Alors que les bombardements ont repris à Gaza, la guerre est venue percuter l’entame de la COP28 à Dubaï, devenue le lieu de tractations entre États et de protestations de la société civile internationale.
La société civile réclame un cessez-le-feu immédiat
«Essam Hani Essam Saqallah, 7 ans». Dimanche matin, massé·es derrière le message «Cessez-le-feu» peint aux couleurs de la Palestine (et des Émirats) sur une banderole, une poignée d’activistes scande les noms d’enfants et personnes âgées tuées à Gaza, devant la foule qui pénètre peu à peu le site de la COP28.
Au centre, Tariq Luthun, activiste écologiste américano-palestinien et porte-parole de la Coalition COP28, bannière sous laquelle sont rassemblées de nombreuses associations pendant le sommet. «On ne peut pas parler de justice climatique sans parler de droit humanitaire, de droits humains et du droit des gens à vivre pleinement, en sécurité et dans l’autodétermination», explique-t-il à Vert. Il ajoute : «Chaque jour, j’espère que nous parviendrons à un cessez-le-feu et que nous mettrons fin à ce siège».
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Depuis le lancement de la COP, la société civile donne de la voix pour appeler sans relâche à la paix. «Il est de notre devoir, en tant que protecteurs de la Terre mère et des humains, de prendre la parole pour demander un cessez-le-feu et la fin de l’occupation», pressait, dès la veille de l’ouverture, Rania Harrara, membre de l’association Taskforce féministe des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (Mena feminist taskforce) lors d’une conférence de presse de la Coalition COP28. Car à Gaza, «les gens n’ont pas accès aux droits humains de bases, à une eau propre, un air pur et de la nourriture». L’ONU a récemment alerté sur le fait que 96% de l’eau de la seule nappe de Gaza était «impropre à la consommation humaine».
«La guerre en Palestine doit cesser maintenant. L’occupation doit cesser. Il ne peut y avoir de paix sans justice. Il ne peut y avoir de justice climatique sans droits humains», a aussi exhorté Tassneem Essop, charismatique directrice générale du vaste Réseau action climat international (CAN), qui représente des centaines d’ONG du monde entier. La Sud-Africaine réagissait à l’annonce de la création d’un fonds pour réparer les destructions dans les pays vulnérables au changement climatique (notre article), qu’elle estime sous-doté : «Il est immoral que les pays riches ne puissent trouver assez d’argent pour répondre aux impacts climatiques, alors qu’ils peuvent trouver instantanément des milliards – pas des millions – pour une guerre qui a déjà tué près de 20 000 civils, surtout des enfants, des personnels de l’ONU, des soignants et des journalistes».
Le gouvernement de Joe Biden veut en effet débloquer 14,3 milliards de dollars (13,1Mds€) pour soutenir l’effort de guerre israélien (New York Times), quand les États-Unis comptent abonder le fonds pour les pertes et dommages à hauteur de 17,5 millions de dollars (16M€).
Secousses diplomatiques
Jeudi, dès la cérémonie d’ouverture de la COP28, Sameh Choukri, président de la précédente COP de Charm el-Cheikh (Égypte), a réclamé une minute de silence pour tous les civils «ayant trouvé la mort dans le conflit actuel à Gaza». Le lendemain, la reprise des bombardements israéliens après sept jours de trêve coïncidait avec le début du sommet des dirigeants mondiaux – deux jours de prises de parole des chef·fes d’État et de gouvernement.
Le lendemain, la tribune de la COP fut le théâtre de plusieurs prises de parole en défense du peuple de Gaza, venues des présidents Turc, Sud-Africain ou Irakien. «La plupart des pauvres du monde se sont unis pour arrêter la barbarie, a tancé Gustavo Petro, président de la Colombie. [À l’ONU], seuls les quelques pays d’Europe et d’Amérique du Nord, grands consommateurs de carbone, votent en faveur du génocide».
La délégation iranienne a claqué la porte de la COP28 pour protester contre la présence du président israélien, Isaac Herzog. Ce dernier n’a pas donné le discours initialement prévu, tout comme l’émir du Qatar, Tamim bin Hamad Al Thani. Tous deux se sont rencontrés en coulisses. La veille, c’est le président de l’autorité Palestinienne Mahmoud Abbas qui annulait sa venue.
En marge des discussions climatiques, le président français Emmanuel Macron a rencontré plusieurs acteurs du conflit – le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, l’émir des Emirats arabes unis Mohammed ben Zayed Al Nahyane et le président israélien –, dans l’espoir de faire avancer des pourparlers pour un cessez-le-feu.
Pour Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), les tensions géopolitiques autour de Gaza ne compromettent pas l’issue des négociations climatiques : «Dans l’histoire, on a les exemples d’accords internationaux trouvés autour de la protection de la couche d’ozone et des pluies acides en pleine guerre froide, explique-t-il à Vert, où Est et Ouest se sont mis d’accord au même moment qu’ils se menaçaient mutuellement avec des missiles en Europe».
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