Les innombrables liens entre vivant et climat

Vivant et climat, même combat : voici l'un des messages principaux du congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui se tient cette semaine à Marseille. Décryptage des principaux mécanismes à l’œuvre.
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Pre­mier con­stat, duquel tous les autres découlent : c’est le vivant qui absorbe et stocke le car­bone ©. Grâce à la pho­to­syn­thèse, les végé­taux se nour­ris­sent de cet élé­ment con­sti­tu­tif du dioxyde de car­bone (CO2) et du méthane (CH4), les deux gaz à effet de serre respon­s­ables de la plus large part du réchauf­fe­ment cli­ma­tique. A elles seules, les forêts ont stocké quelque 16 giga­tonnes (mil­liards de tonnes) d’équiv­a­lent CO2 par an au cours de la dernière décen­nie (Nature). A con­trario, leur dégra­da­tion a entraîné l’émis­sion de 8 Gt de CO2 de plus par an.

Des sommes colos­sales, à rap­porter aux émis­sions totales de l’hu­man­ité : 34 Gt en 2020 (Glob­al Car­bon project). D’autres milieux naturels ter­restres, en tête desquels les tour­bières, stock­ent égale­ment des quan­tités faramineuses de car­bone. Le phy­to­planc­ton qui peu­ple les océans joue égale­ment un rôle de pre­mier plan dans ce proces­sus. Mais le réchauf­fe­ment sans précé­dent des mers, qui ont absorbé la majeure par­tie de l’ex­cé­dent de chaleur plané­taire, met grave­ment en dan­ger ce mécan­isme.

Vue satel­lite de mass­es de phy­to­planc­ton dans la mer de Bar­ents © Nasa

Le boule­verse­ment du cli­mat men­ace en retour l’ensem­ble du vivant. Chaleur, sécher­ess­es, acid­i­fi­ca­tion et strat­i­fi­ca­tion des océans, mul­ti­pli­ca­tion des événe­ments extrêmes (tem­pêtes trop­i­cales, mous­sons, etc.) ren­dent inviv­ables les habi­tats des ani­maux et végé­taux, lit­térale­ment for­cés à la migra­tion en direc­tion des pôles. Pas une mince affaire lorsque l’on est enrac­iné comme un chêne, lais­sant crain­dre la dis­pari­tion à moyen terme de mil­liers d’e­spèces végé­tales. Passé un point de rup­ture, si les végé­taux sont trop affec­tés par la chaleur, ils per­dent leur capac­ité à stock­er le CO2. C’est ain­si qu’en­tre 2010 et 2019, l’A­ma­zonie brésili­enne est dev­enue émet­trice nette de car­bone (Vert).

Le boule­verse­ment du cycle de l’eau et des tem­péra­tures fait égale­ment naître de nou­veaux dan­gers : de nom­breux passereaux des îles hawaïennes, en fuite vers les som­mets, sont rat­trapés et décimés par des mous­tiques vecteurs du palud­isme (Le Monde). En 2018, une étude du WWF avait déter­miné qu’un réchauf­fe­ment de +4,5°C d’i­ci la fin du siè­cle men­ac­erait d’ex­tinc­tion au niveau local la moitié des espèces qui peu­plent 35 écoré­gions du globe.

C’est pour toutes ces raisons qu’en juin 2020, 50 expert·e·s du cli­mat et de la bio­di­ver­sité, mem­bres du GIEC et de l’IPBES, avaient joint leurs voix pour appel­er à met­tre en œuvre des solu­tions com­munes afin de traiter ces deux crises à la fois (Vert). Par­mi les remèdes les plus effi­caces, les auteur·rice·s recom­mandaient de sauve­g­arder les espaces naturels : forêts, tour­bières, zones humides, eaux pro­fondes, etc. Aujourd’hui, seuls 15% des ter­res et 7,5% des océans sont pro­tégés. Autre solu­tion facile et rapi­de à met­tre en œuvre : restau­r­er les écosys­tèmes dégradés.