Décryptage

Les espèces invasives, une «grave menace mondiale» contre la biodiversité

  • Par

Espèces trébuchantes. Les espèces inva­sives con­stituent un dan­ger crois­sant pour la bio­di­ver­sité, y com­pris pour les humains, et coû­tent de plus en plus cher, alerte un nou­veau rap­port de l’IPBES, l’équivalent du Giec de la bio­di­ver­sité.

«La grave men­ace mon­di­ale que représen­tent les espèces exo­tiques envahissantes est sous-appré­ciée, sous-estimée et sou­vent mécon­nue», con­clut le dernier rap­port de la Plate­forme inter­gou­verne­men­tale sci­en­tifique et poli­tique sur la bio­di­ver­sité et les ser­vices écosys­témiques (IPBES), pub­lié lun­di. 86 expert·es de 49 pays ont bûché pen­dant qua­tre ans et demi, avec le sou­tien de com­mu­nautés autochtones locales, pour réalis­er une éval­u­a­tion com­plète des espèces exo­tiques. L’IPBES les avait précédem­ment iden­ti­fiées comme l’un des cinq fac­teurs de perte de la bio­di­ver­sité, avec la sur­ex­ploita­tion des espèces, la destruc­tion des milieux, le change­ment cli­ma­tique et la pol­lu­tion.

Ce nou­veau rap­port met désor­mais en lumière le car­ac­tère crois­sant de cette men­ace : 37 000 espèces exo­tiques ont été intro­duites dans des écosys­tèmes du monde entier par les activ­ités humaines — un nom­bre en con­stante aug­men­ta­tion. Plus de 3 500 d’entre elles sont con­sid­érées comme des espèces exo­tiques envahissantes, aux con­séquences nuis­i­bles pour leur nou­v­el envi­ron­nement.

«Les espèces exo­tiques envahissantes peu­vent causer des dom­mages irréversibles à la nature, y com­pris des extinc­tions locale et mon­di­ale d’espèces», aver­tit la pro­fesseure Helen Roy, co-prési­dente du rap­port. Dans 60% des cas, elles ont con­sti­tué un fac­teur majeur d’extinction mon­di­ale d’espèces ani­males ou végé­tales — et étaient même l’unique fac­teur, dans 16% d’entre eux. Au moins 218 espèces inva­sives ont été respon­s­ables de plus de 1 200 extinc­tions locales.

Une riv­ière envahie par des jacinthes d’eau, l’espère exo­tique envahissante la plus répan­due dans le monde. Elle est notam­ment respon­s­able du déclin de la pêche dans cer­taines zones, dont le lac Vic­to­ria en Afrique. © Can­va

«Elles men­a­cent égale­ment le bien-être humain», aver­tit la chercheuse : dans 85% des cas doc­u­men­tés, les espèces inva­sives ont une inci­dence néga­tive sur la vie des pop­u­la­tions humaines. Des espèces envahissantes de mous­tiques sont notam­ment respon­s­ables de mal­adies telles que le palud­isme ou le virus Zika.

Les coûts liés aux destruc­tions par les espèces inva­sives ont atteint 423 mil­liards de dol­lars (393 mil­liards d’euros) en 2019, après avoir au moins quadru­plé chaque décen­nie depuis 1970. Si les mesures mis­es en place par les gou­verne­ments sont insuff­isantes pour gér­er ce défi gran­dis­sant, les expert·es de l’IPBES soulig­nent que les impacts des espèces inva­sives peu­vent être maîtrisés. «La préven­tion est absol­u­ment la meilleure option, la plus rentable, mais l’éradication, le con­fine­ment et le con­trôle sont égale­ment effi­caces dans des con­textes spé­ci­fiques», détaille le pro­fesseur Ani­bal Pauchard, co-prési­dent du rap­port.

Il reste désor­mais aux gou­verne­ments du monde entier à s’emparer de ce défi afin d’espérer respecter le cadre mon­di­al pour la bio­di­ver­sité Kun­ming-Mon­tréal, adop­té en décem­bre dernier (notre arti­cle). Ce dernier prévoit de réduire l’introduction et l’établissement de cer­taines espèces inva­sives d’au moins 50% d’ici à 2030.