IA plus qu’à. En parallèle du Sommet international sur l’intelligence artificielle à Paris, une journée dédiée à l’«IA durable» était organisée par le ministère de la transition écologique, mardi. L’occasion de mettre en lumière des usages alternatifs de cette technologie, pour améliorer la recherche environnementale.
L’IA, ce n’est pas que ChatGPT, Deepseek ou Google Deepmind. Ces nouveaux monstres de la tech ont fait tourner les têtes au Sommet international de l’intelligence artificielle (IA) à Paris, lundi et mardi. Mais leurs énormes impacts environnementaux, eux, font lever les yeux au ciel. «Les gros modèles de langage peuvent être utiles, mais ce ne sont pas souvent les bons outils pour l’usage que l’on veut en faire», alerte David Rolnick, professeur assistant à l’université McGill (Canada).
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Invité à la journée de l’«IA durable», organisée mardi à Paris, le chercheur américain a rappelé qu’il existait de plus petits modèles, moins énergivores car dédiés à des tâches spécifiques, comme l’amélioration de la connaissance de certains domaines de l’environnement. En voici quelques exemples en France et à l’étranger, présentés en marge de l’événement.
Mieux prévoir la météo
L’IA pourrait-elle bientôt nous aider à prévoir le temps qu’il fera demain ? Chez Météo-France, un laboratoire a été créé en 2019 pour plancher sur le sujet. Suivi des intempéries, du brouillard le long de la Seine… depuis quelques années, les usages de l’IA se multiplient, non sans générer quelques critiques internes au sujet de dysfonctionnements. Le modèle Expresso, entraîné à repérer les pluies partout dans le monde à partir d’images satellites, a par exemple été utilisé pour suivre l’avancée en temps réel du cyclone Chido, qui a dévasté Mayotte en décembre dernier.
Les chercheur·ses du Centre national de recherches météorologiques (CNRM) travaillent sur un nouveau modèle nourri à l’IA, qui pourrait bientôt épauler le modèle de base utilisé par Météo-France, et donc améliorer les futures prévisions. «Le but n’est pas de remplacer les scientifiques de l’atmosphère, mais d’aller plus vite et de faire mieux», tempère Clément Brochet, chercheur en prévision numérique du temps et IA au CNRM. De premiers résultats sont attendus pour fin 2025.
Cartographier plus facilement l’environnement
Moins connu que Météo-France, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) est l’organisme chargé de produire et diffuser des données géographiques du territoire français (il est à l’origine des cartes que vous utilisez pour vos randonnées). Chez eux aussi, l’IA devient incontournable depuis quelques années, avec pas moins de 30 ingénieur·es qui travaillent sur la question.
Le projet dont l’équipe est la plus fière : une cartographie de l’occupation des sols à l’échelle de la France entière. «Nous avons passé deux ans à apprendre à une IA à reconnaître quinze catégories (surfaces d’eau, zones bâties, peuplements de conifères…) sur des endroits précis de un à deux kilomètres carrés, puis nous l’avons appliquée à tout le territoire», résume Anatol Garioud, ingénieur à l’IGN. Un gain de temps précieux par rapport à la méthode classique, qui consiste à interpréter à l’œil nu des photos aériennes.
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Leur carte, dont les données sont accessibles gratuitement en ligne, sert notamment à suivre la part de couverture végétale du territoire, dans le cadre de l’objectif de zéro artificialisation nette, qui vise à freiner la disparition des sols naturels. Le principe est réutilisé dans d’autres projets : cartographie des habitats naturels, suivi de l’état des forêts ou des haies…
Au risque que ces IA hallucinent (comme cela est souvent reproché aux modèles de langage quand ils créent des données imaginaires), en inventant par exemple des bosquets ou des maisons qui n’existent pas ? «C’est une IA probabiliste, pas générative, nuance Anatol Garoud. Elle se soumet aux données que nous lui donnons en apprentissage, mais l’erreur d’interprétation reste possible, comme avec la méthode humaine.»
Repérer plus rapidement les incendies
En Allemagne, une équipe de recherche a mis au point un drone nourri à l’IA pour parcourir les forêts à la recherche de départs de feu. «Nous avons une précision de 97%, c’est énorme», s’enthousiasme Christopher Shatto, climatologue à l’université de Bayreuth (dans le sud-est de l’Allemagne), devant son stand de présentation. La logique est toujours la même : l’IA est entraînée à reconnaître ce qu’est un incendie parmi des milliers d’images de forêts, puis elle est mise en application dans la vie réelle. Leur invention est pour l’instant restreinte aux bois avoisinant la ville de Rothenburg ob der Tauber, dans le centre de l’Allemagne.
Mais n’est-ce pas contradictoire de lutter contre l’une des manifestations du changement climatique… avec des technologies qui sont en partie responsables du problème ? «C’est vrai, les IA consomment beaucoup d’eau et d’énergie, reconnaît Tobias Heuser, datascientifique qui participe au projet. Mais nous estimons que la valeur créée est bien supérieure au coût environnemental.» Son équipe de recherche mise d’ailleurs sur la réutilisation de ce modèle dans d’autres pays européens, dont la France.
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