«Tous les trous qui font plus de douze millimètres dans un mur sont susceptibles de contenir des chauves-souris.» Laurent Arthur est naturaliste à la retraite et travaille depuis plus de trente ans à la sauvegarde des chiroptères dans le Cher et partout en France. Pour ces petits mammifères nocturnes, les façades des vieux immeubles sont de vrais «paradis protégés du vent, de la pluie et des prédateurs. Il fait ni trop chaud en été, ni trop froid en hiver».
Problème, depuis la mise en place de l’aide MaPrimeRénov’, les isolations thermiques extérieures se multiplient et bouchent les trous dans les façades. Les animaux qui logeaient à l’intérieur se retrouvent bloqués et condamnés.
Sa femme Michèle Lemaire et lui ont fondé de l’association de protection des chauves-souris «Chauve qui peut». Depuis 2017, leur duo collabore avec le Muséum d’Histoire Naturelle de la Ville de Bourges et le bailleur social du Cher, «Val de Berry», pour prendre en compte ces mammifères volants dans la rénovation thermique des bâtiments.
Deux espèces de chauves-souris vivent à Bourges : les pipistrelles et les noctules. Ces deux populations sont protégées mais les noctules subissent une baisse démographique chaque année due à la déforestation, aux éoliennes et à la rénovation thermique. «Les deux hibernent de mi-novembre jusqu’à fin mars, indique Laurent Arthur. L’idéal est donc de rénover quand elles sont parties, c’est-à-dire pendant le printemps et l’été».
Après avoir identifié les fissures habitées dans les façades, les chiroptèrologues ont plusieurs options pour évacuer les mammifères ailés. Si un gîte est vide, il est bouché avec de la mousse pour ne pas être réinvesti la saison d’après. S’il est encore occupé, un système de non retour peut être appliqué : «C’est un mécanisme en plastique qui permet aux individus de sortir, mais pas de rentrer», décortique le naturaliste. Enfin, si aucune de ces solutions n’est envisageable, les chauves-souris sont extraites à la main avec des outils adaptés.
Cette année, le bailleur «Val de Berry» a retardé la démolition d’un HLM à Bourges, car une population de 200 chauves-souris n’a pas pu être extraite au préalable. «Le chantier devait commencer début mars mais on l’a décalé à début avril, après le départ de tout le monde, décrit Florian Beauvais. Le coût du report a été complétement pris à notre charge et aucun locataire n’a été mécontent.» Une initiative unique venant d’un bailleur social, saluée par les spécialistes.
Ces animaux nocturnes de 20 à 30 centimètres d’envergure ne sont pas laissés sans domicile. Des gîtes artificiels sont intégrés directement dans la couverture thermique nouvellement installée. «Ils sont construits en bois par des personnes en insertion, précise le communiquant du bailleur. Un gîte coûte entre 600 à 700 euros. Sur des chantiers à plusieurs millions, ça ne représente pas plus d’1% du budget total.»
Développés par le Muséum d’Histoire Naturelle de la Ville de Bourges, l’association Chauve qui peut et Laurie Burette du bureau d’étude spécialisé dans les chiroptères «Echochiros», ces nouveaux abris sont dimensionnés pour accueillir chaque individu déplacés tout en se fondant parfaitement dans les façades fraichement restaurées. «Ils se matérialisent par une toute petite fente horizontale de quelques centimètres d’épaisseur et ne posent pas de problème thermique», ajoute le naturaliste.
Pour le bailleur et les chiroptérologues, cette collaboration porte ses fruits. «Les locataires sont satisfaits de ne plus avoir de moustiques l’été (ces chauves-souris sont insectivores, ndlr) et ont l’impression de participer à sauver la planète», se réjouit Laurent Arthur. Plus d’une centaine de gîtes ont déjà été installés dans le Cher dont 60 à Bourges.
L’objectif pour les collaborateurs est maintenant de «systématiser le processus avec tous les acteurs du BTP et de lever les freins pour que d’autres bailleurs s’emparent du sujet.» Plusieurs communes et particuliers ont déjà manifesté leur intérêt pour connaître les démarches à suivre pour conserver leurs populations de chauves-souris ou d’oiseaux nicheurs.
Pour Laurent Arthur, le plus simple pour protéger vos colocataires poilus ou plumés, est de contacter la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM), qui vous mettra en relation avec des spécialistes.
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