Chronique

La rhytine de Steller, sitôt découverte, sitôt disparue

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Ces 500 dernières années, autour de 200 000 espèces animales et végétales ont disparu, soit 10% de la biodiversité connue. Celles-ci s’effondrent à un rythme 10 à 1 000 fois plus rapide que la normale. Mais trêve de chiffres, et place à un exemple édifiant : le podcast Baleine sous Gravillon vous raconte l’histoire de la rhytine de Steller.

1739 : le médecin et naturaliste allemand Georg Steller rejoint une expédition légendaire, menée par l’explorateur danois Vitus Béring. L’impératrice Anne de Russie l’a envoyé cartographier le Pacifique Nord. L’objectif principal est de déterminer si la Sibérie est reliée à l’Alaska.

L’expédition atteint l’île Kayak en Alaska en juillet 1741. En route, Steller a identifié 160 espèces inconnues, dont beaucoup portent aujourd’hui son nom, comme le plus gros aigle du monde, l’aigle de Steller. Parmi ces espèces, il y aussi la rhytine de Steller, qu’il surnomme «vache marine». Rhytine vient d’un mot grec évoquant son cuir ridé, épais de trois centimètres. L’animal fait partie de la famille des Siréniens (comme le dugong et les lamantins actuels). Imaginez un phoque de dix mètres de long et qui pèserait dix tonnes, avec une queue de baleine. Cette placide géante brouteuse d’algues vit en petits groupes familiaux.

Fin 1741, sur le chemin du retour, l’expédition s’échoue sur l’Île Béring. La moitié des hommes meurent du scorbut. Les survivants vivotent en chassant le renard arctique. Steller trompe l’ennui en écrivant De Bestiis Marinis, qui sera publié en 1751. Il y décrit ses découvertes – loutre de mer, otaries, oiseaux.

La rhytine de Steller au Museum national d’histoire naturelle © Thomas bersy / Flickr

Au printemps 1742, l’équipage construit un bateau de fortune et regagne la Russie. Au retour de Steller, la nouvelle de l’existence d’un animal facile à chasser, pourvoyeur de lard et d’un cuir solide attise les convoitises. 27 ans plus tard, l’espèce est complètement exterminée ! C’est l’un des intervalles de temps le plus court entre la découverte et l’extinction d’une espèce.

Ce n’est malheureusement pas le record : de nombreuses espèces endémiques de plusieurs îles ont été exterminées en quelques mois. Il a suffi parfois d’un unique chat pour venir à bout de certaines espèces d’oiseaux qui n’existaient que sur une seule île.

Une autre disparition célèbre est celle du Dodo de l’île Maurice. Un drôle d’oiseau à l’allure comique, incapable de voler et apparenté au pigeon. Le dernier dodo est mort autour de 1700, un siècle après la découverte de l’espèce, en 1581. Cet oiseau était facilement capturé par des marins qui l’embarquaient comme réserve de viande vivante (idem pour les tortues géantes des Galapagos entre autres). Cette extinction a laissé une expression courante en anglais : Dead as the dodo, «mort de chez mort».

Une chronique réalisée par Marc Mortelmans, créateur de Baleine sous Gravillon, le podcast du vivant. Tous les épisodes sont accessibles juste ici.


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