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Les inondations inédites au Pakistan portent la marque du changement climatique

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La mous­son dévas­ta­trice qui a rav­agé le Pak­istan au mois d’août n’aurait eu qu’une faible prob­a­bil­ité de sur­venir sans le boule­verse­ment du cli­mat, révèle un réseau de spé­cial­istes des sci­ences de l’attribution.

Les pluies extrêmes et les inon­da­tions sub­séquentes qui sévis­sent au Pak­istan depuis la mi-juin ont tué près de 1 500 per­son­nes, détru­it 1,7 mil­lion d’habitations et affec­té au moins 33 mil­lions d’individus. Dans le sud du pays, les provinces du Sindh et du Baloutchis­tan ont reçu des vol­umes de pré­cip­i­ta­tions sept à huit fois supérieurs aux niveaux habituels, faisant du mois d’août le plus humide jamais enreg­istré. Une sit­u­a­tion cat­a­strophique qui a très prob­a­ble­ment été accrue par le dérè­gle­ment cli­ma­tique, d’après une étude d’attribution pub­liée jeu­di.

« Je n’ai jamais vu un car­nage cli­ma­tique de l’am­pleur des inon­da­tions ici au Pak­istan », s’est ému le secré­taire général des Nations unies, Anto­nio Guter­res, sur Twit­ter.

Ces con­clu­sions sont le fruit du tra­vail de 26 sci­en­tifiques du World weath­er attri­bu­tion group (WWA), un réseau inter­na­tion­al de chercheur·ses spé­cial­isé dans les études d’attribution. Rel­a­tive­ment récente dans les sci­ences cli­ma­tiques, cette dis­ci­pline tente d’évaluer la part du dérè­gle­ment cli­ma­tique dans la sévérité ou la fréquence d’événements météorologiques extrêmes tels que les inon­da­tions, les vagues de chaleur ou les tem­pêtes. Des études du réseau WWA ont déjà mon­tré que la vague de chaleur excep­tion­nelle qui a frap­pé l’Inde et le Pak­istan au print­emps dernier avait été ren­due 30 fois plus prob­a­ble par le change­ment cli­ma­tique (Libéra­tion), ou que la canicule de cet été au Roy­aume-Uni aurait été « pra­tique­ment impos­si­ble » sans le réchauf­fe­ment cli­ma­tique induit par les activ­ités humaines (Numéra­ma.

Les sci­en­tifiques ont com­paré les don­nées météorologiques du mois d’août avec des sim­u­la­tions d’un cli­mat qui n’aurait pas subi une hausse des tem­péra­tures d’environ + 1,2 °C par rap­port au 19ème siè­cle — c’est le réchauf­fe­ment actuel.

Elles et ils se sont basé·es sur deux péri­odes : les soix­ante jours de pluie sur le bassin du fleuve Indus d’un côté, et les cinq jours des plus fortes mous­sons dans le Sindh et le Baloutchis­tan. Résul­tat, les pré­cip­i­ta­tions ont été entre 50 % et 75 % plus intens­es que sans le réchauf­fe­ment cli­ma­tique.

Dans la province de Sindh, le vil­lage sub­mergé de Matiari. © UNICEF / Asad Zai­di

Cette méth­ode con­naît cepen­dant cer­taines lim­ites. « Les chercheurs ont con­staté que les mod­èles cli­ma­tiques mod­ernes ne sont pas entière­ment capa­bles de simuler les pluies de mous­son dans le bassin de l’Indus », pré­cise l’étude, qui souligne l’extrême vari­abil­ité, d’une année sur l’autre, des sché­mas de pluie dans cette région. Les sci­en­tifiques pointent ain­si les failles de leur étude, moins pré­cis­es que celles réal­isées sur des événe­ments météorologiques comme les vagues de chaleur.

« S’il est dif­fi­cile d’estimer pré­cisé­ment l’impact du change­ment cli­ma­tique [sur ces inon­da­tions, NDLR], les empreintes du réchauf­fe­ment du cli­mat sont évi­dentes », estime Friederike Otto, co-autrice de l’étude et chercheuse à l’Imperial col­lege Lon­don. « Le fait que le change­ment cli­ma­tique ait exac­er­bé la vague de chaleur plus tôt cette année, et main­tenant les inon­da­tions, four­nit des preuves con­clu­antes de la vul­néra­bil­ité du Pak­istan à de tels extrêmes », abonde un autre par­tic­i­pant à l’étude, Fahad Saeed, chercheur au Cen­ter for cli­mate change and sus­tain­able devel­op­ment à Islam­abad (Pak­istan). Selon une étude de l’ONG Ger­man­watch en 2021, le Pak­istan est le huitième pays au monde le plus touché par les évène­ments extrêmes.