Décryptage

C’est quoi le problème avec le frelon asiatique ?

Tomber à pique. Il tue les abeilles domestiques et dévore les cultures de fruits… Le Sénat vient de voter en faveur d’un plan national de lutte contre les frelons asiatiques. On fait le point sur les principales questions que nous pose cet envahissant vespidé.
  • Par

Le frelon asiatique est-il dangereux pour les humains ?

Sauf s’il est allergique, un indi­vidu n’est pas en dan­ger quand il est piqué plusieurs fois par des abeilles, des guêpes ou des frelons ; il faut en effet des cen­taines de piqûres pour entraîn­er la mort. D’après les cen­tres antipoi­son, 80% des acci­dents sont imputa­bles à l’abeille domes­tique. Les frelons ne lais­sant pas leur dard quand ils attaque­nt, aus­si il est sou­vent dif­fi­cile d’identifier leurs piqûres.

Quand et comment cette espèce est-elle arrivée en France ?

La pre­mière obser­va­tion date de 2004, en Gironde, chez un hor­tic­ul­teur spé­cial­iste du bon­saï. Les pre­miers frelons asi­a­tiques à pattes jaunes auraient voy­agé dans des poter­ies en prove­nance de Chine. D’autres espèces sont présentes en France : le frelon européen, le frelon ori­en­tal et le frelon géant d’Asie.

Où vit le frelon asiatique à pattes jaunes en temps normal ?

On le trou­ve en Asie du Sud-Est, dans une zone allant du Népal à la Chine, où il se développe dans des con­di­tions météorologiques chaudes et humides.

Le frelon asiatique est-il présent partout en France ?

On le trou­ve désor­mais sur tout le ter­ri­toire hexag­o­nal, mais pas en Corse. «Sa den­sité est plus forte dans le Sud-Ouest et la façade atlan­tique, dont les con­di­tions météo sont idéales pour lui», pré­cise à Vert l’entomologiste Quentin Rome, du Muséum nation­al d’histoire naturelle. L’espèce est aus­si bien implan­tée en Espagne et au Por­tu­gal et large­ment présente en Europe de l’Ouest.

Peut-on évaluer le nombre de nids ou d’individus présents en France ?

Cette compt­abil­ité est dif­fi­cile compte tenu d’une grande vari­abil­ité : sa pro­liféra­tion varie en fonc­tion de la météo. Et le suivi n’est pas sim­ple : on peut sig­naler les nids que l’on repère, mais il y ceux que l’on ne voit pas. Les frelons asi­a­tiques nichent à 70% en haut des arbres, «mais ils appré­cient aus­si les façades des bâti­ments urbains, les cav­ités des falais­es», détaille Quentin Rome. Dif­férentes struc­tures se char­gent du suivi, comme les groupe­ments de défense san­i­taire api­coles ou les col­lec­tiv­ités.

Carte mon­trant l’évolution de la présence du frelon asi­a­tique à pattes jaunes en France. © Q.Rome/MNHN

Combien de temps vit un frelon asiatique ?

En fonc­tion de son rôle (reine, ouvrière…), sa vie dure entre quelques semaines et une année. On trou­ve plusieurs mil­liers d’individus dans chaque nid.

Le frelon asiatique s’attaque aux ruches, dans quelles proportions ?

Il serait respon­s­able de 20% de la mor­tal­ité de l’abeille domes­tique en France.

Cause-t-il d’autres types de dégâts ?

Les pro­duc­tions fruitières sont aus­si impactées. «Pour nour­rir leurs larves, ces insectes ont besoin de pro­téines — ils chas­sent les abeilles pour cela — mais aus­si de glu­cides, qu’ils vont trou­ver dans les fruits. Cer­tains exploitants m’ont rap­porté des pertes allant jusqu’à 30% de leur récolte», témoigne Éric Dar­rouzet, chercheur à l’Université de Tours, apicul­teur et ani­ma­teur d’une chaîne Youtube con­sacrée aux frelons asi­a­tiques.

Le frelon européen s’attaque-t-il aussi aux ruches ?

«Cela arrive, mais il chas­se les abeilles plutôt en extérieur, sur les fleurs. Son impact est donc moins vis­i­ble», note Quentin Rome.

Face à ce redoutable prédateur, les abeilles d’Asie s’en sortent-elles mieux ?

Les sci­en­tifiques ont doc­u­men­té plusieurs sys­tèmes de défense des abeilles asi­a­tiques, dont la très spec­tac­u­laire boule de chaleur. Elles saut­ent sur les frelons, les recou­vrent en for­mant une boule et s’agitent pour faire mon­ter la tem­péra­ture afin de «cuire» l’adversaire.

Des abeilles for­ment une boule pour neu­tralis­er un frelon. © Quentin Rome/MNHN

Que faire quand on repère un nid ?

La pre­mière mesure est de se tenir à une dis­tance d’environ cinq mètres. Si le nid se trou­ve dans un endroit fréquen­té et acces­si­ble, il faut alors se rap­procher de sa mairie pour obtenir la liste de pro­fes­sion­nels agréés à même de détru­ire le nid.

Il existe des pièges, servent-ils à quelque chose ?

On trou­ve dif­férents sys­tèmes de piégeage, avec des résul­tats extrême­ment iné­gaux. Il y a ceux de type «bouteille», avec un appât et un liq­uide dans lequel les insectes se noient. Ils sont très pop­u­laires sur Inter­net. «Ces pièges sont une véri­ta­ble cat­a­stro­phe pour la bio­di­ver­sité, car ils attirent les frelons, mais surtout des mil­liers d’autres insectes, met en garde Éric Dar­rouzet. Vous avez aus­si des pièges mécaniques, qui empris­on­nent les insectes en faisant le tri en fonc­tion de la taille. Les frelons sont piégés, les autres peu­vent ressor­tir. Avec mon équipe, nous tra­vail­lons en ce moment sur un sys­tème promet­teur basé sur les phéromones».

Selon le sci­en­tifique, la com­bi­nai­son de plusieurs tech­niques reste aujourd’hui la démarche la plus effi­cace : avec un piège de type muselière (un gril­lage placé à l’en­trée de la ruche pour repouss­er les frelons), des coups de raque­tte élec­triques (cette méth­ode est très répan­due en Chine… mais il faut pou­voir y con­sacr­er du temps et de l’huile de coude !) et une harpe élec­trique instal­lée entre les ruch­es.

Peut-on en venir à bout ?

Désor­mais bien instal­lé en France, le frelon asi­a­tique ne pour­ra pas être éradiqué, comme le récla­ment cer­tains. «Pour agir effi­cace­ment, il faut le faire dès le repérage des pre­miers indi­vidus, souligne Quentin Rome. On a par exem­ple récem­ment iden­ti­fié la four­mi de feu en Sicile. Mais si rien n’est fait rapi­de­ment, on risque de se retrou­ver dans le même cas que pour les frelons asi­a­tiques».

Pho­to d’il­lus­tra­tion : Le frelon asi­a­tique, alias Ves­pa veluti­na. © Alain C./Flickr