Décryptage

Dérèglement climatique et météo pluvieuse : la production de blé français au plus bas depuis 1987

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Avoir un grain. En France, avec seulement 26,3 millions de tonnes de blé, la récolte de blé 2024 affiche un niveau bas, jamais atteint depuis 37 ans. Cette année noire s’explique par des conditions météorologiques très pluvieuses et peu ensoleillées. Décryptage.

C’est confirmé, la récolte de blé 2024 est catastrophique dans l’Hexagone. Ce vendredi 9 août, les derniers chiffres de l’Agreste – qui publie les statistiques du ministère de l’Agriculture – sont sans appel : on a récolté cet été seulement 26,3 millions de tonnes, contre 35,1 millions de tonnes en 2023. Cela correspond à une baisse de 25% par rapport à la moyenne des cinq dernières récoltes.

Cette année désastreuse pour les céréaliers est principalement due à des mois très pluvieux. Tout a commencé à l’automne, avec des semis qui ont pris du retard à cause d’un excès de précipitations. «Les retards de semis ont deux effets sur la production finale, décrit Vincent Allard, chercheur spécialiste du blé à l’Inrae contacté par VertTout d’abord, si l’on plante en retard, on sait que le rendement [quantité de blé produit sur un hectare, NDLR] sera moins bon. Le second effet concerne l’impossibilité de semer du blé dans un sol gorgé d’eau. Les agriculteurs se tournent vers d’autres espèces».

Les mois qui ont suivi n’ont pas été meilleurs. «Le printemps 2024 a été plus que pluvieux, détaille Mathieu Regimbeau, agrométéorologue à Météo France. C’est le quatrième printemps enregistré le plus pluvieux, que ce soit en quantité de précipitations qu’en nombre de jours de pluie.» S’est ajouté à cela un manque de soleil, nécessaire à la bonne croissance des plantes. «Il y a eu un déficit de rayonnement de -20% par rapport à la moyenne en France», complète le météorologue.

Cette année, du moment où on l’a planté jusqu’au moment où on le récolte, le blé aura fait face à un excès d’eau fatal. La baisse de production est à la fois liée à la diminution de surfaces cultivées liées au report de cultures, puis à une baisse de rendement dû à des semis tardifs et des mauvaises conditions de croissance.

Il est très difficile de faire face à l’excès d’eau. «Face à la sécheresse, on peut travailler sur des variétés plus résistantes au stress hydrique, explicite le chercheur de l’Inrae. Cette année, c’est l’inverse. L’excès d’eau a généré une asphyxie des pieds et le déficit d’ensoleillement a pénalisé le rendement. Ce sont des conditions qui dépassent ce que l’on peut faire avec la technique et qui sont sans doute assez peu typiques de ce que le futur nous réserve.»

Il est aujourd’hui impossible de savoir si ces printemps arrosés vont devenir de plus en plus courants avec le réchauffement climatique. «Ce qui est certain, c’est qu’on a observé ici l’effet de la variabilité climatique, c’est-à-dire qu’on ne va pas retrouver d’une année à une autre les mêmes conditions», résume Mathieu Regimbeau.

Un système fragilisé

«La France est un grand producteur de blé. Une telle année met donc son système agricole en danger et met en évidence sa fragilité», résume Vincent Allard. Selon le quotidien La Dépêche, les agriculteurs devraient voir leurs chiffres d’affaires dégringoler car les prix du blé ne seront pas à la hausse malgré la mauvaise récolte française. Les productions de blé d’autres pays ont été bonnes.

Face à une telle moisson, les agriculteurs et les syndicats agricoles ont sonné l’alerte en début de semaine, lorsque les estimations d’Argrus média ont été publiées, annonçant la pire récolte depuis les années 1980. Mercredi, au micro de FranceInfo, Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, avait alors demandé «des mesures d’accompagnement de l’État» ainsi que «des exonérations sur des aides au paiement des charges sociales et fiscales». Une demande à laquelle le ministère n’a pas encore répondu.

Cette météo n’a pas affecté que le blé, puisqu’une baisse de production par rapport à la moyenne des cinq dernières années est aussi observable – entre autres – pour l’orge (-12%), l’avoine (-22%), le seigle (-23%). Le maïs, lui, s’en sort plutôt bien.


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