Décryptage

Le Brésil de Lula, nouveau champion pour le climat ?

COPacabana. Recul de la déforestation, création d’un fonds pour les forêts tropicales et grand plan de transformation de l’économie, le gouvernement de Lula a multiplié les déclarations à la COP28. Mais, du pétrole aux pesticides, les contradictions brésiliennes subsistent.
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Avec la plus grande délé­ga­tion de toute la COP28 (2 400 per­son­nes dont 400 représen­tants gou­verne­men­taux), le Brésil a fait enten­dre sa voix avec force dès les pre­miers jours de la con­férence cli­mat.

Lors du som­met des lead­ers où se sont réu­nis 140 chefs d’État et de gou­verne­ment la semaine passée à Dubaï, le prési­dent Lula a rap­pelé son engage­ment à com­bat­tre la déforesta­tion : «Nous avons ajusté nos objec­tifs cli­ma­tiques, qui sont désor­mais plus ambitieux que ceux de nom­breux pays dévelop­pés. Nous avons con­sid­érable­ment réduit la déforesta­tion en Ama­zonie et nous la ramènerons à zéro d’i­ci à 2030». Une pos­ture de cham­pi­on du cli­mat qui mar­que la dif­férence avec son prédécesseur, le cli­matoscep­tique Jair Bol­sonaro, qu’il a rem­placé à la tête de l’État en octo­bre 2022. Et qui vise à pren­dre une place de choix dans les négo­ci­a­tions inter­na­tionales alors que le Brésil accueillera la COP30 en 2025.

À la tête de la bataille contre la déforestation

Par­mi les propo­si­tions phares du gou­verne­ment brésilien annon­cées lors de la COP28, la créa­tion d’un fonds pour la sauve­g­arde des forêts trop­i­cales. Avec l’objectif de le dot­er de 250 mil­liards de dol­lars – à réu­nir auprès de fonds sou­verains et d’investisseurs, notam­ment ceux de l’in­dus­trie pétrolière –, cette ini­tia­tive per­me­t­trait de financer 80 pays pos­sé­dant des forêts trop­i­cales pour qu’ils puis­sent con­serv­er leurs arbres. Les paiements s’effectueraient chaque année sur la base des hectares con­servés ou restau­rés.

À la COP, il a aus­si été ques­tion d’un grand plan de trans­for­ma­tion écologique de cet immense pays, présen­té par le min­istre de l’économie Fer­nan­do Had­dad. Un plan qui «vise à unir les forces autour d’un objec­tif his­torique : inter­rompre cinq siè­cles d’ex­trac­tivisme et de destruc­tion de l’en­vi­ron­nement pour plac­er le Brésil à l’a­vant-garde du développe­ment durable», a déclaré celui-ci. Le Brésil est déjà un grand pays pour les éner­gies renou­ve­lables, avec un mix élec­trique très décar­boné grâce à ses capac­ités hydroélec­triques. Le 5 décem­bre, il a rejoint l’Al­liance mon­di­ale pour l’én­ergie éoli­enne en mer aux côtés du Pana­ma, de la Cal­i­fornie et de la Com­mis­sion européenne.

Le plus grand producteur de pétrole d’Amérique du Sud

Mais, en par­al­lèle de ces annonces, on a appris début décem­bre que le Brésil, plus grand pro­duc­teur pétroli­er d’Amérique du Sud, se rap­prochait de l’Organisation des pays expor­ta­teurs de pét­role (OPEP). Une ving­taine de pays coor­don­nent et régu­lent déjà leur pro­duc­tion d’or noir au sein de cette organ­i­sa­tion.

«Exploiter le pét­role, c’est l’un des axes forts du développe­ment économique pour le Brésil, et le gou­verne­ment de Lula ne risque pas de remet­tre cela en cause, rap­pelle à Vert François-Michel Le Tourneau, géo­graphe et spé­cial­iste de l’Amazonie brésili­enne. En août, au som­met de Belém pour la con­ser­va­tion de l’Amazonie, le pays a tout sim­ple­ment refusé l’idée d’interdire l’exploitation des hydro­car­bu­res».

Dans une récente étude pub­liée le 5 décem­bre, l’agence de jour­nal­isme d’investigation Agên­cia Públi­ca, révélait que si le Brésil exploite tout le poten­tiel d’én­ergie fos­sile de sa côte ama­zoni­enne, «les émis­sions de gaz à effet de serre résul­tant de sa com­bus­tion annuleraient, pour la planète, les gains obtenus grâce à la réduc­tion de la déforesta­tion de l’A­ma­zonie».

Les ravages de l’agriculture intensive

Autre sujet qui vient tit­iller sa posi­tion de leader du cli­mat : l’utilisation des pes­ti­cides. À la veille de la COP28, le Sénat brésilien a adop­té une loi qui facilite encore l’usage de ces pro­duits. Le Brésil est déjà le pays le plus con­som­ma­teur de pes­ti­cides au monde, util­isés pour pro­duire en masse du soja et du maïs, notam­ment.

«Tout le mar­ket­ing envi­ron­nemen­tal du gou­verne­ment Lula se con­cen­tre sur la forêt ama­zoni­enne. Le frein est mis sur la déforesta­tion, et il faut enten­dre ici la déforesta­tion illé­gale, mais qu’en est-il de la pro­tec­tion des autres écosys­tèmes du pays, comme les savanes du Cer­ra­do par exem­ple ?», inter­roge François-Michel Le Tourneau.

Cette immense zone située au cœur du Brésil, à la fois bassin hydro­graphique essen­tiel, gigan­tesque puits de car­bone et réserve excep­tion­nelle de bio­di­ver­sité, a vu la moitié de sa sur­face dis­paraître au cours des dernières décen­nies au prof­it des exploita­tions agri­coles de l’agroné­goce brésilien. Cette année, 40 000 foy­ers d’in­cendie ont été iden­ti­fiés au Cer­ra­do.

Pho­to d’il­lus­tra­tion : Lula à la COP27 en Égypte en novem­bre 2022. © UNFCCC / Flickr