Reportage

Virginie et Isabelle, maîtres-composteures et fabricantes d’un terreau fertile à la vie citoyenne

Maîtres jet d’ail. Alors que le tri des biodéchets devient obligatoire partout en France, un métier a le vent en poupe : celui de maître-composteur. Virginie Drouet et Isabelle Gaton Moreteau, qui officient dans l’est parisien, racontent leur métier à Vert.
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Ça a été une révéla­tion !», se sou­vient Vir­ginie Drou­et en racon­tant sa pre­mière ren­con­tre avec le méti­er en 2018. Orig­i­naire de Poitiers, elle a d’abord con­nu une pre­mière car­rière dans le mar­ket­ing com­mer­cial et sci­en­tifique au sein d’une entre­prise d’élec­tron­ique. Forte de 25 ans d’ex­péri­ence à Paris, elle décide de se recon­ver­tir, et reprend ses études avec un mas­tère à AgroParis­Tech. C’est là qu’elle décou­vre le com­postage, lors d’un stage dans une ressourcerie.

Isabelle Gaton Moreteau a tracé un chemin tout aus­si sin­guli­er. Après un diplôme uni­ver­si­taire en math­é­ma­tiques appliquées aux sci­ences sociales, elle quitte rapi­de­ment ce par­cours ini­tial pour s’in­staller à la cam­pagne, afin de se con­sacr­er à sa famille et au jar­di­nage. «Comme tout le monde, j’ai pen­dant longtemps eu le pour­ris­soir au fond du jardin, rit-elle. Mais au fur et à mesure, j’ai appris à faire du com­post toute seule». De retour à Paris en 2013, elle fait, elle aus­si, sa ren­con­tre avec ce méti­er.

Isabelle Gaton Moreteau s’occupe d’équilibrer un com­post en y ajoutant de la matière sèche. © Alexan­dre Carré/Vert

Toutes deux ont décidé de chang­er de vie en pas­sant le diplôme pro­fes­sion­nal­isant pour devenir maîtres-com­pos­teures. Elles ont appris les rudi­ments du méti­er pen­dant une for­ma­tion de deux semaines com­prenant la rédac­tion d’un mémoire suivi d’un oral, pour devenir maître dans l’art de com­poster.

Un duo complémentaire

Depuis 2019, Vir­ginie Drou­et et Isabelle Gaton Moreteau opèrent en tan­dem, pour l’intercommunalité d’Est Ensem­ble, qui regroupe neuf com­munes de l’Est de Paris. Elles y cou­vrent un ter­ri­toire de 40 kilo­mètres car­rés et ont en charge plus de 900 référents bénév­oles — dont 600 per­son­nes for­mées par leurs soins — pour un total de 400 sites de com­post partagés.

Vir­ginie Drou­et et Isabelle Gaton Moreteau devant l’un des 400 sites de com­post d’Est Ensem­ble, au café asso­ci­atif Le Fait Tout à Mon­treuil. © Alexan­dre Carré/Vert

Leurs journées sont très diver­si­fiées et allient les trois piliers du méti­er : la tech­nique, le pilotage et l’an­i­ma­tion. Elles sont, en résumé, les cheffes du com­post de l’intercommunalité. Entre la ges­tion des for­ma­tions, les répons­es aux cour­riels, la coor­di­na­tion des sites de com­postage, la dis­tri­b­u­tion du matériel, et les ani­ma­tions pour sen­si­bilis­er le pub­lic, Vir­ginie Drou­et et Isabelle Gaton Moreteau jon­g­lent avec des respon­s­abil­ités var­iées. «Nous sommes très com­plé­men­taires», s’en­t­hou­si­asme Isabelle. «J’ai quand même gardé des habi­tudes de mon ancien méti­er, rétorque aus­sitôt Vir­ginie Drou­et. J’ai plus d’affinités avec les tâch­es admin­is­tra­tives qu’Isabelle, mais elle vient sou­vent me sor­tir de mon bureau pour aller sur le ter­rain», sourit-elle.

Quoi qu’il en soit, toutes deux s’accordent à dire que le con­tact humain, avec les habitant·es, les bénév­oles, les élu·es ain­si que les professeur·es et leurs élèves, est l’une des facettes les plus grat­i­fi­antes de leur méti­er. «On rend ser­vice aux habi­tants, on agit et c’est un acte con­cret pour l’environnement. Même si je gag­nais deux fois plus avant, je suis ravie d’avoir changé», s’amuse Vir­ginie.

Les maîtres-com­pos­teures veil­lent à ce que les com­posts soient entretenus régulière­ment et rigoureuse­ment. © Alexan­dre Carré/Vert

Le compostage comme levier de changement

Actri­ces du change­ment, Vir­ginie Drou­et et Isabelle Gaton Moreteau s’ef­for­cent de main­tenir l’ad­hé­sion des bénév­oles à cette pra­tique écologique en créant des liens de con­fi­ance. «On met en con­tact des per­son­nes qui tra­vail­lent pour le même étab­lisse­ment, mais qui ne se sont jamais par­lé, décrit la sec­onde. On a 400 sites de com­post, 400 façons de faire».

Vir­ginie Drou­et se charge du retourne­ment de la sur­face d’un com­post. © Alexan­dre Carré/Vert

Elles soulig­nent égale­ment la néces­sité d’at­tir­er de nou­veaux tal­ents dans le secteur. «Aujour­d’hui, il y a une pénurie de maîtres-com­pos­teurs, déplore Vir­ginie Drou­et. C’est un méti­er d’avenir, car les col­lec­tiv­ités s’aperçoivent que la col­lecte coûte trop cher par rap­port au com­postage partagé. Elles ne sont juste pas à l’aise avec le bénévolat, parce qu’elles ont peur que ce soit mal géré ou que ce soit aban­don­né » Pour­tant, selon le duo, la diver­sité des pro­fils et la richesse des com­pé­tences apportées par les habitant·es, font des sites de com­postages de vraies pépinières à change­ment vers une tran­si­tion écologique et citoyenne.

À tra­vers leurs par­cours et leur engage­ment dans le com­postage, toutes deux démon­trent que le com­postage va bien au-delà d’une sim­ple pra­tique écologique : c’est une con­tri­bu­tion sig­ni­fica­tive à la préser­va­tion du lien social.