Du blé à se faire. Alors que le « grenier » de l’Union européenne (UE) est sous le feu russe, le changement de nos régimes alimentaires pourrait réduire notre dépendance aux importations en provenance de ces deux pays et contenir l’envolée mondiale des prix.
Déjà mis à mal par la pandémie de Covid et les sécheresses à répétition, le système alimentaire européen a subi un véritable choc avec l’invasion russe en Ukraine en février dernier. Deux pays qui fournissaient de vastes quantités de denrées – blé, maïs, orge, colza, graines de tournesol -, d’engrais azotés (dont la Russie est, de loin, le premier exportateur – FAO) et d’énergie. De quoi faire s’envoler les prix agricoles à l’échelle mondiale.
En mars 2022, l’UE a annoncé un plan de 500 millions d’euros pour soutenir les agriculteur·rices les plus touché·es par cette envolée. Dans une lettre ouverte, plus de 300 scientifiques avaient alors réclamé un changement de politique agricole : « la sécurité alimentaire européenne n’est pas menacée par la crise ukrainienne [mais] par une crise ancienne due à de mauvais régimes alimentaires, avec une consommation de céréales raffinées et de produits animaux bien supérieure aux recommandations des guides nutritionnels nationaux ».
Les auteur·rices d’une étude parue lundi dans Nature food ont déterminé que l’adoption généralisée d’un régime alimentaire sain dans l’Union européenne et au Royaume-Uni permettrait de réduire la dépendance et d’augmenter la résilience alimentaire du continent. Elles et ils ont pris pour référence le « régime pour une santé planétaire » promu par la commission EAT/Lancet, du nom de la célèbre revue scientifique. Celui-ci fait la part belle aux légumes, aux céréales complètes, aux huiles et protéines végétales et laisse peu de place aux produits animaux.
Manger moins sucré permettrait de couvrir l’équivalent de l’ensemble des importations en betteraves à sucre d’Ukraine et de Russie. Réduire la viande diminuerait considérablement (à hauteur de 20 millions de tonnes) les besoins en blé, alors que cette céréale est largement utilisée pour nourrir le bétail, notamment à destination de l’export. En outre, cette baisse de la demande entraînerait celle des prix au niveau mondial et profiterait au reste de l’humanité.
La réduction de l’élevage conforme à ce régime alimentaire permettrait de récupérer 70 millions d’hectares de terres (presque autant que la surface de la France) ; si toutes ces terres étaient rendues à la nature, elles pourraient stocker à long terme près de 40 milliards de tonnes de CO2 – soit ce que l’humanité émet aujourd’hui en une année. La consommation de viande est l’un des principaux moteurs de la crise climatique (Vert).
Cesser de nourrir le bétail d’aliments directement comestibles par l’humain permettrait de sustenter un milliard de personnes supplémentaires, avait révélé une récente étude (en anglais) de Nature Food. Un autre rapport de l’ONG Feedback EU pointait que l’Union européenne gaspillait environ 153,5 millions de tonnes de nourriture par an. Soit plus que les 138 millions de tonnes de produits agricoles qu’elle importe.
« Aujourd’hui, la production alimentaire mondiale est plus que suffisante pour nourrir une population encore plus importante, écrivaient encore les auteur·rices de la lettre ouverte. Cependant, les céréales sont données aux animaux, utilisées comme biocarburants ou jetées, plutôt que données à ceux qui ont de faibles moyens financiers ».
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