L’alimentation ultra-transformée n’est pas adaptée aux humains. C’est, dans les grandes lignes, ce que l’on peut retenir d’une récente étude clinique, publiée jeudi dans la revue américaine Cell Metabolism. Coordonnée par Romain Barriès, chercheur à l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire de Sophia Antipolis (Inserm, CNRS et université Côte d’Azur), elle confirme que, quelle que soit la quantité de calories ingérée, une alimentation ultra-transformée a des effets délétères, notamment sur la fertilité et la santé cardio-métabolique des hommes (l’étude porte spécifiquement sur la santé reproductive et métabolique des hommes, et non des femmes).
Les aliments dits «ultra transformés» ont subi un processus de transformation industrielle et l’ajout de nombreux additifs artificiels. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, les méthodes de transformation sont les suivantes : fractionnement (la décomposition d’un aliment brut en plusieurs ingrédients qui seront utilisés pour la préparation d’autres produits alimentaires) ; le soufflage (des céréales), la cuisson-extrusion (traitement mécanique et sous pression de farines humidifiées et de pâtes portées à température élevée), ou encore l’hydrogénation (transformation chimique des acides gras). Biscuits et pains industriels, plats cuisinés, nuggets, boissons sucrées, ou encore desserts lactés… ces produits sont recensés dans la base de données OpenFoodFacts, accompagnés d’un score qui évalue leur degré de transformation.
Pour cette nouvelle étude, 43 hommes de 20 à 35 ans, en bonne santé, divisés en deux groupes, ont suivi deux régimes successifs avec une pause de trois mois entre les deux : le premier, riche en aliments ultra-transformés ; l’autre, reposant sur des produits peu ou non transformés (et vice versa pour le second groupe). Parmi eux, un sous-groupe a reçu les deux régimes, identiques en calories, en quantité modérée, adéquate pour leur âge, leur poids et leur niveau d’activité physique. Et un autre sous-groupe a expérimenté les deux régimes, mais en excès de calories (500 kilocalories quotidiennes).
Des prises de sang, analyses de sperme et autres mesures (poids, cholestérol…) étaient régulières. Dans ses résultats notables, l’étude établit un impact sur la fertilité du régime ultra-transformé : chute de l’hormone stimulant la production de spermatozoïdes (FSH) et de la testostérone chez la plupart des participants, baisse du nombre de spermatozoïdes mobiles… Cela peut s’expliquer par la présence de polluants présents dans les aliments ultra-transformés aux effets de perturbateurs endocriniens.
Autre enseignement : en trois semaines, «la consommation d’aliments ultra-transformés par rapport à celle d’aliments non transformés a entraîné une prise de poids de 1,4 kilos et 1,3 kilos respectivement dans les groupes ayant un apport calorique adéquat et excessif», principalement en masse graisseuse. Les individus ayant réduit le niveau de transformation de leur alimentation ont notamment perdu du poids.
Une consommation à la hausse
À l’échelle mondiale, la consommation d’aliments ultra-transformés a bondi, et «représente désormais plus de 50% de l’apport calorique au Royaume-Uni, en Australie, au Canada et aux États-Unis», écrivent les chercheur·ses. En France, selon des données d’une étude menée par une équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle en 2017 et identifiée par Le Monde, environ 35% de l’apport calorique moyen provient d’aliments ultra-transformés. Et «ceux-ci représentent environ 80% de l’offre de produits alimentaires de la grande distribution», détaille le quotidien national.
Un nombre croissant d’études épidémiologiques (des études qui reposent sur fréquence d’un événement de santé) pointent, ces dernières années, la forte corrélation entre la hausse de la consommation de ces produits et un risque élevé de maladies chroniques (obésité, diabète, affections cardiovasculaires…), de cancers ou encore de troubles mentaux, selon les chercheur·ses. Pour la première fois, une étude clinique, qui suit un processus similaire à l’évaluation de médicaments, montre l’effet direct de cette alimentation sur la santé – jusqu’ici, seules trois études avaient été conduites sur ce modèle, mais aucune n’avait été concluante.
Les chercheur·ses reconnaissent cependant des limites à leur étude : les participants n’ayant pas été hospitalisés, la mesure de leur apport énergétique reposait sur leurs déclarations, et la durée courte des régimes, trois semaines, peut «avoir induit des réponses aiguës», dont un niveau inflammatoire qui aurait pu se stabiliser avec le temps.
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