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Neutralité carbone en 2050 : le greenwashing éhonté des compagnies aériennes

Déconnage immédiat. L'Association internationale du transport aérien (Iata) vient de promettre que les compagnies aériennes qu'elle représente produiront « zéro émission nette de CO2 en 2050 » : une technique de diversion pour faire oublier la nécessaire décrue du secteur.
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Quel est le point com­mun entre les Etats-Unis, le pétroli­er Total­En­er­gies, et la com­pag­nie aéri­enne Air France ? Tous ont promis d’at­tein­dre la neu­tral­ité car­bone d’i­ci 2050. Autrement dit, dans trente ans, les dernières émis­sions que pro­duiront leurs activ­ités seront inté­grale­ment com­pen­sées, en plan­tant des arbres, par exem­ple. Mais pourquoi les can­cres du cli­mat font-ils tous la même promesse ? Parce que ça ne mange pas de pain.

Lors de son assem­blée générale, lun­di, l’I­a­ta a donc juré que ses mem­bres, qui représen­taient 82% du traf­ic avant la pandémie (selon l’I­a­ta) seront neu­tres en car­bone d’i­ci 2050. Un vœu pieux qui n’en­gage à rien, puisque per­son­ne n’est capa­ble de prédire l’é­tat de l’é­conomie ou du cli­mat dans 30 ans. Mais l’an­nonce suf­fit à don­ner l’il­lu­sion de l’ac­tion.

Le 18 mai, le gou­verne­ment a assisté à l’opéra­tion de Total­En­er­gies et Air France, qui célébraient le pre­mier vol avec du car­bu­rant «aérien durable» : un mélange con­sti­tué à 84% de kérosène et seule­ment 16% de bio­car­bu­rant. Retrou­vez notre arti­cle sur cet habile tour de passe-passe. © Patrick Pouyan­né / Twit­ter

Pis, l’I­a­ta et ses mem­bres se gar­dent bien de détailler la tra­jec­toire à adopter dès cette année pour attein­dre cet objec­tif ambitieux. Or, il faudrait faire vite. L’U­nion européenne vient de se fix­er pour but de réduire de 55% les émis­sions de dioxyde de car­bone (CO2) de ses mem­bres d’i­ci 2030, étape cru­ciale sur le chemin de la neu­tral­ité.

Par ailleurs, pour y par­venir, l’I­a­ta fait la part belle à des solu­tions tech­nologiques sou­vent irréal­istes à grande échelle comme les agro­car­bu­rants (notre arti­cle sur ce sujet), les avions élec­triques ou à hydrogène, voire fan­tai­sistes, comme la cap­ture de CO2 (Vert). Autant de manières d’élud­er le vrai prob­lème : « Pour nous, l’ob­jec­tif prin­ci­pal est de con­tin­uer à croître, parce que ce n’est pas le traf­ic qui est l’en­ne­mi, ce sont les émis­sions », a déclaré lun­di Sebas­t­ian Mikosz, vice-prési­dent de l’I­a­ta en charge de l’en­vi­ron­nement.

Ne lui en déplaise, dans une étude pub­liée en mars dernier, le Shift project et Supaéro Décar­bo avaient con­clu qu’il était impos­si­ble de con­tenir le réchauf­fe­ment cli­ma­tique à moins de 2°C en con­tin­u­ant de faire croître le traf­ic aérien (notre arti­cle). Aujour­d’hui, l’avi­a­tion civile est respon­s­able de 5% env­i­ron du réchauf­fe­ment (Réseau action cli­mat), alors que seule une poignée de per­son­nes pren­nent l’avion: en 2018, 1% de la pop­u­la­tion mon­di­ale était respon­s­able de 50% des émis­sions de l’aviation (Shift project).

Enfin, l’I­a­ta se garde bien de réclamer l’un des leviers les plus effi­caces pour réduire l’im­pact du trans­port aérien : la mise en place d’une tax­a­tion du kérosène – tou­jours exonéré — qui rendrait son coût plus élevé pour les con­som­ma­teurs.