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Cadmium et PFAS dans l’alimentation : qu’est-ce qu’on peut encore manger, et que faut-il éviter ?

À pile ou PFAS. De récentes alertes ont mis en lumière la présence de produits toxiques, les PFAS et le cadmium, dans un nombre important de denrées alimentaires que nous consommons chaque jour. Alors, que peut-on encore manger ? Vert vous aide à y voir plus clair.
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Ce qu’il faut retenir :

De nombreux aliments sont contaminés au cadmium et aux PFAS, pouvant entraîner de graves problèmes de santé.

→ Au sein d’une même catégorie d’aliments, les taux de contamination des différents échantillons analysés sont très variables.

→ Pour limiter son exposition, les spécialistes conseillent avant tout de varier au maximum son alimentation, mais aussi les origines des produits, pour avoir des chances de consommer des aliments peu ou pas contaminés.

→ Il est recommandé de limiter sa consommation de produits de la mer (mollusques, crustacés, poissons) et d’abats, qui contiennent des taux élevés de cadmium et de PFAS.

→ S’orienter vers une alimentation biologique est également préconisé, notamment pour réduire son exposition au cadmium.

En deux semaines, deux alertes majeures pour notre santé : le 5 juin, les Unions régionales des professionnels de santé-Médecins libéraux (URPS) alertaient sur «une explosion des contaminations chez les jeunes enfants» au cadmium, un métal toxique présent naturellement dans les sols et diffusé par l’épandage d’engrais phosphatés. Ce métal s’accumule dans le foie et les reins, exposant à un risque accru de cancers et de maladies cardiovasculaires. Après le tabac, l’alimentation est la principale source d’exposition au cadmium.

Le 19 juin, l’association Générations futures tirait à son tour la sonnette d’alarme sur la contamination d’une grande partie des aliments aux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), après avoir analysé les données de l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa). Ces «polluants éternels» peuvent également provoquer des troubles graves : infertilité, maladies thyroïdiennes, cancers… Si les leviers d’action restent avant tout politiques (voir l’encadré en fin d’article), certains réflexes alimentaires peuvent aider à limiter les risques à l’échelle individuelle.

Cadmium : quels sont les aliments les plus exposés… et ceux qui en contiennent le moins ?

En 2012, l’Efsa a analysé 144 groupes d’aliments pour mesurer leur exposition au cadmium ; c’est aujourd’hui encore l’une des études les plus détaillées sur le sujet. L’agence de santé européenne a découvert que certains affichaient des taux élevés de cadmium selon ses critères, c’est-à-dire supérieurs à 100 microgrammes par kilogramme (µg/kg) : les algues, les abats, les mollusques (huîtres, moules, palourdes), les crustacés, le chocolat (noir et en poudre), les champignons (sauvages et cultivés), les cuisses de grenouilles et les graines oléagineuses (notamment de tournesol).

Ces produits, bien que particulièrement contaminés, contribuent faiblement à l’exposition globale, car ils sont consommés en petite quantité. C’est pourquoi les médecins de l’URPS alertent surtout sur les céréales et leurs dérivés (pain, pâtes, céréales du petit déjeuner), ainsi que sur les pommes de terre. «Ces aliments sont très populaires, particulièrement chez les enfants. Certains affichent déjà des taux de contamination équivalents à ceux des adultes, ce qui est inquiétant, car le cadmium est cumulatif. Qu’en sera-t-il une fois qu’ils auront grandi ?», s’inquiète le docteur Pascal Meyvaert de l’URPS Grand Est.

Dans son étude de 2012, l’Efsa confirme que les céréales et produits céréaliers représentent la principale source d’exposition des Européen·nes (26,6%), suivis des légumes (16%), des tubercules (13,2%), de la viande et des abats (7,7%), puis du poisson et des fruits de mer (7,5%).

Comment limiter son exposition ?

Pascal Meyvaert recommande avant tout d’éviter de surconsommer une seule famille d’aliments  – «Par exemple, du pain au petit déjeuner et des pâtes midi et soir» – et de diversifier son alimentation. Il conseille également de varier les origines géographiques des produits : «Les teneurs en cadmium changent selon les sols : un chocolat d’Amérique du Sud en contient beaucoup, car les terres sont naturellement riches en cadmium. Il vaut donc mieux privilégier une autre origine.»

En raison notamment de leurs sols volcaniques, de nombreux cacaos originaires d’Équateur, du Pérou et de Colombie dépassent les taux maximaux de cadmium fixés par la Commission européenne. Il peut donc être judicieux de favoriser du cacao produit en Afrique de l’Ouest, en Asie du Sud-Est ou, au moins, de varier les provenances. Par ailleurs, les sols développés à partir de roches calcaires ont aussi de fortes teneurs naturelles en cadmium. En France, cela concerne particulièrement la Charente, la Champagne et le Jura, selon le Groupement d’intérêt scientifique sur les sols (GIS-Sol).

Cette diversité est particulièrement importante pour les personnes ayant un régime végétarien ou végétalien, car elles consomment davantage de produits susceptibles de contenir du cadmium (céréales, graines, fruits secs…). Selon l’Efsa, leur exposition hebdomadaire peut atteindre 5,4 microgrammes par kilogramme de poids corporel, soit plus du double de la dose tolérable, fixée à 2,5 µg/kg de poids corporel (pc). En France, la dose tolérable hebdomadaire fixée par l’Anses est presque la même : 2,45 µg/kg/pc.

