Tribune

Jean-François Julliard : «Sans sursaut démocratique, pas de futur désirable»

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Retraites et climat : même combat, et même manque de prise en considération de la part du chef d’Etat, soutient le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, dans cette tribune à Vert. Pour faire advenir une société écologique, il appelle à redéfinir les conditions d’une véritable démocratie en France.

Par Jean-François Julliard (Greenpeace France)

L’usage du 49.3 pour faire passer la loi sur la réforme des retraites n’est que le dernier marqueur en date d’une démocratie tellement affaiblie qu’elle semble au bord de la rupture. Le chef de l’État n’écoute pas plus les millions de personnes descendues dans la rue que les scientifiques alertant de manière répétée sur le manque d’action de la France face au dérèglement climatique.

La question des retraites et celle du climat ont en commun de concerner notre avenir immédiat. Comment faire pour travailler plus longtemps avec des vagues de chaleur plus intenses et fréquentes ? Comment venir en aide aux populations les plus impactées par le réchauffement climatique si les protections sociales s’effondrent ? Comment enrayer la folle ascension des gaz à effet de serre si nous ne remettons pas en cause notre modèle productiviste qui épuise nos ressources naturelles les unes après les autres ?

La réponse politique apportée à ces enjeux majeurs oriente fortement nos vies pour les décennies qui s’annoncent. Beaucoup se sont engagés dans ces luttes dans l’espoir d’un futur plus désirable que le présent. Syndicalistes, activistes, sympathisants des luttes sociales ou écologiques ; ils et elles avaient à cœur de bâtir des modèles de vie plus heureux et équilibrés, moins éprouvants et injustes.

Mais le Président a décidé de passer en force. Et aucune opposition n’a su lui résister. Où réside l’équilibre des pouvoirs, notion garante du modèle démocratique ? Notre régime politique est essoufflé et ne permet pas d’adresser correctement les enjeux de nos sociétés. Un système qui permet à un seul homme de couper court au débat démocratique, faisant fi à la foi de l’opinion publique majoritaire et de l’Assemblée nationale, ne permet pas des avancées progressistes solides.

En France, il est possible pour le chef de l’État de convoquer une assemblée citoyenne – la convention citoyenne sur le climat -, de prendre l’engagement public de mettre en œuvre ses propositions et, à la fin, de jeter à la corbeille 80% d’entre elles. Il est aussi autorisé de ne pas respecter une décision de justice européenne, en l’occurrence celle sur la réglementation des nouveaux OGM. Il est tout à fait permis de créer un Haut conseil pour le climat, mais de ne pas tenir compte de ses recommandations dans les décisions du gouvernement. Il est également acceptable de saboter un débat public officiel en cours sur le nucléaire – un enjeu majeur qui nous engage pour des siècles – et de profiter d’une loi de simplification des procédures pour bouleverser les orientations stratégiques de la politique énergétique du pays.

Même lorsque la justice s’en mêle et condamne l’État, comme cela a été le cas dans des dossiers sur la pollution de l’air ou la baisse des émissions de gaz à effet de serre, l’État résiste et n’applique pas les décisions.

Comment tout ceci peut-il se passer dans une démocratie ancienne ? La question reste ouverte et les réponses sont complexes. Cela aussi mériterait un vrai débat serein, transparent et ouvert. Participer à la définition des contours d’une société plus écologique et plus juste est un moteur formidable et ce sont des millions de personnes en France qui aspirent à un tel projet. Mais qui pourrait aujourd’hui être le garant d’une mise en œuvre réelle des conclusions d’un tel exercice ? Lorsque les parlementaires échouent, que les experts ne sont plus écoutés, que les institutions ne sont pas prises au sérieux, que les corps intermédiaires sont décrédibilisés et que la mobilisation citoyenne est réprimée dans la violence, il ne reste plus qu’un homme et sa garde rapprochée. Et définitivement, cela ne s’appelle pas une démocratie.

Photo : Omar Havana / Greenpeace

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