Après des ventes record au sortir de la crise Covid, les ventes de vélos à assistance électrique (VAE) s’essoufflent en France. Selon l’Union sport & cycle, le syndicat des professionnel·les du secteur, 565 226 VAE ont été vendus dans l’Hexagone en 2024. C’est 16% de moins qu’en 2023 et -23% par rapport à 2022. La conjoncture économique, qui incite les ménages à repousser ou à renoncer aux achats coûteux, pèse lourdement dans la balance. Avec un prix moyen avoisinant les 2 000 euros, d’après le guide d’achat de Que Choisir, l’acquisition d’un VAE neuf reste un investissement important.
Cet article est issu de la série Label Vert, une collaboration entre Vert et
Que Choisir.
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Se tourner vers l’occasion est un bon moyen d’alléger la facture ; le marché de la seconde main a d’ailleurs bondi de 9% l’année dernière. Mais il existe une autre alternative bon marché : la transformation de son vélo musculaire en biclou électrique grâce à des kits d’électrification. Une solution plus économique – comptez entre 400 et 1 100 euros pour un kit homologué – et plus écologique que l’achat d’un vélo électrique neuf.
Que disent les expert·es ?
Dans un entretien publié en 2023 dans le magazine de l’Institut de polytechnique de Paris, la chercheuse Anne de Bortoli explique que la fabrication d’un VAE représente 94% de son empreinte carbone, pour un vélo ayant parcouru 20 000 kilomètres (km). Le cadre représente l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre (181 kilogrammes de CO2-équivalent (kgCO2e) pour un vélo en aluminium de 20 kg produit en Chine), loin devant le moteur (37 kgCO2e) ou la batterie (20 kgCO2e).
L’électrification de son vélo évite donc la fabrication d’un nouveau cadre, maillon le plus polluant de la chaîne. À condition, bien sûr, de prolonger la durée de vie de son biclou et non d’en acheter un flambant neuf.
Pour Aurélien Bigo, chercheur spécialisé dans la transition énergétique des transports, associé à la chaire Énergie et Prospérité, l’électrification démocratise le vélo électrique : «Avec son coût plus abordable, cette méthode peut amener de nouvelles catégories de personnes vers le VAE, pour qui le prix était un frein.»
Un levier intéressant pour accélérer la nécessaire décarbonation des mobilités. «Le simple ajout d’un moteur et d’une batterie peut avoir des effets significatifs sur les changements d’usages. On constate aujourd’hui que l’électrique encourage les anciens automobilistes à se mettre au vélo, mais aussi les personnes âgées ou peu sportives. Au final, les VAE permettent de remplacer 50 à 70% des trajets autrefois faits en voiture», complète le chercheur.
Comment ça marche ?
Installer un kit sur son vélo est parfaitement légal, à condition de respecter la norme européenne EN 15194 : le moteur ne doit pas excéder 250 watts (W), l’assistance doit se couper au-delà de 25 km/h et ne se déclencher que si le cycliste pédale. Au-delà de ces seuils, le vélo bascule dans la catégorie des cyclomoteurs (aussi appelés «speedbikes») et il sera soumis à des règles spécifiques : immatriculation, assurance et port du casque obligatoire.
Vélos de ville, VTT, cargos… Selon les fabricants de kits, la grande majorité des modèles peuvent être transformés. «Les vélos que l’on ne pourra pas prendre en charge sont ceux qui présentent des problèmes de sécurité évidents. Mais aussi ceux qui fonctionnent avec un rétropédalage, car ceux-ci ne se conforment pas à l’obligation française d’avoir deux systèmes de freinage», détaille Thomas Hampe-Kautz, fondateur de Ohm & Watt, un fabricant de kit strasbourgeois, qui s’occupe également de leur installation.
Les kits comprennent un moteur, une batterie, un contrôleur, un capteur de pédalage et un écran d’affichage, pour un poids total variant entre quatre et sept kilos. Trois grandes options existent, selon l’emplacement du moteur.
Au pédalier : le moteur est situé au centre du cadre, ce qui assure une bonne répartition du poids et une traction optimale. Il s’agit du kit le plus performant, mais aussi du plus coûteux (autour de 1 000 €). «C’est une solution que l’on propose pour les vélos cargos, ou pour les personnes qui ont un usage sportif de leur VAE, précise Thomas Hampe-Kautz. C’est aussi recommandé pour les trajets à fort dénivelé.»
Dans la roue arrière : la roue d’origine est changée pour y installer le moteur. Ce modèle coûte un peu moins cher que le précédent (environ 800 €) et il constitue un choix pertinent pour les trajets du quotidien, modérément vallonnés. «En termes de ressenti en revanche, c’est un peu moins naturel et équilibré qu’avec un moteur pédalier. On a davantage la sensation d’être poussé», explique le fondateur d’Ohm & Watt.
Dans la roue avant : davantage adapté au plat, c’est le modèle le plus économique, avec des premiers prix autour de 400 €. ll peut toutefois surprendre sur route humide, en raison de la traction exercée à l’avant.
Pour savoir vers quel modèle s’orienter, il faut donc s’interroger sur son usage (pour le sport ou pour des trajets du quotidien), sa fréquence d’utilisation, son budget, et sur le terrain sur lequel le vélo évoluera (plat ou dénivelé).
Quant au système de freinage, il n’est pas nécessaire de le renforcer, d’après Thomas Hampe-Kautz : «La vitesse moyenne entre un vélo mécanique (17 km/h) et un VAE (20 km/h) diffère peu. Les freins d’un vélo en bon état supportent donc le changement, tant que le kit reste homologué.» En cas d’accident enfin, la responsabilité civile s’applique si l’installation est conforme à la réglementation, mais il reste recommandé de vérifier sa couverture auprès de son assureur.
Installation : seul ou accompagné ?
La plupart des fabricants mettent en avant une installation «simple», réalisable en quelques heures grâce à des tutoriels écrits ou vidéos. Mais, pour Thomas Hampe-Kautz, la prudence s’impose : «Installer soi-même un kit suppose des compétences solides en mécanique. On manipule notamment une batterie, ce qui n’est pas anodin.»
Pour celles et ceux qui préfèrent déléguer, l’offre d’installation s’est largement étoffée ces dernières années. Plusieurs fabricants, comme Ohm & Watt (Strasbourg), VélotechLyon, Electribe (Paris) ou Avec ton vélo (Lille) proposent de monter eux-mêmes les kits, en atelier ou à domicile. D’autres fabricants travaillent avec des partenaires pour l’installation et la réparation : on peut citer Virevolt, Reebike, A Bicyclette Paulette, Skylo, etc. La plupart proposent aussi un service après-vente, y compris par envoi postal des moteurs.
À l’instar des subventions pour l’achat d’un VAE, certaines métropoles soutiennent la conversion. Paris et Lyon accordent jusqu’à 400 €, Toulouse et Bordeaux 250 €, Strasbourg 150 €. Des régions complètent le dispositif : jusqu’à 200 € en Île-de-France ou dans le Grand Est. Ces aides sont conditionnées à l’usage de kits homologués et, parfois, à une installation en atelier agréé.
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