« Pas de ski sans neige », ont écrit des activistes à la bombe sur un canon à neige de la station des Gets (Haute-Savoie), dans la nuit du 24 au 25 décembre 2022. Le weekend dernier, une dizaine d’enneigeuses ont été dégradées dans le village de La Clusaz (Haute-Savoie). Les auteur·ices souhaitaient « interpeller sur l’état de certaines stations, telle que La Clusaz, ne vivant que grâce à la neige artificielle », selon Reporterre. En temps de crise climatique, certaines pratiques du monde des sports d’hivers ne passent plus.
Avec le bouleversement du climat, la température moyenne à la surface du globe augmente, faisant remonter la limite pluie-neige – l’altitude à partir de laquelle la pluie se transforme en neige. Cette dernière se raréfie et menace le modèle de développement des territoires de montagne qui dépendent fortement du tourisme. Pour sauver le ski alpin, dont elles tirent l’essentiel de leurs revenus, les stations se dotent de canons à neige et recouvrent les pistes de poudre artificielle. Ceux-ci nécessitent 3 000 mètres cubes d’eau pour un hectare de piste, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), et parfois la construction de retenues collinaires. Les oppositions montent à l’encontre de ces bassins qui privent la biodiversité d’eau, comme on l’a récemment vu, encore une fois, à la Clusaz.
À lire aussi
Le bouleversement climatique entraîne aussi le dégel du pergélisol, qui provoque des glissements de terrain et peut affecter remontées mécaniques et refuges, sans compter les conséquences d’ampleur sur la biodiversité qui doit migrer vers les sommets pour trouver de la fraîcheur.
Le ski, une activité vraiment polluante ?
« Au départ, le ski est une activité de déplacement en milieu enneigé qui vient des pays scandinaves, explique à Vert Loic Giaccone, chercheur associé au laboratoire de Georgetown (États-Unis) sur le changement climatique et les inégalités économiques, et spécialiste du sujet. C’est une pratique écologique si elle se combine avec des modes de vie durables. Cependant, avec des remontées qui perturbent la faune et la flore, qui demandent de niveler du terrain, l’anthropisation des stations avec la construction de logements, les usages en ressources, en énergie, les déchets, etc., l’industrie du ski a un fort impact sur la montagne ».
« Le ski, tel qu’il est pensé actuellement, ne peut pas être écologique », corrobore Valérie Daumier de l’association Résilience montagne. Elle propose de travailler sur quatre leviers pour rendre les stations durables : favoriser le train et le bus pour les voyageur·ses, décarboner le chauffage des habitations, diminuer le damage et geler les constructions. Certaines stations font déjà des efforts et douze d’entre elles ont été récompensées par le label « Flocon vert » de l’association Mountain riders. Parmi ses 20 critères, les municipalités doivent placer « les valeurs de durabilité et de résilience au cœur de leurs décisions politiques, de façon transversale et quotidienne ».
Quand certaines stations s’entêtent et prévoient de construire de nouvelles remontées encore plus hautes, ou font venir de la neige par camions ou par hélicoptères, d’autres diversifient déjà leurs activités pour faire venir les touristes toute l’année, voire envisagent l’arrêt du ski alpin. C’est le cas de Métabief (Doubs), situé entre 900 et 1 430 mètres d’altitude, qui a choisi de ne pas relancer la construction de remontées mécaniques pour des raisons économiques et verra la fin du ski en 2030-2035.
Qui va au ski ?
Pour Loic Giaccone, « le problème, ce n’est pas le ski, c’est le mode de vie des gens qui skient ». Moins de 8% des Français·es partent en vacances à la montagne chaque année, selon une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (2010) citée par Le Monde – malheureusement introuvable. « Elle montre, écrit le quotidien, que les sports d’hiver sont très marqués socialement et ne concernent que certains groupes : les cadres (40% partent en hiver, dont 18% au ski), les diplômés du supérieur (14% partent à la montagne), les plus riches (13%) et les habitants des grandes villes (9 % contre moins de 7 % dans les petites villes) ». Par ailleurs, un quart des skieurs vient de l’étranger.
Or, ce sont les personnes les plus aisées qui ont aussi l’empreinte carbone la plus grande. En France, les 10% les plus riches émettent en moyenne 25 tonnes de CO2 équivalent par an contre 5 tonnes pour la moitié la plus modeste. Le ski, de manière générale, est donc un indicateur d’un mode de vie peu écologique.
Vers un tourisme durable ?
Il existe toutefois des moyens de se faire plaisir sur les pistes sans casser la planète. Dans un guide publié ce mardi, l’Ademe propose des solutions pour limiter son impact à la montagne. 57% des émissions de gaz à effet de serre d’un séjour au ski proviennent des transports contre 2% seulement pour le ski lui-même, ses canons à neiges et remontées mécaniques. Troquer la voiture, et a fortiori l’avion, contre des modes de transports doux comme le train, et voyager moins loin, ainsi que choisir une station « verte », louer plutôt qu’acheter du matériel, peut ainsi améliorer l’empreinte environnementale de son séjour. « Appréhender le ski de manière écologique, conclut Loïc Giaccone, ce serait sortir de la dimension touristique, repenser des modes de vie locaux et faire vivre l’artisanat, la sylviculture, des activités ancestrales en montagne ». Un bouleversement en forme d’avalanche.
Illustration : Pénélope Dickinson
À lire aussi
-
Le « Skischam », ce mal venu d’Autriche qui s’empare des amateurs de ski
Le Skischam – littéralement la honte du ski – désigne le malaise croissant des amateurs de glisse vis-à-vis du bilan écologique de leur séjour à la montagne. -
2022 bonnes nouvelles (ou presque) pour l’écologie en 2022
2022 a connu son lot de nouvelles peu encourageantes, voire franchement inquiétantes, mais il y eut tout de même quelques raisons de se réjouir. Voici plus de 80 bonnes nouvelles pour se quitter en bons termes avec cette année qui s'achève.
Cet article est issu de notre rubrique Le vert du faux. Idées reçues, questions d’actualité, ordres de grandeur, vérification de chiffres : chaque jeudi, nous répondrons à une question choisie par les lecteur·rices de Vert. Si vous souhaitez voter pour la question de la semaine ou suggérer vos propres idées, vous pouvez vous abonner à la newsletter juste ici.