Fait-il bon rouler à vélo en France ? Depuis 2021, le climat des routes s’est certes légèrement amélioré mais reste «médiocre» et «très inégal» selon les territoires, révèle le dernier baromètre vélo de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) publié jeudi 18 septembre. Il était possible de répondre à cette enquête nationale sur le site de la FUB entre le 28 février et le 3 juin 2025. L’objectif : évaluer, pour la quatrième fois depuis la création du baromètre en 2017, la satisfaction des cyclistes quant à leurs conditions de circulation partout en France.
Le questionnaire, particulièrement détaillé, invitait les participant·es à noter leur commune selon plusieurs critères : sécurité des trajets, confort des infrastructures de circulation (pistes cyclables, feux de signalisation…), qualité du stationnement, accès aux services (réparation, entretien, etc.) et efforts municipaux pour améliorer la situation. Par exemple, à la question : «En général, comment je me sens quand je circule à vélo dans ma commune ?», les réponses pouvaient aller de zéro («en danger») à six («en sécurité»).
Avec 334 301 réponses, le baromètre 2025 confirme une tendance préoccupante : 64% des répondant·es estiment que les conditions de pratique du vélo restent mauvaises dans leur commune. Pour près de la moitié (47,8%), la situation n’a pas évolué en deux ans, tandis que 36,5% perçoivent une amélioration et 15,8% une dégradation.
Grenoble en tête
En fonction de leur note moyenne, les communes ont ensuite été classées sur une échelle allant de A+ («climat vélo excellent») à G («très défavorable»).
Le podium des grandes villes de plus de 100 000 habitant·es reste inchangé depuis 2021 : Grenoble (4,37/6) conserve la tête, devant Strasbourg (4,15) et Rennes (4,05). «De nouvelles métropoles émergent et s’y mettent à fond, comme Lyon, qui frôle désormais le podium, ou Clermont-Ferrand, que l’on n’attendait pas sur ce terrain», souligne auprès de Vert Étienne Demur, co-président de la FUB.
Parmi les «villes moyennes» (15 000 à 100 000 habitant·es), Bourg-en-Bresse (Ain) s’impose avec 4,32/6, devant Gujan-Mestras (Gironde, 4,16) et La Rochelle (Charente-Maritime, 4,15). Côté «bourgs et villages», la vendéenne Notre-Dame-de-Monts arrive largement en tête avec 4,77/6, devant Vieux-Boucau-les-Bains (Landes) et Soulac-sur-Mer (Gironde).
À noter : seules les villes ayant atteint un minimum de réponses ont pu être intégrées dans ce classement. Il fallait plus de 30 contributions pour les bourgs et villages, ce qui implique que seuls 3% d’entre eux ont pu être pris en compte.
Le sud-est à la traîne
L’évolution du climat vélo n’est pas homogène sur le territoire (voir la carte interactive). Les moyennes régionales des notes révèlent que le quart sud-est de la France hexagonale décroche (notamment la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Corse) malgré une évolution positive (respectivement 7% et 11%). À l’inverse, la façade atlantique «confirme son dynamisme en matière de vélo», note le rapport. Les communes des régions Pays de la Loire, Bretagne et Nouvelle-Aquitaine affichent en moyenne les meilleures notes. Elles sont talonnées par celles des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est.
«Cette division s’explique par des politiques historiques très différentes», analyse Étienne Demur. Il cite la Vélodyssée, itinéraire de cyclotourisme qui longe l’Atlantique, comme exemple d’investissement structurant de ce côté-là de l’Hexagone. «De manière générale, les gens sont beaucoup plus satisfaits à l’ouest», conclut-il.
En Île-de-France, les communes obtiennent une note moyenne de 3,15/6 – en hausse de 7% depuis le dernier rapport, en 2021. Dans les outre-mer, La Réunion enregistre la plus forte progression (+18% en moyenne), avec 13 communes comptabilisées sur les 24 qu’elle compte.
Une France «à deux vitesses»
En plus d’attribuer des notes, les répondant·es pouvaient aussi signaler des lieux précis de leur commune qui nécessitent des aménagements cyclables – ou, au contraire, des sites emblématiques des efforts déjà réalisés. À Paris, le boulevard Magenta apparaît comme un point noir, à améliorer en priorité. À l’inverse, la rue de Rivoli illustre un cas d’évolution positive : son axe désormais largement cyclable est devenu un symbole des transformations récentes en faveur du vélo.
Bornes de stationnement à ajouter près des gares, pistes cyclables à construire… Tous ces points de signalement alimentent une seconde carte interactive, qui recense 930 sites ayant connu une amélioration dans près de 320 communes, et 2 553 lieux clés à aménager, répartis dans 700 communes. Cette carte pourra ensuite aider «à la prise de décision et à la priorisation», selon Étienne Demur. «On sait que les bureaux d’études reprennent les éléments du baromètre pour élaborer leurs politiques», explique-t-il.
Pour le co-président de la FUB, cette carte montre une «France à deux vitesses». D’un côté, les grandes villes «confirment leur rôle de locomotives du vélo». De l’autre, les bourgs et villages «peinent à développer des politiques cyclables». Pourtant, la demande est bien là : «Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de piste que l’on n’a pas l’espoir qu’elles existent», insiste-t-il. Seulement, ces municipalités «ne savent pas comment faire ou ne s’y intéressent pas».
Trois leviers d’action
Pour financer des aménagements cyclables, les collectivités pouvaient, de 2018 jusqu’à 2024, bénéficier du fonds national «mobilités actives» (FMA). Cette «action phare» du Plan Vélo national, selon la FUB, a permis de financer plus de 1 178 projets favorables au développement du vélo partout en France. L’effet est tangible : «Les avis positifs des citoyen·nes sont trois fois plus nombreux à proximité d’un aménagement financé par ce fonds», précise l’enquête. «Cela prouve que l’action de l’État a une efficacité », note Étienne Demur.
Pour rendre rapidement le plus de territoires cyclables, la Fédération des usagers de la bicyclette préconise dans un premier temps de repenser les voiries déjà existantes – notamment d’interdire certaines routes aux voitures. «Cela ne demande pas d’investissement mais de la réflexion, et une volonté politique», selon Étienne Demur. L’association encourage aussi les villes à abaisser la vitesse à 30 kilomètres heure et de mieux entretenir les aménagements existants. Le co-président de la FUB martèle : «Parfois, on a mal anticipé le flux de cyclistes, comme sur le boulevard Sébastopol, à Paris [l’un des plus empruntés par les vélos, NDLR]. Ce n’est pas parce qu’un aménagement est fait qu’il ne faut pas l’adapter aux usages par la suite.»
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