Décryptage

Le tri des biodéchets est obligatoire depuis un an, mais seuls 40% des Français y ont accès

À la ramasse. Depuis le 1er janvier 2024, la loi oblige les collectivités à proposer des solutions de tri des déchets organiques à leurs habitant·es. Aujourd’hui, moins de la moitié des Français·es sont équipé·es pour le faire, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe).
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Un tiers de notre poubelle d’ordures ménagères (la grise) est constitué de déchets organiques… qui finiront incinérés. Cela représente 83 kilogrammes (kg) de biodéchets par an et par habitant·e. Les restes de nos repas représentent pourtant une ressource pour faire du compost ou être transformés en biogaz.

La loi anti-gaspillage Agec impose depuis le 1er janvier 2024 à toutes les collectivités d’offrir des solutions accessibles pour faire son compost, mais ne prévoit aucun contrôle ou sanction pour celles qui ne la respecteraient pas. Elles peuvent mettre à disposition des composteurs individuels et des composteurs collectifs, installer des points d’apports volontaires ou mettre en place une collecte en porte-à-porte, comme pour la poubelle jaune.

L’Agence de la transition écologique (Ademe) relève qu’à la mi-2024, 40% des Français·es disposaient d’une solution de tri des biodéchets. Certaines communes ont été pionnières dans des mesures contraignantes et ambitieuses comme Grenoble (Isère). Mais d’autres territoires sont à la traîne, malgré un récent développement des dispositifs de tri.

Première difficulté pour les communes : le coût

«Le tri séparé des biodéchets représente un surcoût pour les collectivités, entre dix et 20 euros par an et par habitant, soit deux millions d’euros par année pour une collectivité locale de 200 000 habitants», rappelle Nicolas Garnier, délégué général du réseau Amorce, qui représente les collectivités engagées dans la transition écologique.

Voici ce que l’on peut mettre dans un composteur individuel. Dans un composteur collectif ou une borne de collecte, viandes et poissons sont généralement admis. © Alexandre Carré/Vert

La première difficulté pour les communes est le coût de ces nouvelles dispositions, selon le réseau Compost citoyen. Le Fonds vert prévu par l’État pour les aider à financer les équipements de tri a diminué de 20% en avril dernier. Le budget 2025 prévu par l’ancien gouvernement Barnier avait prévu de le restreindre encore, jusqu’à le supprimer en 2026. Il est désormais entre les mains du gouvernement Bayrou.

«Les aides de l’État sont faméliques», déplore Nicolas Garnier. Alors que des solutions de financement existent. «Amorce demande que la moitié de la taxe générale sur les activités polluantes finance les surcoûts liés au tri à la source des biodéchets», explique-t-il à Vert.

Face au surcoût, des solutions pragmatiques

Pour pallier le manque d’aides de l’État, les communes sont nombreuses à s’appuyer sur les réseaux associatifs, notamment pour l’entretien des composteurs collectifs des biodéchets. «Une pratique compliquée en termes de fiabilité, regrette Nicolas Garnier, car les bénévoles ne peuvent pas être disponibles tout le temps, ce qui réduit les créneaux horaires pour apporter ses déchets». Les composteurs bénévoles peuvent aussi déménager, alors que des maîtres-composteur·es professionnel·les assureraient une plus grande pérennité de l’organisation.

D’autres collectivités misent sur la distribution de lombricomposteurs, ces petits caissons à mettre chez soi, dans lesquels des vers décomposent nos déchets. Cette mesure n’apparaît pas dans les propositions de la loi Agec. C’est «une solution pour les habitats individuels sans extérieur, sans composteurs partagés à proximité et lorsque la collectivité n’a pas déployé de solution de collecte des déchets alimentaires», précise à Vert Muriel Bruschet, référente nationale Biodéchets à l’Ademe.

C’est pourtant l’une des mesures proposées par l’agglomération Seine-Eure (Eure), note Zero waste. Selon Noémie Brouillard, chargée de projets de l’association environnementale : «faire reposer la responsabilité du tri sur le citoyen réduit le taux de participation et la quantité de biodéchets détournés des ordures ménagères».

L’Île-de-France en retard

L’Île-de-France est la région la plus en retard dans le déploiement d’équipements de tri des biodéchets, d’après Zero waste France. «Leur but d’ici 2026 est d’équiper 41,2% des Franciliens, un objectif qui est sous la moyenne nationale actuelle, d’autant plus que 32% des foyers n’ont pas de date à laquelle une solution de tri leur sera proposée», détaille à Vert Noémie Brouillard. Sans compter que «la prévention et la communication constituent seulement 1% du budget du service public de gestion des déchets, ça reste très faible», poursuit-elle.

À Clichy (Hauts-de-Seine), le groupe local de Zero waste France relève un manque d’informations des habitant·es à propos des nouveaux points de dépôts. Un défaut de sensibilisation que l’Ademe a relevé chez 38% des Français·es, qui ont déclaré ne pas être suffisamment informé·es sur le tri des biodéchets.

De son côté, Paris comptait en 2024 environ 1 000 sites de compostages collectifs et 600 bornes de tri des déchets alimentaires. Mais les arrondissements opèrent encore des ajustements quant aux stratégies choisies. Les 2ème et 12ème arrondissements mettent ainsi fin à l’expérimentation de la collecte porte-à-porte, qui n’a pas rencontré une forte adhésion des copropriétés.

Des villes modèles accélèrent le tri

«Pour réussir à instaurer le tri des biodéchets dans une commune, il n’y a pas de méthode miracle, le tout est de bien comprendre son territoire», avance Noémie Brouillard. C’est le cas du grand Chambéry (Savoie), qui a installé plus de 14 000 composteurs sur 38 communes depuis 2003. La collectivité a choisi des composteurs grutables (vidés par des camions dotés de grues) pour s’adapter au territoire montagneux et à la neige fréquente qui ne permet pas une collecte régulière (les bacs grutables peuvent être relevés une fois par mois).

En 2024, 1 118 tonnes de biodéchets ont ainsi été détournées de la poubelle des ordures ménagères. Dans la communauté d’agglomération de Colmar (Haut-Rhin), en zone urbaine dense, l’installation de nombreux points d’apports volontaires a permis de collecter environ 40 kg par habitant·e et par an.

Un maître-composteur retournant les biodéchets à Besançon (Doubs). © Sybert

«Toutes les solutions de tri des biodéchets sont complémentaires», insiste Muriel Bruschet de l’Ademe. Un centre bourg urbanisé sera plus adapté à une collecte porte-à-porte par exemple, ou à un point d’apport volontaire. Les quartiers résidentiels conviendront davantage à une distribution de composteurs partagés ou individuels avec quelques bornes collectives en complément.

Une méthode qui a fait ses preuves à Besançon, dans le Doubs (notre article). Fin 2022, plus de 300 immeubles possédaient des composteurs collectifs à leur pied. En onze ans, la ville a réussi à réduire de 39% ses déchets ménagers.

À Lyon (Rhône) aussi, ces dernières années, «le déploiement d’équipements a été très performant et très rapide avec des points d’apports volontaires très visibles», s’enthousiasme Noémie Brouillard. La métropole indique qu’1,1 million de Lyonnais·es étaient desservi·es par une borne à compost à proximité de leur domicile en décembre 2024.

«La clef du succès, selon la chargée de projet chez Zero waste France, est de faire comprendre l’intérêt de ce geste et de montrer qu’il n’est pas si compliqué quand le maillage des bornes est dense, comme à Lyon».


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