Sans limites à Sion. Dimanche, les Suisses ont rejeté une initiative des écologistes qui visait à inscrire dans la Constitution le respect des limites naturelles de la planète. Un projet trop risqué pour l’économie et leur mode de vie, selon les détracteur·ices du projet.
C’est un grand non. Les Suisses votaient dimanche pour inscrire (ou non) les limites planétaires dans leur Constitution, une proposition des écologistes. Le référendum «pour une économie responsable dans les limites de la planète» a été rejeté à 69,84%, selon le décompte officiel provisoire des autorités fédérales, pour une participation de près de 38%. Le non l’a emporté dans les 26 cantons que compte le pays.
«Ce non n’est certainement pas un non à la protection de l’environnement, a tenu à préciser le Conseiller fédéral (ministre) en charge de l’environnement, Albert Rösti, lors d’un point de presse. C’était un non à une vie radicalement différente de celle que nous menons aujourd’hui en Suisse.»

Le résultat est sans grande surprise. Le gouvernement fédéral, les partis conservateurs et les milieux économiques étaient fermement opposés à ce texte. Ils jugeaient qu’il mettait en danger l’économie en allant trop loin, et estimaient que les plans actuels de lutte contre le changement climatique étaient suffisants.
Populariser le concept de limites planétaires
«Il y a eu une campagne des opposants réfractaires à tout changement», a dénoncé Margot Chauderna, coprésidente des Jeunes Vert·e·x·s (formation à l’origine de cette initiative), sur la télévision publique RTS.
Les Jeunes Vert·e·x·s, soutenus par la gauche, ancraient leurs propositions dans le concept de «limites planétaires». Celles-ci sont des seuils à ne pas dépasser dans plusieurs domaines (pollution chimique, intégrité de la biodiversité, réserves en eau douce…), afin d’assurer l’habitabilité de la Terre. Sur les neuf limites planétaires identifiées, six ont déjà été dépassées depuis septembre 2023 (notre article). Le projet avait pour ambition d’inscrire dans la Constitution helvétique le respect de ces limites naturelles, qui auraient été déterminées scientifiquement.

«L’objectif est d’aboutir, en une décennie, à une économie et une société où la quantité de ressources consommées et celle des polluants rejetés restent dans des proportions supportables par l’environnement», explique l’ONG Greenpeace, partisane du oui, dans un communiqué.
Les membres de la coalition du oui estiment que, malgré la défaite, l’initiative a eu le mérite de faire connaître au grand public le concept de limites planétaires.
«La protection de l’environnement aux forceps»
Les Suisses «ne veulent pas adapter drastiquement leur mode de vie pour prendre soin de la planète», commente le quotidien TagesAnzeiger, qui estime que «c’est compréhensible».
«L’initiative demandait la protection de l’environnement aux forceps», juge le quotidien germanophone. Il souligne qu’en cas de oui, la Suisse aurait dû fortement réduire sa consommation en l’espace de dix ans, ce qui «aurait nécessité des coupes sévères dans l’économie».
Le journal francophone La Liberté juge aussi que c’était trop demander à la population : «La mise en œuvre du texte des Jeunes Verts signifiait une remise en cause radicale du mode de vie de la population helvétique, à laquelle elle n’est pas prête à consentir.»
Avant le scrutin, l’UDC – la droite radicale, qui est le premier parti de Suisse -, ne mâchait pas ses mots : «Cette initiative est dangereuse, car elle aurait comme conséquence une augmentation très importante des prix ou encore une diminution de la diversité de l’offre dans les domaines autant variés que sont l’alimentation, le logement, la mobilité ou encore les vêtements.»
«En résumé, nous détruirions la prospérité de la Suisse, avec un niveau économique similaire à des pays comme l’Afghanistan, Haïti ou Madagascar», osait même un élu UDC, Nicolas Kolly, pour dénigrer l’initiative.
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