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Le réacteur EPR de Flamanville démarre enfin, mais les ennuis ne sont pas terminés

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Vis­er l’allume. Le dernier né des réac­teurs nucléaires français a (enfin) pro­duit ses pre­miers neu­trons mar­di, mais le rythme de croisière est encore loin d’être atteint. En pleine relance de l’atome, ce chantier, qui con­tin­ue d’être mar­qué par une inter­minable série de déboires tech­niques et financiers, est un sym­bole embar­ras­sant.

[Mis à jour le 3 sep­tem­bre 2024] «Immi­nente» depuis près de qua­tre mois, la pre­mière réac­tion nucléaire en chaîne – appelée diver­gence – a eu lieu ce mar­di au sein du réac­teur à eau pres­surisée (EPR) de Fla­manville, dans la Manche. Une pre­mière en France depuis près de 25 ans et le démar­rage de la cen­trale nucléaire de Civaux 2, dans la Vienne, en 1999 !

À terme, le dernier né des réac­teurs français – qui est aus­si le plus puis­sant (1 650 mégawatts) – devrait pro­duire suff­isam­ment d’électricité pour ali­menter trois mil­lions de foy­ers à lui seul. Mais pour l’heure, il s’ag­it unique­ment d’«établir une réac­tion nucléaire sta­ble à très faible puis­sance» (0,2% de sa puis­sance nom­i­nale), a expliqué EDF lun­di. La mon­tée en charge «par paliers suc­ces­sifs» dur­era encore «plusieurs mois».

Le réac­teur ne pro­duira de l’élec­tric­ité que lorsqu’il aura atteint 25 % de sa puis­sance nom­i­nale et pour­ra alors être con­nec­té au réseau. Cette opéra­tion, ini­tiale­ment prévue cet été, est désor­mais espérée pour «la fin de l’automne» selon EDF, qui n’a pas don­né d’explication sur ce nou­veau délai.

À l’intérieur du réac­teur de Fla­manville (Manche), en avril 2024. © Lou Benoist/AFP

Et ce chantier mau­dit, qui accuse douze ans de retard et une fac­ture passée de 3,3 à 13,2 mil­liards d’euros (et même 19 mil­liards, selon la Cour des comptes, qui ajoute les frais financiers) n’en est pas à son dernier con­tretemps. En rai­son d’une anom­alie de fab­ri­ca­tion, le cou­ver­cle de l’EPR devra être changé après un seul cycle de fonc­tion­nement, soit 15 à 18 mois env­i­ron. En mai 2023, l’Au­torité de sûreté nucléaire (ASN) avait autorisé EDF à utilis­er tem­po­raire­ment ce cou­ver­cle défectueux, car son rem­place­ment «avant la mise en ser­vice du réac­teur con­duirait à reporter celle-ci d’en­v­i­ron un an».

Alors que le pro­jet, voulu par Emmanuel Macron, de con­stru­ire de six à douze réac­teurs sup­plé­men­taire d’ici à 2050 se con­firme, la fil­ière va devoir revenir de loin. De nombreux·es expert·es ont mis en avant une «perte de com­pé­tences général­isée» (rap­port Folz) con­juguée à une «faib­lesse du tis­su indus­triel» (Autorité de sûreté nucléaire) et à une «perte glob­ale de la cul­ture sûreté et qual­ité» (Cour des comptes).

Mal­gré cela, le cal­en­dri­er envis­agé reste for­mi­da­ble­ment opti­miste : lors des ren­con­tres du Medef, fin août, le patron d’EDF, Luc Rémont, a con­fir­mé son objec­tif d’atteindre un délai de con­struc­tion de moins de six ans pour ses prochains réac­teurs EPR2. Il prévoit ain­si de couler le pre­mier béton à Pen­ly (Seine-Mar­itime) en 2028. Après quoi six réac­teurs entr­eraient en ser­vice tous les 18 mois à compter de 2035. La con­struc­tion de huit réac­teurs sup­plé­men­taires, si elle a lieu, devra répon­dre à un cal­en­dri­er encore plus ten­du pour respecter l’objectif d’une entrée en ser­vice à 2050.