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Le mois d’octobre 2022 fut le plus chaud jamais enregistré en France… et risque de devenir la norme

Octobre rouge. Le mois d’octobre qui s'achève - le plus torride depuis les premiers relevés, en 1900, - a été supérieur de 3,5°C à la moyenne. Un nouveau record qui fait suite à une vague de chaleur inédite dans son intensité, sa longueur et ses conséquences en cascade, amenée à devenir de plus en plus fréquente à cause du réchauffement climatique.
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Jamais un mois d’octobre n’aura connu un épisode de chaleur tardif aussi long et intense. 32,5 °C à Figari, en Corse le 23 octobre, 30 °C à Bordeaux le 16, 25,9 °C à Nantes le 19… La France a connu des températures moyennes de 3 à 4 °C au-dessus de la normale (calculée par rapport à la moyenne de la période 1991-2020) tous les jours depuis le 2 octobre.

Le lac artificiel d’Ospédale, en Corse-du-Sud, est à sec en octobre 2022 en raison de la sécheresse. © Bertrand BODIN / Only France via AFP

Le jeudi 27 octobre a battu tous les records avec une anomalie thermique de +6.5 °C à l’échelle du pays. La chaleur a également été significative la nuit, avec des nuits dites « tropicales » – lorsque le minimum de température dépasse les 20 °C – observées fin octobre sur le sud du pays. Dans le Doubs, un des villages les plus froids de France n’a connu aucune gelée durant le mois, une première depuis 1880. Octobre 2022 a battu le précédent record – c’était en octobre 2001 – avec une marge effarante : près d’un degré (+0,9°C).

© Météo-France

Hélas, la vague de chaleur qui assoiffe la France risque de devenir la norme au milieu du siècle. « Il faut imaginer un dé où il y avait une chance sur 50 pour tomber sur une vague de chaleur en 2019 et où il y en aura plus qu’une sur quatre si l’on dépasse les 2 °C de réchauffement en 2050-2060 », explique à Vert Christophe Cassou, climatologue rattaché au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Pour l’heure, la température moyenne mondiale s’est déjà réchauffée de 1,2°C par rapport à l’ère préindustrielle (milieu du 19ème siècle) et le monde se situe sur une trajectoire d’environ 3°C de réchauffement d’ici à la fin du siècle.

Si une vague de chaleur n’est pas exceptionnelle en soi, c’est leur fréquence, leur intensité et leur persistance qui augmentent dangereusement en raison de l’activité humaine. « Le réchauffement climatique agit comme un tricheur sur le dé », poursuit Christophe Cassou. En effet, de manière symétrique, l’air chaud en provenance du Maghreb est transporté vers le haut, et l’air froid en provenance du pôle est transporté vers le bas. « S’il n’y avait pas de réchauffement climatique, il y aurait autant de chance d’avoir une vague de chaud qu’une vague de froid sur l’ensemble de la planète, or, on observe aujourd’hui beaucoup plus de vagues de chaleur », ajoute le climatologue.

L’anomalie de températures la plus forte de l’année

Si d’aucuns ont vu dans cette vague de chaleur tardive un prolongement plaisant de l’été, celle-ci aura des répercussions graves dans le temps. « L’anomalie mensuelle d’octobre est plus forte que les mois d’été, même s’il y a moins de conséquences sanitaires directes, comme les incendies ou canicules », note Gaétan Heymes, ingénieur prévisionniste à Météo-France, dont l’institution fait état d’un assèchement des sols renforcé depuis début octobre sur la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie et une sècheresse jamais vue à cette période depuis 1958 en Occitanie. C’est pourtant à cette partie de l’année que les nappes phréatiques commencent à se remplir pour le printemps et l’été à venir. Autrement dit, la chaleur d’aujourd’hui prépare la sécheresse de demain.

© Alban Leduc / Vert

Sécheresse, végétaux désorientés, moustiques…des répercussions en cascade

Cette chaleur inédite trompe aussi les espèces vivantes. Certains arbustes et arbres, qui ont fleuri tôt ce printemps, ont commencé à refleurir ces derniers jours, entraînant un regain d’allergies aux graminées et continuant de s’abreuver de l’eau qui devrait normalement recharger les nappes phréatiques à cette période. Les moustiques – dont les « tigres » -, survivent plus longtemps et étendent leur territoire, faisant exploser les cas de dengue recensés en métropole.

© Météo-France

Enfin, la chaleur entraîne également une accélération du réchauffement climatique au travers de nombreux cercles vicieux – que l’on appelle « boucles de rétroactions positives ». Avec la vague de chaleur, les arbres gardent leurs feuilles plus longtemps, entraînant une évapotranspiration des végétaux plus importante. En même temps, l’air – plus chaud – se charge davantage en vapeur d’eau et accentue l’effet de serre.

Alors que la vague de chaleur se termine ces jours-ci, tous les regards se portent désormais vers l’hiver. « Si l’hiver est sec, avec un printemps précoce et chaud comme l’année dernière, là on risque d’avoir des problèmes bien plus graves », avertit Gaétan Heymes, alors que 2022 sera sûrement l’année la plus chaude jamais enregistrée en France. « Si les réserves d’eau ne se refont pas, on va arriver à des niveaux de rivières très bas avec des problèmes dans l’agriculture et au niveau de l’énergie », anticipe de son côté Christophe Cassou. « Dans tous les cas, il va falloir plusieurs hivers pour pallier cette sécheresse ».