Indicaterre. L’Union européenne (UE) souhaite instaurer un nouveau règlement pour réduire de 50% l’utilisation des pesticides d’ici à 2030. Alors que le premier vote a lieu ce mardi en commission au Parlement européen, l’indicateur prévu pour quantifier cette réduction serait «trompeur», selon l’ONG Générations futures.
Pour François Veillerette, porte-parole de Générations futures, l’indicateur HRI1, qui fera peut-être bientôt foi dans tous les pays de l’UE, «fonctionne à l’envers : il va favoriser l’agriculture conventionnelle au détriment de l’agriculture biologique». En cause, deux biais identifiés par le collectif Sauvons les abeilles et les agriculteurs.
Les pesticides sont classés en quatre catégories de dangerosité, chacune associée à un facteur de risque. Le premier biais découle d’un calcul rétroactif de ce facteur : un pesticide interdit, car jugé trop dangereux, verra son facteur de risque augmenter a posteriori. Souvent remplacé par des molécules similaires, l’usage passé paraît donc plus dangereux que celui du présent, alors que dans les faits, peu, sinon rien, n’aura changé.
Le deuxième biais s’appuie sur la quantité des produits utilisée. Les facteurs de pondération se focalisent davantage sur les quantités employées que sur la toxicité des produits. «L’indicateur actuel donne l’impression que c’est mieux de passer d’un produit comme le bicarbonate de soude, utilisé dans l’agriculture biologique, au difénoconazole, pourtant classé “plus dangereux”, résume François Veillerette. Il encourage des produits qu’on utilise à petite dose, donc les plus efficaces», et potentiellement les plus toxiques.
Pour Xavier Reboud, chercheur en agroécologie à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), cet indicateur répond à une attente de normalisation «pertinente sur le fond». À l’heure actuelle, les pays de l’UE utilisent leurs propres indicateurs. Certains, comme celui en vigueur en France, mettent l’accent sur la diminution des doses quand d’autres se concentrent sur la réduction des impacts. Avec ce nouveau cadre dans lequel les pays doivent se mettre au diapason, prendre en compte les deux aspects est indispensable, pour le scientifique.
Pour Xavier Reboud, «il faut corriger les failles que l’on a identifiées. Le classement des produits en quatre classes de dangerosité restera toutefois inféodé à ce que l’on veut bien prendre en considération et à l’évolution de l’état des connaissances. C’est une limite», précise-t-il. Pessimiste, François Veillerette confie : «Nous sommes inquiets, car nous arrivons tard dans le processus législatif. […] Si ça passe, ce sera la mort d’une politique honnête de réduction des pesticides». Si le règlement est adopté sans que l’indicateur soit modifié, ce dernier deviendra obligatoire pour l’ensemble des États membres.
Photo d’illustration: Stefan Thiesen / Wikimedia