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Face à l’effondrement du vivant, les citoyens donnent un coup de patte à la science

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Année après année, la liste des espèces en voie d’extinction ne cesse de s’allonger. Face à cela, de plus en plus de pro­grammes per­me­t­tent à tous·tes de se faire les précieux·ses allié·es des sci­en­tifiques en manque de don­nées.

L’été dernier, c’est depuis sa ter­rasse que Théophile Thomas, étu­di­ant de 19 ans, a décou­vert pour la pre­mière fois en France la présence de four­mis élec­triques. À l’aide d’internautes et de passionné·es présent·es sur un forum Dis­cord, le jeune homme a pu affirmer l’arrivée de cette espèce inva­sive, passée sous les radars des sci­en­tifiques. C’est le principe de la sci­ence par­tic­i­pa­tive qui vise à pro­duire des con­nais­sances en asso­ciant citoyen·nes et professionnel·les de la recherche.

Un portail pour trouver tous les projets proches de chez soi

La sci­ence par­tic­i­pa­tive per­met à tout le monde de con­tribuer active­ment à la recherche sur le vivant, bien sou­vent en manque de finance­ment. Depuis les con­fine­ments suc­ces­sifs, elle est en plein boom. « Les per­son­nes sont partout, sur tout le ter­ri­toire et sur un temps très long », se réjouit Pierre Boivin, chargé de pro­jet pour le Cen­tre per­ma­nent d’ini­tia­tives pour l’en­vi­ron­nement (CPIE). Avec le Col­lec­tif nation­al des Sci­ences par­tic­i­pa­tives, il a créé le por­tail Open qui réper­to­rie la qua­si-total­ité des pro­grammes acces­si­bles au pub­lic en France mét­ro­pol­i­taine. Celui-ci per­met à chacun·e de choisir sa région, un niveau de dif­fi­culté et des thèmes de prédilec­tion.

Une action à portée de smartphone

Une fois le pro­gramme sélec­tion­né, il suf­fit de télécharg­er une appli­ca­tion pour réper­to­ri­er des espèces en prenant une pho­to avec des coor­don­nées GPS, ou de rem­plir les don­nées col­lec­tées sur un site inter­net. « N’importe qui peut aider, même sans con­nais­sances », ras­sure Pierre Boivin. Des fich­es sont envoyées aux inscrit·es pour recon­naître les dif­férentes espèces. « Les néo­phytes sont très rares. Le sim­ple fait de vivre, même dans un intérieur, fait qu’on développe notre obser­va­tion », con­firme Flo­ri­an Char­volin, soci­o­logue qui a étudié le pro­fil de participant·es à ces pro­grammes sci­en­tifiques. « Avant c’é­tait des ama­teurs éclairés et main­tenant c’est acces­si­ble à tout le monde depuis la général­i­sa­tion d’in­ter­net dans tous les foy­ers depuis les années 2000 », ajoute Anne Doz­ières, respon­s­able du pro­jet Vigie Nature porté par le Muséum nation­al d’his­toire naturelle.

Trois appli­ca­tions pour se lancer dans l’ob­ser­va­tion citoyenne © Vert

Plant­net, Nat­u­raL­ist, iNat­u­ral­ist ou encore Pic­tureThis, les appli­ca­tions de recon­nais­sance de plantes, véri­ta­bles « Shaz­am » de la bio­di­ver­sité, se sont aus­si mul­ti­pliées et per­me­t­tent aux citoyen·nes de recon­naître la plu­part des espèces. Par exem­ple, le pro­gramme Un drag­on dans mon jardin appelle à poster une pho­to de chaque amphi­bi­en (tri­tons, sala­man­dres, cra­pauds, grenouilles…) et rep­tiles (lézards, ser­pents…) qui tra­versent la route des participant·es. « Une fois envoyés, les résul­tats sont validés par un expert. Même s’il y a deux trois erreurs, elles seront insignifi­antes dans la masse de don­nées col­lec­tées », ras­sure Pierre Boivin. « Il y a tou­jours des asso­ci­a­tions locales en inter­mé­di­aires, pré­cise de son côté Anne Doz­ières, les sci­ences par­tic­i­pa­tives per­me­t­tent juste­ment de décloi­son­ner la sci­ence et la société. »

Mieux connaître son environnement pour aller mieux soi-même

Les sci­ences par­tic­i­pa­tives ne visent pas sim­ple­ment à amélior­er l’état de la recherche ; elles sont aus­si un puis­sant moyen de sen­si­bilis­er le pub­lic à l’effondrement du vivant. « On entend que ça ne va pas bien, mais on ne s’en rend pas sou­vent compte. Là, si j’ai observé 120 oiseaux l’année dernière et qu’il n’y en a plus que 90 cette année, je vais voir les con­séquences », illus­tre Pierre Boivin. De plus, une récente étude du CNRS démon­tre que pass­er du temps dans la nature, en se con­cen­trant sur ce qui nous entoure, ren­force le bien-être et améliore notre san­té. Les sci­ences par­tic­i­pa­tives font du bien à tou·tes les représentant·es du vivant — les espèces qui nous envi­ron­nent, comme la nôtre.