Reportage

Le Crédit agricole, une banque « verte » dans le viseur des ONG

Ni verte ni mûre. Le Crédit agricole jouit d’une bonne réputation malgré son soutien massif à l’industrie fossile qui aggrave la crise climatique ; un paradoxe mis en lumière par des militant·es du collectif citoyen Le Mouvement, rassemblé·es devant le siège de la banque ce jeudi matin.
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Alors que le jour se lève sur Montrouge, dans les Hauts-de-Seine, une scène inhabituelle se déroule sur le parvis du siège du Crédit agricole. Devant le bâtiment où s’affiche en grosses lettres « Agir chaque jour dans votre intérêt et celui de la société », un homme arrive affublé d’un costume et d’un masque à l’effigie de Philippe Brassac, le directeur général du Crédit agricole. Il porte aussi un bonnet de Père Noël et une hotte sur son épaule. S’ensuit une scénette où il remet des liasses d’argent comme cadeaux de Noël à des activistes déguisé·es en entreprises polluantes comme TotalEnergies, Shell ou Repsol. 

Plus habitué des mobilisations en ligne, Le Mouvement a choisi de donner dans l’action théâtralisée pour sensibiliser les passant·es et les employé·es. « Le Crédit agricole se moque de nous donc nous aussi on vient se moquer de lui », martèle à Vert Audrey Landon, directrice générale du Mouvement. 

Le happening réalisé devant le siège de la banque, à Montrouge (92). © Basile Mesré-Barjon / Le mouvement

Cette action s’inscrit dans une vaste campagne lancée en septembre dernier contre le Crédit agricole. Avec sept ONG, Le Mouvement a d’abord adressé un courrier à Philippe Brassac pour lui enjoindre de cesser tout soutien au développement de projets fossiles. Sans réponse de la part du directeur général de la banque, une pétition a été lancée pour mobiliser l’opinion publique. Elle est restée lettre morte.

Ce que l’organisation reproche au Crédit agricole, c’est le gouffre entre son image de « banque verte » et sa participation au financement des fossiles. Selon le baromètre Posternak-Ifop réalisé en novembre 2021, le Crédit agricole jouit d’une bonne image auprès de 68% des personnes interrogées. C’est un peu plus que le Crédit mutuel (65%), pourtant bien plus engagé dans la sortie du charbon et du pétrole. « Durant la COP26 à Glasgow, le Crédit agricole a même eu l’impudeur d’animer cinq événements sur la transition écologique et l’action coopérative », déplore Le Mouvement dans un communiqué.

Dans son calendrier de l’avent, le Crédit agricole vante son image de banque solidaire. © Capture d’écran de Julie Henches (Twitter)

Or, le Crédit agricole est la troisième banque française (derrière BNP Paribas et la Société générale) qui finance le plus volontiers les entreprises polluantes : entre 2016 et 2020, quelque 64 milliards de dollars ont été accordés à l’industrie fossile, dont presque la moitié à des entreprises expansionnistes, selon le rapport Banking on Climate Chaos 2021

Pire, entre 2017 et 2020, le Crédit agricole a augmenté les émissions de gaz à effet de serre de chaque euro investi de 17 % (ce qu’on appelle l’intensité carbone), a compté l’ONG Oxfam dans un récent rapport intitulé « Banques et climat : le désaccord de Paris ». Et s’il s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (soit l’équilibre entre rejets et absorption de CO2), le Crédit agricole continue de financer près de 500 entreprises impliquées dans l’expansion du pétrole et du gaz, recense Le Mouvement. En 2020, elle est la banque mondiale qui a le plus soutenu le développement de projets pétro-gaziers dans l’Arctique (Banking on climate chaos). Dans un rapport très commenté, l’Agence internationale de l’énergie a récemment calculé qu’il était indispensable de mettre fin à tout nouveau projet gazier ou pétrolier pour espérer contenir le réchauffement à moins de 1,5°C.

La directrice générale de l’ONG spécialisée Reclaim Finance, Lucie Pinson, avait d’ailleurs fustigé l’hypocrisie du Crédit agricole à l’occasion du Climate Finance Day, raout de la finance « durable » Vert s’était rendu en octobre dernier. La banque française avait profité de l’évènement pour promettre de ne plus financer les entreprises qui tirent « une part significative » de leurs revenus des hydrocarbures non-conventionnels, se gardant bien de préciser ce que cela signifie. « Il y a de gros trous dans la raquette », avait soufflé Lucie Pinson. Une manière de s’engager sans jamais trop se mouiller.

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