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L’inquiétante aversion des sénateurs pour les lanceurs d’alertes

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Censeurs d’alerte. La propo­si­tion de loi qui vise à « amélior­er la pro­tec­tion des lanceurs d’alerte » devrait ressor­tir forte­ment amoin­drie de son pas­sage au Sénat.

Le 17 novem­bre dernier, l’Assem­blée nationale a voté comme un seul homme la propo­si­tion de loi du député Syl­vain Waser­man (Modem). Celle-ci trans­po­sait, avec quelques bonus, une direc­tive européenne d’octobre 2019 sur « la pro­tec­tion des per­son­nes qui sig­na­lent des vio­la­tions du droit de l’Union ». Si le choix de pro­pos­er un texte plus ambitieux que la norme européenne n’avait alors pas fait débat, il en va autrement du Sénat (dom­iné par la droite), qui exam­ine le texte en séance depuis hier.

36 asso­ci­a­tions et syn­di­cats ont appelé à man­i­fester mer­cre­di 19 jan­vi­er devant le Sénat © Jean Nicholas Guil­lo / Green­peace

Plusieurs mesures-phares ont déjà été bif­fées par la com­mis­sion des lois du palais du Lux­em­bourg (voir le com­para­tif sur le site du Sénat). Par exem­ple, celle-ci pro­pose de restrein­dre le périmètre des alertes aux seules vio­la­tions du droit, alors que la ver­sion soumise par l’Assem­blée nationale prévoy­ait de pou­voir dénon­cer une « men­ace ou un préju­dice pour l’in­térêt général ». En clair, les lanceur·ses d’alerte ne pour­raient plus dénon­cer des pra­tiques inac­cept­a­bles si elles sont légales. Par­mi celles-ci : l’op­ti­mi­sa­tion fis­cale, le broy­age des poussins ou encore les effets nocifs de cer­tains pro­duits ou médica­ments autorisés.

D’autres amende­ments prévoient aus­si de restrein­dre le statut de lanceur·se d’alerte aux per­son­nes impliquées dans le cadre de leur activ­ité pro­fes­sion­nelle. Ce qui exclu­rait les vic­times (patients, clients) et les asso­ci­a­tions qui décideraient d’accompagner ces lanceur·ses d’alertes. Si les amende­ments de la com­mis­sion des lois sont votés tels quels par le Sénat aujour­d’hui, une ten­ta­tive de con­cil­i­a­tion avec l’Assem­blée nationale aura lieu dans le cadre d’une com­mis­sion mixte par­i­taire. En cas de désac­cord, les député·es auront le dernier mot.

Si le risque de voir la pro­tec­tion des lanceurs d’alerte reculer est donc lim­ité, la méfi­ance du Sénat à l’é­gard de ces vigies citoyennes pose ques­tion. Elles et ils « sont là pour ren­forcer les sys­tèmes démoc­ra­tiques, et non les affaib­lir », a rap­pelé la lanceuse d’alerte Emma Reil­ly lors d’une man­i­fes­ta­tion organ­isée hier à Paris (Reporterre). Mais les sénateur·rices sem­blent avoir été davan­tage sen­si­bles aux argu­ments de l’a­gro-indus­trie, con­tenus dans des mails et des propo­si­tions révélés par Medi­a­part en décem­bre dernier.