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Le Sénat vote le projet de loi sur l’accélération du nucléaire et zappe le débat public

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Déso pas débat. Sans sur­prise, le pro­jet de loi d’accélération du nucléaire a été large­ment adop­té par le Sénat ce mar­di. Avant même la fin du débat pub­lic, dans un mois, sur une pos­si­ble relance d’un pro­gramme nucléaire, provo­quant l’ire des asso­ci­a­tions.

Le texte soumis par le gou­verne­ment vise à sim­pli­fi­er la con­struc­tion de réac­teurs nucléaires à prox­im­ité de sites nucléaires exis­tants (Pub­lic Sénat). Procé­dures admin­is­tra­tives allégées, autori­sa­tions délivrées par décrets… l’objectif est de gag­n­er du temps pour bâtir rapi­de­ment de nou­velles tranch­es. Un autre volet de ce texte très tech­nique con­cerne le dur­cisse­ment des sanc­tions rel­a­tives aux intru­sions dans les cen­trales. Les sénateur·ices ont ajouté au texte un amende­ment afin de sup­primer l’objectif, actuelle­ment con­tenu dans la loi, de réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix élec­trique d’ici à 2035. Une sup­pres­sion qui revient « à con­sid­ér­er comme sans intérêt pour définir la stratégie énergé­tique les inter­ro­ga­tions, les remar­ques et les propo­si­tions faites lors du débat pub­lic en cours », déplo­rait la Com­mis­sion nationale du débat pub­lic (CNDP) avant le vote. Le pro­jet de loi amendé veut désor­mais « main­tenir la part du nucléaire dans la pro­duc­tion d’électricité à plus de 50 % à l’horizon 2050 », trans­for­mant l’ancien pla­fond en planch­er.

Le pro­jet de loi devrait être exam­iné par l’Assemblée nationale en mars, après la réforme des retraites. Pour ses détracteurs, il marche sur les plate­ban­des de la révi­sion de la loi de pro­gram­ma­tion sur l’énergie — la stratégie énergé­tique de l’État. Ce plan quin­quen­nal, qui déter­mine notam­ment la part de chaque type d’énergie dans le mix nation­al, ne devrait pas être débat­tu au Par­lement avant plusieurs mois.

Si la min­istre de la tran­si­tion énergé­tique, Agnès Pan­nier-Runach­er, a appelé à « respecter le débat pub­lic » et voit dans l’adoption de mar­di « le fruit de mois de dia­logue pour lut­ter con­tre le dérè­gle­ment cli­ma­tique, con­stru­ire notre indépen­dance énergé­tique et pro­téger le pou­voir d’achat », les asso­ci­a­tions opposées au nucléaire voient rouge.

Furax, les asso­ci­a­tions Green­peace et Sor­tir du nucléaire dénon­cent un « pas­sage en force ». Elles ont annon­cé qu’elles ces­saient de par­ticiper aux dis­cus­sions menées en ligne et dans des réu­nions publiques depuis le 27 octo­bre sous la houlette de la CNDP.

Le vote des séna­teurs est « une mas­ca­rade démoc­ra­tique et un sab­o­tage en règle du débat pub­lic », lequel est une oblig­a­tion légale, esti­ment Green­peace et Sor­tir du nucléaire. « En sou­tenant une hausse de l’atome dans le mix élec­trique avant même la fin du débat pour sat­is­faire la droite et les lob­bies du nucléaire, le gou­verne­ment pié­tine le proces­sus démoc­ra­tique, com­mente Pauline Boy­er, chargée de cam­pagne nucléaire à Green­peace France. L’urgence cli­ma­tique nous impose de déploy­er des solu­tions rapi­de­ment et finan­cière­ment acces­si­bles, à l’inverse de cen­trales nucléaires aux investisse­ments financiers lourds, aux délais de con­struc­tions qui se chiffrent en dizaine d’années, et aux risques imprévis­i­bles sur la ges­tion de ses déchets pour les généra­tions futures ». « On est devant un choix de société très engageant, et tout se fait en cati­mi­ni. C’est hon­teux », regrette aus­si Daniel Salmon, séna­teur écol­o­giste inter­rogé par Reporterre. Une com­mis­sion du CNDP ren­dra un compte-ren­du dans les deux mois après la fin du débat pub­lic.

Illus­tra­tion : Péné­lope Dick­in­son