PFAS, cadmium… les récentes révélations sur ces pollutions peuvent semer le doute au moment de remplir le frigo. © Adobe stock

Autre recommandation : favoriser autant que possible les aliments issus de l’agriculture biologique, moins gourmande en engrais phosphatés. Une étude parue en 2014 dans le British Journal of Nutrition estime que la teneur en cadmium des aliments bio est en moyenne 48% inférieure à celle des aliments conventionnels. Mais leur prix reste un frein, reconnaît le docteur Meyvaert : «Beaucoup de nos patients peinent déjà à boucler leur fin de mois. Cette recommandation a du mal à passer.»

Enfin, il est conseillé de surveiller d’éventuelles carences en fer, zinc et calcium, qui favorisent l’absorption intestinale du cadmium. Les femmes ménopausées sont particulièrement à risque, un quart d’entre elles ayant des carences en fer.

Une étude publiée dans le Journal of Nutrition suggère que le zinc pourrait atténuer les effets du cadmium, bien que d’autres travaux soient nécessaires pour en être sûr. Les personnes qui ont les apports en zinc les plus élevés présentaient les plus faibles concentrations de cadmium dans le sang et l’urine. Le hic ? Les aliments les plus riches en zinc sont… le foie et les huîtres, eux-mêmes fortement contaminés au cadmium.

PFAS : quels sont les meilleurs (et les pires) aliments ?

Les données examinées par l’association Générations futures montrent une contamination généralisée aux PFAS. Parmi les produits testés positifs à l’un des quatre composés réglementés (PFOS, PFOA, PFHxS, PFNA) figurent les poissons (69%), les abats et mollusques (55%), les œufs (39%) et le lait (23%). À l’inverse, la viande (rouge ou volaille, 14%), les légumes (7%) et les fruits (3%) sont moins touchés. Aucune donnée n’est disponible pour les céréales, pourtant largement consommées.

Le rapport pointe aussi de grandes disparités au sein d’une même catégorie : les perches et anguilles contiennent des taux élevés de PFOS, alors que daurades et saumons en contiennent très peu. «Les poissons de rivière sont plus contaminés. On pense que c’est parce qu’ils sont davantage au contact des rejets industriels, mais on souhaiterait connaître l’origine géographique des échantillons pour en être sûrs», souligne Kildine Le Proux de la Rivière, docteur en pharmacie et chargée de missions scientifiques pour Générations futures.

Comment limiter son exposition ?

Comme pour le cadmium, varier les sources alimentaires et leur origine géographique reste une stratégie efficace. «Les données montrent que, dans chaque catégorie d’aliments, certains échantillons sont contaminés et d’autres non. Cela signifie que plus on varie, plus on a de chances de tomber sur des aliments sans PFAS», explique Kildine Le Proux de la Rivière.

Au vu des résultats mis en avant par le rapport, il peut aussi être recommandé de limiter sa consommation de poissons d’eau douce, d’abats, de mollusques, de crustacés et de lait d’origine animale. Côté viande, la volaille semble moins contaminée que le bœuf. La pharmacienne ne recommande pas forcément un régime végétalien : «Notre exposition dépend aussi de la quantité de nourriture consommée. Et alors que l’on mangera, par exemple, 100 grammes de viande ou de poisson, on aura tendance à manger, en équivalent, beaucoup plus de légumes.»

Enfin, consommer des aliments riches en fibres pourrait aider à éliminer les PFAS dans l’organisme : céréales complètes (pains complets ou aux céréales, pâtes et riz complets), légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots), légumes (artichauts, petits pois, panais) et fruits (framboises, figues, kiwi). Une étude pilote publiée le 15 mars dans Environmental Health, menée sur 72 Canadien⸱nes, suggère que les fibres jouent un rôle de filtre digestif, réduisant l’absorption de molécules indésirables comme les PFOS et PFOA. Des résultats prometteurs, mais qui doivent être confirmés par des études à plus large échelle et sur une plus longue durée.

La nécessité d’une action politique

Face à la contamination généralisée des aliments à ces deux produits toxiques, l’action individuelle n’a qu’une portée très limitée. L’agence française de sécurité sanitaire (Anses) recommande que la concentration en cadmium dans les engrais phosphatés soit inférieure à 20 milligrammes par kilogramme d’anhydride phosphorique (P2O5) – la substance chimique utilisée pour mesurer la charge en cadmium des engrais phosphatés. Un seuil «indispensable pour réduire l’accumulation du cadmium dans les sols et son transfert vers les cultures et les eaux superficielles et souterraines». Aujourd’hui, le règlement européen fixe cette limite à 60 mg/kg de P2O5.

Générations futures appelle à un renforcement de la surveillance des PFAS dans l’alimentation à l’échelle européenne. Mais il faut avant tout réduire les émissions à la source. Pour cela, l’ONG demande aux autorités françaises de soutenir la proposition de restriction de la fabrication, de la mise sur le marché et de l’utilisation des PFAS, appelée «restriction universelle», déposée en 2023 par l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède dans le cadre du règlement Reach.

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