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« On continue à parler de choses qui n’existeront plus dans 30 ans » : ces opposant·es à la réforme des retraites qui associent crise sociale et péril écologique

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Les opposant·es au pro­jet de réforme des retraites étaient entre 87 000 et 500 000 per­son­nes, selon les chiffres respec­tifs de la police et des syn­di­cats, à bat­tre le pavé parisien ce mar­di. Dans le cortège, des manifestant·es convaincu·es de la nociv­ité de cette réforme pour l’environnement. Ren­con­tres.

La réforme « mine l’attractivité du métier alors qu’on a besoin de monde pour remplacer l’extractivisme par la force humaine » — Véronique Marchesseau, éleveuse de vaches en Centre-Bretagne, secrétaire générale de la Confédération paysanne

Véronique Marchesseau, éleveuse en vach­es allai­tantes dans le Mor­bi­han, mem­bre du Secré­tari­at nation­al de la Con­fédéra­tion paysanne © Alban Leduc / Vert

« C’est de notoriété publique que les retraites des agricul­teurs sont des retraites de merde. On fait des boulots physiques, donc on a plutôt envie de revenir à une retraite plus pré­coce. Ça mine l’attractivité du méti­er, alors qu’on a besoin de monde pour rem­plac­er l’extractivisme par la force humaine. Avec la réforme, les agricul­teurs vont devoir repouss­er la ces­sion de leur ferme et donc lim­iter l’installation des jeunes. »

« C’est beau de dire dans une vidéo qu’il faut réduire, mais là c’est toujours produire plus » — Sokhna, Sofia, et Julie, étudiantes en sciences politiques

Sokhna, Sofia, et Julie, étu­di­antes en sci­ences poli­tiques à Paris. © Alban Leduc / Vert

« Nous, quand on est en manif cli­mat, on aimerait que les plus vieux se mobilisent aus­si, donc si on leur demande ça, il faut qu’on se mobilise sur des enjeux plus loin­tains et on va vieil­lir aus­si de toute façon. C’est aus­si l’occasion de mon­tr­er notre oppo­si­tion à Macron. Parce que c’est beau de dire dans une vidéo qu’il faut réduire [deux fois plus vite nos émis­sions de CO2] , mais là, c’est tou­jours pro­duire plus qu’il demande. On a vrai­ment l’impression que c’est hyp­ocrite alors que la pri­or­ité, surtout pour les jeunes, est totale­ment ailleurs. Et ça fait vrai­ment peur. »

« Ils prétendent que cette réforme est urgente, mais c’est la lutte contre le dérèglement climatique qui n’attend pas ! » — Clem Converset-Doré, porte-parole d’Alternatiba Paris

Clem Con­ver­set-Doré, porte-parole d’Alternatiba Paris. © Alban Leduc / Vert

« Cette réforme va faire tra­vailler les gens dans un cli­mat d’incertitude et pro­duc­tiviste. On va nous faire tra­vailler plus, pro­duire plus et donc pol­luer plus. Et encore une fois, c’est injuste envers les plus pré­caires qui sont les plus vul­nérables au dérè­gle­ment cli­ma­tique. C’est la dou­ble peine. Enfin, si cette réforme passe, les iné­gal­ités de pen­sions vont con­duire à la retraite par cap­i­tal­i­sa­tion, qui per­met de financer les éner­gies fos­siles. C’est remet­tre une couche sur le dérè­gle­ment cli­ma­tique. Ils pré­ten­dent que cette réforme est urgente, mais c’est la lutte con­tre le dérè­gle­ment cli­ma­tique qui n’attend pas ! »

« On augmente notre production et consommation en mettant en péril notre système à l’avenir » — Anne Le Corre, co-fondatrice du syndicat Printemps écologique

Pan­car­te dans le cortège du Print­emps écologique qui se revendique comme le pre­mier “écosyn­di­cat” en France. © Alban Leduc / Vert

« La ques­tion sociale doit être tra­ver­sée par le prisme de l’urgence écologique. Nous avons pub­lié une tri­bune pour mon­tr­er qu’avec les huit dernières réformes des retraites, on perd la moitié des acquis soci­aux des 35h [la réduc­tion heb­do­madaire du temps de tra­vail entrée en vigueur en 2002]. On aug­mente notre pro­duc­tion et con­som­ma­tion en met­tant en péril notre sys­tème à l’avenir. Les entre­pris­es font beau­coup la poli­tique des petits gestes et du green­wash­ing. Mais quand on com­mence à pos­er la ques­tion de l’évolution de leur activ­ité, elles ont beau­coup de mal. »

« C’est comme insister pour aller chez le dentiste quand on a un cancer » — Sandrine Galvet-Vitale, professeure de chimie et psychologue

San­drine Gal­vet-Vitale, pro­fesseure de chimie et psy­cho­logue et sa pan­car­te dans la man­i­fes­ta­tion. © Alban Leduc / Vert

« Avec les incendies, le rap­port du Giec [Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat], etc… la con­tra­dic­tion est claire et absurde. C’est comme insis­ter pour aller chez le den­tiste quand on a un can­cer. Mais ce sont des prob­lèmes dont ils ne s’occupent pas, alors que nous sommes con­damnés. Il va fal­loir aller plus vite ! »

« J’ai l’impression qu’on continue à parler de choses qui dans 30 ans n’existeront plus » — Fredx, militante d’Extinction Rebellion

Fredx, mil­i­tante d’Extinction Rebel­lion tient un dra­peau au milieu de la foule. © Alban Leduc / Vert

« J’ai l’impression qu’on con­tin­ue à par­ler de choses qui dans 30 ans n’existeront plus. 64 ou 65 ans, c’est pas mon prob­lème. Je me demande de quoi ils par­lent ! Et c’est tou­jours de l’immédiat alors que le prob­lème, il est pas là, le prob­lème, c’est qu’on court à la cat­a­stro­phe ! ».