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Comment ont fait les moustiques pour envahir toute la planète ?

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Tomber à pique. On con­naît aujourd’hui plus de 3 500 espèces de mous­tiques dif­férentes dis­tribuées sur tous les con­ti­nents.

Les mous­tiques sont des ani­maux très anciens, beau­coup plus anciens que l’humain mod­erne. Les fos­siles et les études molécu­laires s’accordent pour dater leur appari­tion sur terre à plus de 220 mil­lions d’années.

À l’époque, les par­ties émergées du globe for­maient un con­ti­nent unique, la Pangée. La dérive des con­ti­nents n’avait pas encore com­mencé que les ancêtres des mous­tiques que l’on con­naît aujourd’hui se mul­ti­pli­aient déjà et explo­raient tous les recoins de leur envi­ron­nement sus­cep­ti­bles de fournir l’écrin humide dont leurs larves ont besoin pour se dévelop­per.

Une histoire d’eau

Tous les mous­tiques se dévelop­pent d’abord dans l’eau, leurs stades lar­vaires étant stricte­ment aqua­tiques, bien qu’incapables de respir­er sous l’eau. Et, au cours de leur longue his­toire évo­lu­tive, les mous­tiques ont dévelop­pé dif­férentes straté­gies pour exploiter la plu­part des milieux aqua­tiques que la nature pou­vait leur offrir (mares, riv­ières, flaques, etc.).

Cer­tains affec­tion­nent par­ti­c­ulière­ment les trous d’arbres ou les plantes trop­i­cales où quelques mil­li­l­itres d’eau accu­mulés suff­isent pour le développe­ment des larves. D’autres ne se dévelop­pent que dans l’eau saumâtre des man­groves, jusque dans les ter­ri­ers de crabes. D’autres encore vont colonis­er les ans­es calmes des grands fleuves ou des petits ruis­seaux, les marais, les fos­sés, jusqu’aux égouts de nos villes ou aux coupelles de nos pots de fleurs.

À cha­cun sa stratégie et ses adap­ta­tions, par­fois mor­phologiques, façon­nées par la sélec­tion naturelle pour exploiter au mieux l’environnement. Après 220 mil­lions d’années d’évolution, pra­tique­ment partout où de l’eau est disponible sur la planète, une ou plusieurs espèces de mous­tiques sont capa­bles de s’y dévelop­per.

Seules les régions où l’eau est gelée en per­ma­nence (pôles, som­mets) ne sont pas colonisées.

Les mous­tiques jouent un rôle majeur dans le fonc­tion­nement des écosys­tèmes naturels. © Erik Karits/Unsplash

L’évolution en action

On con­naît aujourd’hui plus de 3 500 espèces de mous­tiques dif­férentes dis­tribuées sur tous les con­ti­nents. Chaque con­ti­nent héberge son pro­pre assem­blage d’espèces qui descen­dent directe­ment des mous­tiques présents sur la Pangée et qui ont « sur­fé » sur la dérive des con­ti­nents.

Au fil des généra­tions, des pop­u­la­tions de mous­tiques séparées géo­graphique­ment accu­mu­lent les dif­férences géné­tiques et finis­sent par for­mer des espèces dif­férentes, aux car­ac­téris­tiques biologiques et mor­phologiques dif­férentes.

Sur chaque con­ti­nent, dif­férentes forces évo­lu­tives vont alors agir et façon­ner les espèces telles qu’on les con­naît aujourd’hui. Grâce aux tech­niques de génomique, il est pos­si­ble de retrac­er en par­tie l’histoire évo­lu­tive de ces espèces.

Ces études ont en par­ti­c­uli­er révélé l’extraordinaire poten­tiel adap­tatif caché au cœur du génome des mous­tiques qui se man­i­feste par une diver­sité géné­tique par­mi les plus élevées du règne ani­mal.

Cette richesse géné­tique per­met la sélec­tion de vari­ants plus per­for­mants, adap­tés à dif­férents envi­ron­nements ou à des envi­ron­nements changeants. Un fort taux de fécon­dité (une femelle mous­tique pou­vant pon­dre plusieurs cen­taines d’œufs au cours de sa vie) cou­plé à un temps de généra­tion court (une dizaine de jours en moyenne chez les mous­tiques) per­me­t­tent aux mous­tiques de génér­er et de main­tenir cette impor­tante diver­sité géné­tique au fil des généra­tions qui leur garan­tit toute la réac­tiv­ité et la résilience néces­saire face aux change­ments de leur envi­ron­nement, que ceux-ci soient ou non liés aux activ­ités humaines.

Pour le meilleur et pour le pire

Parce qu’ils sont respon­s­ables de nui­sances, mais surtout parce qu’ils peu­vent nous trans­met­tre des mal­adies mortelles, cer­tains mous­tiques sont nos enne­mis. Mais ceux-là restent l’exception dans la floris­sante bio­di­ver­sité culi­ci­di­enne.

S’ils sont indésir­ables en milieu urbain, les mous­tiques jouent un rôle majeur dans le fonc­tion­nement des écosys­tèmes naturels qu’il nous appar­tient aujourd’hui de préserv­er. Non seule­ment ils ser­vent de nour­ri­t­ure à de nom­breux insec­ti­vores aqua­tiques ou aériens (de la libel­lule aux chauves-souris), mais leurs larves par­ticipent à la dégra­da­tion de la matière organique dans l’eau et les adultes, qui ont besoin de sucre pour le vol, peu­vent con­tribuer à la pollini­sa­tion de cer­taines plantes dont ils prélèvent le nec­tar.

Cet arti­cle est repub­lié à par­tir de The Con­ver­sa­tion, sous licence Cre­ative Com­mons. Il a été rédigé par Frédéric Simard, directeur de recherche en ento­molo­gie médi­cale à l’l’Institut de recherche pour le développe­ment (IRD). Vous pou­vez lire l’article orig­i­nal ici.

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