«Ce ne sont pas des cas isolés», souligne Bérénice Riaux, chargée d’enquête chez L214. C’est ce qu’a voulu démontrer l’association de défense du bien-être animal en révélant les cas de maltraitance de porcs dans huit élevages conventionnels différents. Ce jeudi, elle rend publiques des vidéos tournées dans ces exploitations partenaires de E.Leclerc — dont certaines images peuvent choquer.
On y voit des cadavres de cochons qui se décomposent au milieu des bêtes vivantes, toutes ont la queue coupée, certaines ont les oreilles blessées par des mordillements. Apparaissent également des truies en gestation enfermées dans des cages où elles ne peuvent pas se retourner. Les animaux à l’engraissement ont moins d’un mètre carré pour vivre, sans accès à l’extérieur. Le manque d’hygiène du bâtiment est flagrant. «Ces images sont représentatives de la production de porcs en France», déplore auprès de Vert Bérénice Riaux.
L’année dernière déjà, L214 avait révélé des conditions de vie similaires dans deux autres exploitations partenaires de l’enseigne bretonne. «Dans ces dix élevages, à chaque fois, les infractions que nous dénonçons ont des conséquences graves sur les animaux», insiste Bérénice Riaux.
Et E.Leclerc n’est pas le seul distributeur dont les élevages sont dans le viseur de L214. L’association avait dévoilé, à la fin du mois de février, des cas de maltraitances dans deux exploitations fournisseuses de Lidl (notre article).
1% des élevages sont contrôlés
«À ce jour, aucun acteur de la grande distribution n’a rejoint le Pig minimum standard, ces critères pour minimiser les souffrances des cochons en élevage», rappelle Bérénice Riaux. Cette liste d’engagements est proposée par plusieurs associations européennes pour interdire les pires pratiques à l’égard de ces animaux.
Auprès de Vert, E.Leclerc affirme mettre «le bien-être animal au cœur de [ses] préoccupations». Il justifie son refus de signer le Pig minimum standard : «Dans sa forme actuelle, ce standard est irréalisable pour les éleveurs. Il imposerait des contraintes matérielles trop lourdes, nécessitant une refonte complète des élevages français».
La législation française stipule qu’il est interdit de couper les queues des porcelets, sauf cas exceptionnel, et que les animaux doivent être élevés dans des conditions qui respectent leurs besoins spécifiques. «Elle n’est tout simplement pas appliquée dans la plupart des élevages», s’insurge la chargée d’enquête.
«Il faudrait davantage de contrôles pour vérifier que les éleveurs respectent la réglementation existante», note Bérénice Riaux. Aujourd’hui, la Direction générale de l’alimentation du ministère de l’agriculture se fixe comme objectif l’inspection de seulement 1% des élevages chaque année.

E.Leclerc assure vérifier les informations de L214 «afin de prendre toutes les mesures nécessaires». Parmi celles-ci : «mettre fin sans délai et de manière définitive à toute collaboration avec tout éleveur de notre réseau de fournisseurs qui serait concerné.» Le groupe rappelle que depuis le 1er février «seuls les éleveurs bénéficiant de la certification « Le porc français » peuvent travailler avec E.Leclerc.»
Loin d’être rassurée par ces mesures, l’association a porté plainte pour mauvais traitements contre les huit élevages auprès des procureurs des tribunaux judiciaires de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) et de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Elle les accuse de multiples manquements dont l’absence de soins portés aux animaux malades ou blessés, un défaut d’hygiène et de ramassage des cadavres, les coupes de queues de cochons ou encore un abreuvement insuffisant des cochons.
Samedi, L214 organisera des rassemblements devant les supermarchés de l’enseigne dans 38 villes en France. Les militant·es veulent informer les client·es de ces pratiques et interpeller E.Leclerc afin que l’enseigne s’engage à respecter les critères du Pig minimum standards. D’ici là, il est possible de signer une pétition pour enjoindre la marque à parapher cette charte. Parmi les engagements qui y figurent… celui de respecter la réglementation en vigueur.
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