Décryptage

Compostage obligatoire : la bonne élève Besançon peut-elle servir d’exemple aux autres métropoles ?

C’est dans la boîte. Très peu de collectivités proposent une solution de tri des déchets alimentaires à leur population alors qu’elles y sont obligées depuis le 1er janvier. La capitale franc-comtoise, souvent citée comme précurseure dans le domaine, peut-elle servir de modèle, et quelle est sa recette ?
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Pourquoi Besançon est-elle toujours présentée comme la championne du compostage ?

La métro­pole a effec­tive­ment mis en place dès 2012 une rede­vance inci­ta­tive : plus les poubelles de déchets ménagers des habitant·es sont lour­des, gross­es et nom­breuses, plus la fac­ture est salée. De nom­breux com­pos­teurs ont égale­ment été déployés dans l’agglomération. Résul­tat de ces efforts con­joints du com­postage et de la rede­vance : en onze ans, Besançon affiche une réduc­tion de 39% de ses déchets ménagers.

Ces ini­tia­tives trou­vent leur orig­ine dans une déci­sion prise en 2008. Alors qu’un des fours de l’unité de val­ori­sa­tion énergé­tique de Besançon arrive en fin de vie, la métro­pole décide de ne pas le rem­plac­er et de miser sur une réduc­tion impor­tante des déchets ménagers. «Le rem­place­ment du four était estimé entre 70 et 80 mil­lions d’euros», racon­te à Vert Daniel Huot, vice-prési­dent chargé de la ges­tion des déchets à Grand Besançon Métro­pole (GBM).

La pop­u­la­tion a été récep­tive à cette déci­sion, car «c’était une péri­ode où l’on ciblait beau­coup les prob­lèmes envi­ron­nemen­taux liés aux inc­inéra­teurs et le Grenelle de l’Environnement [con­sul­ta­tion nationale de 2007 visant à refonder la poli­tique de l’é­colo­gie, ndlr] était au cœur des débats», analyse Yves Jean­nerod, mem­bre de la direc­tion Ges­tion des déchets de GBM.

Les bonnes pratiques mises en place à Besançon

La métro­pole, en parte­nar­i­at avec le Sybert (Syn­di­cat mixte de Besançon et de sa région pour le traite­ment des déchets), a fait du com­post le cœur de sa stratégie du traite­ment des biodéchets, avec des solu­tions adap­tées à chaque type de loge­ment.

Les habi­ta­tions indi­vidu­elles avec jardin sont équipées de com­pos­teurs indi­vidu­els. Fin 2023, près de 80 % des rési­dences étaient équipées, selon Clau­dine Caulet, vice-prési­dente en charge de la val­ori­sa­tion organique au Sybert. Une solu­tion qui, cou­plée au tri du bac jaune, per­met aujourd’hui à la col­lec­tiv­ité de pass­er dans les zones rurales à un ramas­sage des déchets ménagers toutes les deux semaines au lieu d’un pas­sage heb­do­madaire.

Un maitre-com­pos­teur retour­nant les biodéchets. © Sybert

Les immeubles peu­vent être équipés, sur demande, d’un com­pos­teur col­lec­tif, suivi par des habitant·es bénév­oles. «Le pro­jet doit être validé en réu­nion de copro­priété, pré­cise Clau­dine Caulet. Le Sybert a ensuite pour rôle d’accompagner la copro­priété pen­dant deux ans afin de trou­ver le lieu adéquat, fournir et installer le matériel, for­mer les bénév­oles et informer les habi­tants». Pour Cécile Bus­sière, chargée de plaidoy­er du Réseau Com­post Citoyen, «avoir des habi­tants référents per­met de faire le lien entre les copro­priétés et la col­lec­tiv­ité et un lien social entre voisins».

En com­plé­ment de ces deux solu­tions, des com­pos­teurs de quarti­er ou de bourg ont été instal­lés, et sont gérés par les maîtres-composteur·es du Sybert.

Il ne reste qu’à atteindre tout le monde

Aujourd’hui, bien que plusieurs solu­tions soient pro­posées à la pop­u­la­tion, Daniel Huot recon­naît qu’il y a «sûre­ment encore des trous dans la raque­tte». Autrement dit, qu’une petite par­tie de la pop­u­la­tion n’a encore accès à aucune solu­tion.

Par ailleurs, cer­taines familles con­tin­u­ent délibéré­ment de ne pas tri­er leurs biodéchets, que ce soit dans les immeubles du cen­tre-ville ou les vil­lages ruraux du Grand Besançon. Clau­dine Caulet recon­naît : «Nous devons essay­er d’aller chercher les quelques restants qui ne veu­lent pas de com­pos­teurs indi­vidu­els. Et aus­si installer des bacs dans les bourgs et les quartiers. Finale­ment, réus­sir à motiv­er plus d’usagers et à implanter davan­tage de sites».

Un rési­dent vidant son bioseau dans l’un des bacs à com­post de la ville. © Jean-Charles Sexe / Ville de Besançon

20% des foy­ers qui vivent dans des habi­ta­tions indi­vidu­elles avec jardin n’ont pas encore acheté de com­pos­teurs. En 2021, 288 sites de com­postage col­lec­tif sont en fonc­tion­nement aux pieds d’immeubles, avec un taux de par­tic­i­pa­tion de 43 % dans les immeubles desservis. Fin 2022, près de 300 immeubles ont été équipés. Selon Yves Jean­nerod, du côté du cen­tre-ville, le pour­cent­age d’inscription au ser­vice à vélo ou en com­pos­teurs de quarti­er est de 18,5%. «Nous avions essayé à la moitié de l’expérimentation de relancer les adhé­sions. Cela a eu très peu d’effets», con­state-t-il.

Peut-on suivre l’exemple de Besançon ailleurs en France ?

Alors que de nom­breuses col­lec­tiv­ités ne respectent pas encore la loi Agec, qui les oblige à fournir des solu­tions de tri des biodéchets à leurs pop­u­la­tions depuis ce 1er jan­vi­er (notre arti­cle), Besançon a béné­fi­cié d’une décen­nie de réflex­ion, d’expérimentations et de déci­sions en matière de ges­tion des déchets.

Pour Cécile Bus­sière, la mise en place de solu­tions var­iées, adap­tées aux dif­férents habi­tats de l’agglomération, con­stitue l’un des points forts de la méth­ode Besançon. «Elle est tout à fait réplic­a­ble à d’autres villes au pro­fil sim­i­laire», c’est-à-dire de taille moyenne, dotées d’un cen­tre-ville dense, entourées prin­ci­pale­ment de zone péri-urbaines et de vil­lages. Cette con­fig­u­ra­tion per­met de déploy­er de manière majori­taire la solu­tion des com­pos­teurs indi­vidu­els, la plus facile à met­tre à en place et de pro­pos­er des options adap­tées au reste de la pop­u­la­tion.

Alors que l’obligation est entrée en vigueur le 1er jan­vi­er dernier, Clau­dine Caulet rap­pelle : «Il ne faut jamais oubli­er que les biodéchets, c’est une matière pre­mière, pas un déchet !»