Entretien

Fanny Petitbon : « La COP est le seul forum sur le climat où tous les pays sont à égalité »

La COP est entrée de plain pied dans sa deuxième et dernière semaine. Alors que la fumée des annonces se dissipe, l'attention se concentre désormais sur les négociations formelles. Experte climat au sein de l'association Care France, Fanny Petitbon nous dit tout de leur déroulement.
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La première semaine de la COP26 a été marquée par un torrent d’annonces. On a vu des pays s’engager à bouter le charbon hors de leurs frontières (ici), à en finir avec la déforestation () et à réduire drastiquement leurs émissions de méthane (). Mais que s’est-il passé pendant ce temps là dans les salles de négociations ? Et où en est-on ?

Effectivement, on a rarement vu autant d’annonces à une COP. Mais il faudra vraiment attendre que l’encre sèche pour connaître leur portée réelle. Côté négociations, la tension est montée d’un cran ce week-end car les ministres sont arrivés lundi pour reprendre la main ! Les négociateurs ont eu toute la première semaine pour avancer sur de nombreux points relatifs à la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Mais la plupart des sujets majeurs restent ouverts et ce sera aux ministres d’essayer de résoudre les blocages. Certains sont des points d’achoppement depuis la COP21, comme la mise en œuvre de marchés carbone (Vert).

Il y a aussi des choses très techniques comme la mise en œuvre d’un cadre de transparence renforcé pour s’assurer de l’effectivité des mesures prises par les pays. Concrètement, il s’agit de définir un format commun de tableaux dans lesquels les pays devront rentrer des données très précises sur les efforts qu’ils font et ainsi permettre de les comparer. C’est peu médiatique mais c’est la colonne vertébrale de l’Accord de Paris ! Enfin, les pays en développement nourrissent beaucoup d’attentes sur le financement climatique. Ils subissent de plein fouet les effets du changement climatique alors qu’ils en sont les moins responsables. Les pays ont promis de leur transférer des fonds mais j’ai peur qu’on tombe tous de très haut car en réalité ils rechignent à mettre vraiment la main au portefeuille.

Comment se passent concrètement les négociations ? Est-ce que les petits pays sont correctement représentés ?

La COP est le seul forum sur le climat où tous les pays sont sur un pied d’égalité, c’est à dire que le Vanuatu a une voix, tout comme les États-Unis et chaque décision est adoptée au consensus. C’est ce qui explique la lenteur des négociations mais c’est aussi ce qui fait la richesse du processus. Il est vrai que certains petits pays n’ont pas les ressources d’envoyer des délégations suffisamment nombreuses pour pouvoir suivre toutes les négociations. Il peut y avoir jusqu’à une dizaine de sessions en simultané, qui durent jusque tard dans la nuit. Dans les faits cependant, les pays sont rassemblés en bloc pour défendre leurs intérêts collectivement. Par exemple, il y a le groupe des 46 pays les moins développés, les LDC. Il y a aussi le groupe AOSIS qui représente les petites îles en développement. L’Union européenne représente un groupe à elle toute seule et le groupe Umbrella (parapluie) rassemble les pays développés hors-UE.

Sur l’avancée concrète des négociations, la première semaine est dite « technique » alors que la deuxième est « politique ». Pendant la première semaine, un binôme de facilitateurs [constitués d’un représentants d’un pays en développement et d’un autre, issu d’un pays développé] est désigné pour chacun des sujets. Il prépare un projet de texte et réunit les pays en session pour qu’ils s’expriment dessus. Au fur et à mesure des sessions, le texte évolue. Les négociateurs sont en lien avec leurs États qui leur donnent mandat, ou non, pour faire évoluer leur position au fur et à mesure des sessions. Lors de la deuxième semaine, les ministres ramassent les copies et avancent entre eux sur les points qui bloquent. Ce sont souvent des journées très longues, parfois très tendues car un seul vote contre suffit pour faire échouer le consensus.

La COP26 a été désignée comme la moins inclusive de toutes, pourquoi ? Est-ce que les restrictions sanitaires suffisent à expliquer cela ?

La Covid-19 y est pour beaucoup mais pas seulement. Les restrictions sanitaires (vaccination, quarantaine) ont empêché certains délégués de se déplacer à Glasgow, notamment ceux issus des pays en développement. Pour les participants qui ont relevé le défi, ils ont été informés une fois sur place de la mise en place de règles anormalement strictes. Par exemple, les observateurs de la société civile, qui ont le droit d’assister aux négociations et même d’interpeller les négociateurs, ont dû se contenter de les regarder sur un site web pendant plusieurs jours. A cause de cela, nous n’avons pas pu faire notre travail de garde-fou consistant à dénoncer ou amplifier les prises de position des pays, ce qui est très inquiétant. Si les conditions se sont assouplies en milieu de semaine, on est loin de la COP « la plus inclusive » voulue par son président Alok Sharma.

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