Tribune

«Le retour de Plus belle la vie, une bonne nouvelle pour l’écologie»

Plus verte la vie. Conseillère municipale écologiste de Boulogne-Billancourt, membre du collectif Ibiza et inconditionnelle de Plus belle la vie, Pauline Rapilly-Ferniot savoure le retour à l’antenne de TF1 de la série culte et de son écologie pour tous publics.
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Par­ler de Plus belle la vie (PBLV) comme d’une série éminem­ment poli­tique déclenche tou­jours un petit sourire en coin. Pour­tant, cette série a réu­ni des téléspectateur·ices par mil­lions pen­dant plus de 18 ans. Elle a changé d’heure, de chaîne, de quarti­er et de nom [Plus belle la vie, encore plus belle, NLDR], et a réus­si à rassem­bler plus de trois mil­lions de téléspectateur·ices pour son nou­veau lance­ment cette semaine. Les études por­tant sur ce phénomène de société mon­trent qu’elle con­vie un pub­lic très hétérogène.

Nombreux·ses sont les fans de Plus belle la vie à savour­er le retour de ce «plaisir coupable». Mais pourquoi Vert, ses lecteur·rices et, plus générale­ment, les écol­o­gistes, devraient-elles et ils se réjouir aus­si ?

Depuis que les sujets envi­ron­nemen­taux s’imposent dans le débat pub­lic, ils sont aus­si présents dans la série. Comme en témoigne le per­son­nage de Lola, lycéenne qui revendique son végé­tarisme et monte s’installer dans un arbre bien avant que le grand pub­lic ne con­naisse Thomas Brail.

Loin de se résumer au sujet de l’engagement d’un seul per­son­nage, le green­wash­ing est devenu un thème récur­rent avec l’apparition de la société GTS (« green tech solu­tion ») dans laque­lle tra­vail­lent plusieurs des per­son­nages prin­ci­paux et dont l’objectif vertueux affiché est régulière­ment con­fron­té aux inco­hérences de ses pro­jets. Et, par là, pose le sujet du tech­noso­lu­tion­nisme. La série va encore plus loin lorsqu’elle invite dans un épisode une «vraie» activiste pour le cli­mat, qui n’est autre que Camille Eti­enne, à l’occasion de la Journée de la Terre, en parte­nar­i­at avec On est prêt, présen­tant ain­si la mil­i­tante star des réseaux soci­aux à un pub­lic dif­férent.

Une série éminemment politique

Au-delà des sujets pure­ment éco­los, il faut rap­pel­er le rôle pro­pre­ment poli­tique de Plus belle la vie. En s’intégrant dans le quo­ti­di­en de mil­lions de Français·es et en mêlant à ses scé­nar­ios tous les débats qui tra­versent la société, la série a con­tribué à engager des con­ver­sa­tions au sein des foy­ers. L’exemple le plus cité à ce pro­pos est la présence de per­son­nages homo­sex­uels, notam­ment celui de Thomas Mar­ci, dont on suit les rela­tions, puis la pater­nité et l’éducation de ses enfants.

L’affiche de cam­pagne de Pauline Rapil­ly-Fer­niot lors des lég­isla­tives 2022.

En 18 ans, la série a aus­si par­lé de séropos­i­tiv­ité, de racisme dans la police, de vio­lences intra-famil­iales… En évo­quant ces sujets à tra­vers des per­son­nages dans lesquels les téléspec­ta­teurs se recon­nais­sent, aux­quels elles et ils s’attachent, dont les enquêtes soulig­nent que les fans appré­cient l’aspect «nor­mal», «comme tout le monde», la série per­met des débats apaisés, une approche nuancée et «tran­quille» de ces ques­tions.

Aurait-on pu dis­cuter de tran­si­d­en­tité aus­si facile­ment en plein dîn­er sans le per­son­nage d’Antoine, dont nous avons accom­pa­g­né la tran­si­tion pen­dant plus d’un an à l’écran ? La série rend abor­d­ables, mais aus­si fam­i­liers, des sujets com­plex­es ou par­fois éloignés de nos vies quo­ti­di­ennes. Elle crée des références com­munes et des points de ren­con­tre grâce à des per­son­nages mar­qués par la diver­sité de leurs his­toires et posi­tions sociales d’une part, et d’autre part la grande hétérogénéité de ses téléspectateur·ices.

La force de PBLV, c’est juste­ment d’«inscrire la diver­sité dans le quo­ti­di­en sans la ren­dre exo­tique», pour repren­dre les mots de Muriel Mille, auteure d’une thèse sur la série. Dès sa créa­tion, l’ambition de con­tribuer à une société plus tolérante est évi­dente, et la série béné­fi­cie à ce moment du finance­ment d’un fonds d’aide pour l’intégration et la lutte con­tre la dis­crim­i­na­tion.

Une «série doudou» qui compte pour la lutte écologiste

Le rap­port avec l’écologie ? Pour faire advenir une société écol­o­giste, nous avons besoin de «faire société». PBLV, en jouant le rôle de sup­port de débat ou de médi­a­teur (les témoignages de per­son­nes ayant «fait leur com­ing out grâce à plus belle la vie» bien avant l’adoption du mariage pour tous, sont un bon exem­ple), con­tribue, à son niveau, à faire une société plus tolérante et plus inclu­sive. Car­ac­téris­tiques indis­pens­ables à la société écol­o­giste que nous voulons créer.

Espérons que TF1, à qui nous devons la reprise de la série, se fixe les mêmes ambi­tions que France 3. À l’heure où nous apprenons que l’année 2023 pul­vérise les records de chaleur, la reprise de Plus belle la vie ne suf­fi­ra évidem­ment pas. Seule la lutte des militant·es éco­los peut per­me­t­tre d’espérer. Or, par­mi ces militant·es, nous sommes nombreux·ses à recharg­er nos bat­ter­ies devant notre «série doudou». Toutes celles et tous ceux qui lut­tent savent à quel point ça compte.