Parler de Plus belle la vie (PBLV) comme d’une série éminemment politique déclenche toujours un petit sourire en coin. Pourtant, cette série a réuni des téléspectateur·ices par millions pendant plus de 18 ans. Elle a changé d’heure, de chaîne, de quartier et de nom [Plus belle la vie, encore plus belle, NLDR], et a réussi à rassembler plus de trois millions de téléspectateur·ices pour son nouveau lancement cette semaine. Les études portant sur ce phénomène de société montrent qu’elle convie un public très hétérogène.
Nombreux·ses sont les fans de Plus belle la vie à savourer le retour de ce «plaisir coupable». Mais pourquoi Vert, ses lecteur·rices et, plus généralement, les écologistes, devraient-elles et ils se réjouir aussi ?
Depuis que les sujets environnementaux s’imposent dans le débat public, ils sont aussi présents dans la série. Comme en témoigne le personnage de Lola, lycéenne qui revendique son végétarisme et monte s’installer dans un arbre bien avant que le grand public ne connaisse Thomas Brail.
Loin de se résumer au sujet de l’engagement d’un seul personnage, le greenwashing est devenu un thème récurrent avec l’apparition de la société GTS (« green tech solution ») dans laquelle travaillent plusieurs des personnages principaux et dont l’objectif vertueux affiché est régulièrement confronté aux incohérences de ses projets. Et, par là, pose le sujet du technosolutionnisme. La série va encore plus loin lorsqu’elle invite dans un épisode une «vraie» activiste pour le climat, qui n’est autre que Camille Etienne, à l’occasion de la Journée de la Terre, en partenariat avec On est prêt, présentant ainsi la militante star des réseaux sociaux à un public différent.
Une série éminemment politique
Au-delà des sujets purement écolos, il faut rappeler le rôle proprement politique de Plus belle la vie. En s’intégrant dans le quotidien de millions de Français·es et en mêlant à ses scénarios tous les débats qui traversent la société, la série a contribué à engager des conversations au sein des foyers. L’exemple le plus cité à ce propos est la présence de personnages homosexuels, notamment celui de Thomas Marci, dont on suit les relations, puis la paternité et l’éducation de ses enfants.

En 18 ans, la série a aussi parlé de séropositivité, de racisme dans la police, de violences intra-familiales… En évoquant ces sujets à travers des personnages dans lesquels les téléspectateurs se reconnaissent, auxquels elles et ils s’attachent, dont les enquêtes soulignent que les fans apprécient l’aspect «normal», «comme tout le monde», la série permet des débats apaisés, une approche nuancée et «tranquille» de ces questions.
Aurait-on pu discuter de transidentité aussi facilement en plein dîner sans le personnage d’Antoine, dont nous avons accompagné la transition pendant plus d’un an à l’écran ? La série rend abordables, mais aussi familiers, des sujets complexes ou parfois éloignés de nos vies quotidiennes. Elle crée des références communes et des points de rencontre grâce à des personnages marqués par la diversité de leurs histoires et positions sociales d’une part, et d’autre part la grande hétérogénéité de ses téléspectateur·ices.
La force de PBLV, c’est justement d’«inscrire la diversité dans le quotidien sans la rendre exotique», pour reprendre les mots de Muriel Mille, auteure d’une thèse sur la série. Dès sa création, l’ambition de contribuer à une société plus tolérante est évidente, et la série bénéficie à ce moment du financement d’un fonds d’aide pour l’intégration et la lutte contre la discrimination.
Une «série doudou» qui compte pour la lutte écologiste
Le rapport avec l’écologie ? Pour faire advenir une société écologiste, nous avons besoin de «faire société». PBLV, en jouant le rôle de support de débat ou de médiateur (les témoignages de personnes ayant «fait leur coming out grâce à plus belle la vie» bien avant l’adoption du mariage pour tous, sont un bon exemple), contribue, à son niveau, à faire une société plus tolérante et plus inclusive. Caractéristiques indispensables à la société écologiste que nous voulons créer.
Espérons que TF1, à qui nous devons la reprise de la série, se fixe les mêmes ambitions que France 3. À l’heure où nous apprenons que l’année 2023 pulvérise les records de chaleur, la reprise de Plus belle la vie ne suffira évidemment pas. Seule la lutte des militant·es écolos peut permettre d’espérer. Or, parmi ces militant·es, nous sommes nombreux·ses à recharger nos batteries devant notre «série doudou». Toutes celles et tous ceux qui luttent savent à quel point ça compte.