu de meilleure qualité.

Rejoignez les milliers de membres du Club de Vert sans perdre une seconde et faisons la différence ensemble.