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En Inde et au Pakistan, la vague de chaleur extrême redouble d’intensité après une brève accalmie

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C’est chaud. Voilà presque deux mois que l’Inde et le Pak­istan subis­sent une vir­u­lente vague de chaleur qui bat tous les records. Au-delà des tem­péra­tures extrêmes, la durée inédite de cet évène­ment inter­roge les lim­ites de l’adaptation humaine au change­ment cli­ma­tique.

Same­di, un pont a bru­tale­ment cédé sous la pres­sion de l’eau dans la val­lée de la Hun­za, au nord du Pak­istan. Il a été emporté par ce qu’on appelle « une vidan­ge bru­tale de lac glaciaire » : une crue imprévis­i­ble générée par la rup­ture d’un bar­rage naturel dans un glac­i­er. Une cat­a­stro­phe naturelle directe­ment liée aux tem­péra­tures extrêmes et pro­longées qui assèchent l’Asie du Sud depuis le 10 mars.

Cette intense vague de chaleur défie les records dans une région pour­tant habituée des canicules meur­trières. En Inde, ce mois d’avril fut le plus chaud en 122 ans. Au Pak­istan, la ville de Nawab­shah a con­nu une tem­péra­ture moyenne de 44,6 °C l’après-midi sur l’ensemble du mois d’avril. Le mer­cure n’y est pas descen­du une seule fois sous la barre des 42 °C. Les 50 °C ont aus­si été approchés à plusieurs repris­es dans les deux pays.

« Les fortes chaleurs vont (à nou­veau) s’in­staller en Asie du Sud dans les jours à venir. Le Pak­istan va dépass­er les 50°C à cer­tains endroits », prévient le météoro­logue Scott Dun­can.

La sit­u­a­tion « est tout à fait inédite pour plusieurs raisons », con­firme auprès de Vert Fan­ny Petit­bon, respon­s­able de plaidoy­er pour l’ONG Care et spé­cial­iste des con­séquences du change­ment cli­ma­tique sur les pays du Sud. D’abord par sa pré­coc­ité — les précé­dentes vagues de chaleur extrêmes avaient lieu en mai ou juin, mais aus­si par sa durée excep­tion­nelle, qui la rend encore plus pénible pour les organ­ismes humains.

Un indi­ca­teur est par­ti­c­ulière­ment inquié­tant : la tem­péra­ture du ther­momètre mouil­lé (un rap­port entre chaleur et humid­ité que l’on peut cal­culer avec ce sim­u­la­teur). Une étude pub­liée en 2020 dans la revue Sci­ence advances éval­u­ait la lim­ite théorique pour le corps humain à 35 °C. Plus récem­ment, en mars 2022, des chercheur·ses américain·es ont pub­lié une étude con­sid­érant que cette don­née avait été sures­timée et qu’elle s’élève en réal­ité à 31 °C max­i­mum. Cela sig­ni­fie qu’au-delà de cette « tem­péra­ture mouil­lée », il fait trop chaud pour que l’air puisse rafraîchir l’humain, mais aus­si trop humide pour que sa tran­spi­ra­tion s’évapore. La tem­péra­ture cor­porelle ne se régule plus et il n’est pas pos­si­ble d’y sur­vivre — même en bonne san­té ou bien hydraté.

En Inde, les tem­péra­tures humides ont flirté avec les lim­ites de l’ac­cept­abil­ité humaine à la fin du mois d’avril. Cliquez sur l’im­age pour l’af­fich­er en grand © Cal­len­dar

Dans la ville indi­enne de Nag­pur, la tem­péra­ture du ther­momètre mouil­lé a atteint jusqu’à 32,2 °C fin avril, selon les cal­culs réal­isés par Thibault Laconde, ingénieur expert des risques liés au cli­mat et fon­da­teur de Cal­len­dar, une start-up spé­cial­isée dans les pro­jec­tions cli­ma­tiques.

« Cette vague de chaleur est en train de tester les lim­ites de la capac­ité de survie humaine », estime auprès de CNN Chand­ni Singh, chercheuse à l’Institut indi­en des peu­ple­ments humains (IIHS) et autrice prin­ci­pale du Groupe d’ex­perts inter­gou­verne­men­tal sur l’évo­lu­tion du cli­mat (Giec). Et ne devrait mal­heureuse­ment pas s’arrêter de sitôt.